Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 20NC01007 le 29 avril 2020, M. B... D..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 21 novembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 26 août 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, dans l'attente de cette délivrance, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me C... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier : il ne comporte pas les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience ; il est insuffisamment motivé, dès lors qu'il n'a pas tenu compte des pièces établissant qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente ;
- l'avis du collège de médecins de l'OFII du 14 juin 2019 a été établi au vu d'un rapport incomplet ;
- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance du 11° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 11 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... D..., ressortissant bangladais né le 30 novembre 1971, est entré irrégulièrement en France le 1er novembre 2015, selon ses déclarations. Il a sollicité, le 12 mai 2016, son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) en date du 30 septembre 2016, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) en date du 7 septembre 2017. M. D... a alors sollicité, le 29 novembre 2017, son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 26 août 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. D... fait appel du jugement du 21 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".
3. Il résulte de l'examen de la minute du jugement attaqué que celle-ci comporte les signatures manuscrites requises par ces dispositions.
4. En second lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à chacun des arguments formulés au soutien du moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a répondu de manière suffisamment précise et complète à ce moyen, d'une part, en indiquant qu'il ressortait des termes de l'avis émis le 14 juin 2019 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais que M. D... pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et, d'autre part, en soulignant que, si plusieurs médicaments prescrits à l'intéressé ne figuraient pas sur la liste des principaux médicaments disponibles au Bangladesh diffusée par l'Organisation mondiale pour la santé, il résultait de cette liste qu'il existait néanmoins au Bangladesh divers médicaments pour traiter les troubles anxio-dépressifs, que le caractère indispensable et non-substituable des médicaments prescrits à M. D... n'était pas établi et que, si le requérant faisait état du faible nombre de psychiatres au Bangladesh, les éléments qu'il apportait ne permettaient " pas de justifier que l'insuffisance de personnels ou d'établissements de santé au Bangladesh ferait obstacle à ce qu'il ait accès à un traitement approprié ". Dès lors, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé doit être écarté.
5. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.
Sur le bien-fondé du jugement :
6. En premier lieu, le préfet du Bas-Rhin a, par un arrêté du 11 juin 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 14 juin suivant, donné délégation à Mme A..., directrice des migrations et de l'intégration, pour signer tous actes et décisions relevant des attributions de sa direction, à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas l'arrêté litigieux. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22 (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. ".
8. Le respect du secret médical s'oppose à la communication à l'autorité administrative, comme au juge administratif, du rapport médical prévu à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, et alors qu'il admet lui-même que le rapport du médecin instructeur a été établi au vu du certificat médical confidentiel rédigé par le médecin qui le suit habituellement et des pièces médicales qu'il a communiquées à l'OFII à l'occasion de l'examen médical qui s'est déroulé le 11 février 2019, M. D... ne peut pas utilement soutenir que ce rapport est insuffisant, notamment au regard de son traitement médicamenteux, et que l'avis du collège des médecins de l'OFII a été émis sur la base d'un rapport incomplet.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11°A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
10. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Elle doit alors, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
11. Il ressort des pièces du dossier que M. D... souffre de divers troubles psychiatriques liés à un syndrome de stress post-traumatique, pour lesquels il suit depuis le mois de juillet 2016 un traitement associant thérapie de soutien et médicaments. Pour refuser à l'intéressé le titre de séjour qu'il avait sollicité pour raisons de santé, le préfet du Bas-Rhin s'est fondé notamment sur un avis émis le 14 juin 2019 par le collège des médecins de l'OFII, qui a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'un traitement approprié était disponible dans le pays d'origine et que M. D... pouvait voyager sans risque.
12. Les pièces produites par le requérant, notamment deux certificats médicaux en date des 7 juillet 2017 et 6 décembre 2017, ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée, au vu de cet avis, par le préfet du Bas-Rhin. Elles n'établissent pas davantage que les principes actifs des médicaments prescrits à l'intéressé n'existeraient pas au Bangladesh sous d'autres appellations commerciales. Par ailleurs, si l'appelant se prévaut du caractère non-substituable des médicaments qui lui sont prescrits, il ne l'établit pas par les pièces qu'il produit. Par ailleurs, si le requérant affirme que les médicaments ou principes actifs qui composent son traitement médicamenteux ne figurent pas sur la liste publiée par l'Organisation mondiale de la santé concernant les médicaments effectivement disponibles au Bangladesh, il admet lui-même que cette liste est déjà ancienne, puisque datée de 2016, et qu'elle mentionne néanmoins divers médicaments destinés à traiter les troubles anxio-dépressifs. Enfin, si l'intéressé soutient que les pièces produites par le préfet ne font état que de quatorze psychiatres au Bangladesh et que ces derniers exercent uniquement dans la capitale du pays, il ne démontre pas, en se bornant à souligner qu'il est natif de Charigram et résidait habituellement en province, qu'il serait dans l'impossibilité de faire l'objet d'un suivi médical par l'un de ces médecins spécialistes. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 26 août 2019. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, dans l'attente de cette délivrance, une autorisation provisoire de séjour doivent par voie de conséquence être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
15. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. D... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
2
N° 20NC01007