Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 20NC00934 le 16 avril 2020, complétée par un mémoire enregistré le 13 janvier 2021, M. B... C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 17 mars 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du territoire de Belfort du 27 novembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du territoire de Belfort de réexaminer sa situation et de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de trente euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier : il est insuffisamment motivé ; il ne tient pas compte de certains faits et de pièces produites aux débats ; il est entaché d'une erreur de droit au regard de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- elle est insuffisamment motivée, car le préfet n'indique pas en quoi il ne remplit pas les conditions prévues à l'article L. 6222-2 4° du code du travail ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 6222-2 4° du code du travail ;
- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- il est fondé à solliciter l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire par voie d'exception de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- il est fondé à solliciter l'annulation de la décision fixant le pays de destination par voie d'exception de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2020, le préfet du territoire de Belfort conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Favret, premier conseiller,
- et les observations de Me A..., pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., ressortissant marocain né le 21 juin 1989, est entré en France le 24 août 2011 sous couvert d'un visa long séjour, valant titre de séjour portant la mention " étudiant ", valable du 18 août 2011 au 18 août 2012. Après avoir obtenu des unités de valeur d'enseignement en Génie mécanique et conception à l'issue de l'année universitaire 2011-2012, il s'est inscrit en 2012-2013 en licence de Sciences pour l'ingénieur - Parcours thermique et énergétique, mais n'a obtenu son diplôme que le 4 juillet 2017, après cinq années de scolarisation en licence. M. C... s'est inscrit en 2017-2018 en Master Energie à l'université de Franche-Comté, et a obtenu un titre de séjour portant la mention " étudiant " valable du 9 novembre 2017 au 8 novembre 2019. Il a sollicité, le 29 octobre 2019, le renouvellement de son titre de séjour, mais le préfet du Territoire de Belfort lui a refusé ce renouvellement, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit, par un arrêté en date du 27 novembre 2019. M. C... fait appel du jugement du 17 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à chacun des arguments formulés au soutien du moyen tiré de ce que M. C... avait droit à un titre de séjour portant la mention " étudiant ", a répondu de manière suffisamment précise et complète à ce moyen, d'une part, en indiquant que l'étranger âgé de plus de vingt-neuf ans souhaitant entrer dans un dispositif de contrat d'apprentissage devait, en application des dispositions combinées de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles L. 6222-1, L. 6222-2 4° du code du travail, justifier s'inscrire dans un projet professionnel de création ou de reprise d'entreprise dont l'obtention du diplôme préparé est une condition nécessaire et, d'autre part, en soulignant qu'il ressortait clairement de la présentation du projet professionnel de M. C... que l'obtention du diplôme d'ingénieur en apprentissage en maintenance industrielle n'était pas nécessairement requise, que l'intéressé ne pouvait, dans ces conditions, prétendre au bénéfice de l'exception à la règle de limite d'âge appliquée au cursus dans lequel il entendait s'engager et qu'il ne justifiait donc pas remplir les conditions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prétendre au bénéfice d'un titre de séjour portant la mention " étudiant ", alors que son cursus " ne révèle pas un caractère véritablement sérieux, l'intéressé ayant notamment été déclaré défaillant aux épreuves de son master puis ayant vu sa demande de redoublement refusée ". Dès lors, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas de la lecture du jugement attaqué que le tribunal n'aurait pas tenu compte des éléments factuels de l'affaire dont il était saisi et de l'ensemble des pièces produites aux débats, notamment s'agissant de l'ancienneté et de la stabilité de la relation de M. C... avec Mme D..., d'une part, et des motifs de la défaillance de l'intéressé à ses examens, d'autre part, et ce nonobstant la circonstance que les premiers juges n'ont pas fait référence aux problèmes de santé du requérant.
4. En troisième lieu, à supposer même que le tribunal administratif aurait entaché son jugement d'une erreur de droit au regard de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une telle erreur mettrait en cause le bien-fondé du jugement, et non sa régularité en la forme.
5. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
6. En premier lieu, il ressort de la lecture de la décision contestée que le préfet du territoire de Belfort a mentionné l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les articles L. 6222-1 et L. 6222-2 4° du code du travail, précisé que la limite d'âge n'était pas applicable " lorsque le contrat d'apprentissage est souscrit par une personne qui a un projet de création ou de reprise d'entreprise dont la réalisation est subordonnée à l'obtention du diplôme ou titre sanctionnant la formation poursuivie ", puis souligné qu'il ressortait de l'examen du dossier de l'intéressé qu'il ne remplissait pas les conditions prévues à l'article L. 6222-2 4° du code du travail pour bénéficier d'une formation en apprentissage et ne pouvait donc pas être engagé en qualité d'apprenti et prétendre en conséquence au renouvellement de son titre de séjour portant la mention " étudiant " en application de l'article L. 313-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée est insuffisamment motivée.
7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du territoire de Belfort n'aurait pas procédé à l'examen de la situation particulière de M. C..., avant d'opposer un refus à sa demande de renouvellement de son titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré de ce que préfet n'aurait pas procédé à un tel examen doit être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France ". Aux termes des dispositions de l'article L. 6222-1 du code du travail : " Nul ne peut être engagé en qualité d'apprenti s'il n'est âgé de seize ans au moins à vingt-neuf ans révolus au début de l'apprentissage ". Aux termes des dispositions de l'article L. 6222-2 du même code dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel : " La limite d'âge de vingt-neuf ans révolus n'est pas applicable dans les cas suivants : (...) 4° Lorsque le contrat d'apprentissage est souscrit par une personne qui a un projet de création ou de reprise d'entreprise dont la réalisation est subordonnée à l'obtention du diplôme ou titre sanctionnant la formation poursuivie ".
9. Il résulte de ces dispositions qu'un étranger âgé de plus de vingt-neuf ans qui souhaite être engagé en qualité d'apprenti ne peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que s'il justifie avoir un projet de création ou de reprise d'entreprise dont la réalisation est subordonnée à l'obtention du diplôme ou titre sanctionnant la formation poursuivie.
10. Si le requérant, qui se prévaut d'un contrat d'apprentissage avec l'entreprise Lisi Automotive à Grandvillars, affirme que le diplôme d'ingénieur en maintenance industrielle pour l'obtention duquel il s'est inscrit à l'université de Paris-Est-Marne-la-Vallée est nécessaire à son projet de création d'entreprise, il ne l'établit pas, alors que la DIRRECTE du territoire de Belfort a considéré, dans son avis en date du 12 septembre 2019, que M. C..., âgé de 30 ans, ne remplissait pas la condition d'âge requise pour conclure un contrat d'apprentissage et ne pouvait pas se prévaloir d'un projet de création ou de reprise d'entreprise dont la réalisation est subordonnée à l'obtention du diplôme ou titre sanctionnant la formation poursuivie. Dès lors, contrairement à ce qu'il soutient, le requérant ne pouvait pas bénéficier des dispositions précitées du 4° de l'article L. 6222-2 du code du travail. Par ailleurs, l'intéressé, qui n'a obtenu son diplôme de licence en Sciences pour l'ingénieur - Parcours thermique et énergétique qu'après cinq années d'études en licence et n'a justifié d'aucune inscription dans un établissement d'enseignement en 2018-2019, ne justifie pas de la réalité et du sérieux de ses études. A cet égard, s'il affirme que ses défaillances aux examens et ses redoublements s'expliquent par ses problèmes de santé consécutifs à un accident du travail survenu en 2018, il ne l'établit pas par les pièces qu'il produit. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il avait droit au renouvellement de sa carte de séjour portant la mention " étudiant ".
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. ".
12. Il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est marié avec une ressortissante française le 3 janvier 2020, soit postérieurement à la décision contestée. S'il affirme vivre avec l'intéressée depuis août 2014, il ne justifie pas de l'ancienneté et de la stabilité de sa relation avec celle-ci, en se bornant à produire, d'une part, des factures d'EDF dont la plus ancienne est datée du 28 septembre 2016 et, d'autre part, des attestations peu circonstanciées et stéréotypées émanant de membres de sa belle-famille, ainsi qu'un certificat de vie commune établi le 31 octobre 2019, à sa demande, par le maire de Belfort, lequel se borne d'ailleurs à indiquer que le couple réside et vit maritalement dans sa commune à la date d'édiction du certificat. Par ailleurs, M. C..., qui n'a jamais sollicité de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire n° NOR INTK1229185C du 28 novembre 2012, dépourvue de valeur règlementaire. De plus, et alors que les premiers juges n'ont pas considéré que le mariage de l'intéressé était un mariage de complaisance, il sera toujours loisible au requérant, une fois retourné au Maroc, de solliciter un visa en qualité de conjoint de Français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit en tout état de cause être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire.
14. En second lieu, pour les mêmes raisons que celles développées au point 12 du présent arrêt, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision fixant le pays d'éloignement :
15. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour et de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays d'éloignement.
16. En second lieu, ainsi qu'il a été dit plus haut, il sera toujours loisible au requérant, une fois retourné au Maroc, de solliciter un visa en qualité de conjoint de Français. Par suite, alors que le retour provisoire de l'intéressé dans son pays d'origine n'implique pas l'obligation pour lui de reconstituer sa vie familiale au Maroc, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du territoire de Belfort du 27 novembre 2019. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du territoire de Belfort de réexaminer sa situation et de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de trente euros par jour de retard doivent par voie de conséquence être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
18. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
19. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du territoire de Belfort.
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N° 20NC00934