Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée, sous le n° 20NC00636, le 10 mars 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 4 février 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2019 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- le préfet ne démontre pas avoir procédé à un examen approfondi de sa situation ;
- l'arrêté méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnait l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de l'intérêt respectif de l'ordre public et de ses libertés.
Par un mémoire en défense, enregistré 11 juin 2020, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Goujon-Fischer premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant brésilien, est entré en France, selon ses déclarations, en 2006. Il a déposé le 8 décembre 2018 une demande de titre de séjour en qualité de conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne sur le fondement de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 4 septembre 2019, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. C... relève appel du jugement du 4 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 4 septembre 2019.
Sur la légalité de l'arrêté du 4 septembre 2019 :
2. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour énonce les motifs de droit et de fait sur lesquels le préfet de l'Aube s'est fondé et satisfait dès lors à l'obligation de motivation. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait pris cette décision sans avoir procédé préalablement à un examen particulier de la situation de M. C....
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé et de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., qui déclare être entré en France en 2006, alors âgé de quinze ans, y réside effectivement depuis au moins 2010, date à compter de laquelle il s'est à plusieurs reprises, jusqu'en 2015, rendu coupable de faits d'entrée et de séjour irrégulier sur le territoire français. Il justifie avoir résidé dans l'Essonne, à la même adresse qu'une ressortissante portugaise résidant en France, avec laquelle, selon ses déclarations, il était en concubinage depuis cinq ans à la date de l'arrêté contesté. De cette relation est né un enfant, le 3 septembre 2017, reconnu par M. C... le 6 septembre 2017. La mère et les deux soeurs de ce dernier sont par ailleurs titulaires de titre de séjour en France. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. C... a été condamné à six reprises entre 2010 et 2015, notamment à cinq peines d'emprisonnement pour des faits d'entrée ou séjour irrégulier d'un étranger en France assorti d'une interdiction de retour pendant trois années, recel de faux document administratif, conduite d'un véhicule sans permis et escroquerie, détention frauduleuse de faux document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité accordant une autorisation et a été incarcéré à compter du 26 septembre 2017 pour purger une peine de 18 mois d'emprisonnement. Ainsi, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions du séjour en France de l'intéressé, de l'atteinte répétée portée à l'ordre public par sa présence sur le territoire français et en l'absence de toute précision sur le maintien de ses liens avec sa concubine et son enfant depuis son incarcération, l'arrêté du préfet de l'Aube du 4 septembre 2019 n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Il n'a dès lors méconnu ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
6. Si M. C... est le père d'un enfant né en 2017 de sa relation avec une ressortissante portugaise résidant en France, il n'apporte aucun élément de nature à établir la poursuite de ses relations avec cet enfant, notamment depuis son incarcération en septembre 2017. Dans ces circonstances, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par M. C....
Sur les frais liés à l'instance :
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.
N° 20NC00636 2