Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 20NC01029 le 4 mai 2020, M. C... A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 14 novembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 22 août 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et dans l'intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me B... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- le préfet de police n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, au regard de son état de santé.
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 11 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., ressortissant guinéen, né le 30 juillet 1988, est entré en France le 4 avril 2013, selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 19 août 2014, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 16 mars 2015. M. A... a sollicité le 16 décembre 2016 son admission au séjour pour raisons médicales et s'est vu délivrer une autorisation provisoire de séjour, régulièrement renouvelée jusqu'au 6 juin 2018. Il en a sollicité le renouvellement par un courrier du 29 juin 2018, mais le préfet de la Moselle a, par un arrêté du 24 mai 2019, refusé de faire droit à cette demande de renouvellement, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un arrêté du 22 août 2019, le préfet de police a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. A... fait appel du jugement du 14 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de ce dernier arrêté.
2. En premier lieu, la décision du préfet de police portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, qui n'est pas stéréotypée, mentionne les textes dont elle fait application, notamment l'article L. 551-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et précise que M. A... fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire prise par le préfet de la Moselle le 24 mai 2019, à laquelle il s'est soustrait. Alors que le préfet de police n'était pas tenu de mentionner dans sa décision portant interdiction de retour sur le territoire français l'ensemble des éléments de fait dont s'était prévalu le requérant à l'appui de sa demande de renouvellement de son titre de séjour ayant conduit à l'édiction de cette obligation de quitter le territoire, cette décision souligne également que l'intéressé se déclare en couple avec une femme enceinte de ses oeuvres, sans toutefois en apporter la preuve et que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Elle comporte, dès lors, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à l'examen de la situation particulière de M. A..., avant de prendre à son encontre la décision contestée portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Dès lors, le moyen tiré de ce que préfet n'aurait pas procédé à un tel examen doit être écarté.
4. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que, si M. A... souffre d'une pathologie psychiatrique liée à un syndrome de stress post-traumatique, pour laquelle il suit un traitement associant psychothérapie et psychotropes, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et l'intégration (OFII) a estimé, par un avis émis le 6 mai 2019, que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale, mais que le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que M. A... pouvait voyager sans risque. Les pièces produites par le requérant ne permettent pas de remettre en cause le bien-fondé de cet avis. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que la pathologie psychiatrique de l'intéressé présenterait, avec les événements traumatisants qu'il allègue avoir vécus dans son pays d'origine, un lien tel qu'un traitement approprié ne puisse pas, dans son cas, être envisagé dans ce pays. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, au regard de son état de santé.
5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Si M. A... se prévaut d'une présence en France depuis 2013, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait développé en France des liens personnels et familiaux d'une intensité, d'une ancienneté et d'une stabilité telle que le refus de séjour contesté porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. S'il affirme qu'il s'est marié religieusement en décembre 2018 avec une Française, que celle-ci est enceinte de ses oeuvres et qu'il va se marier civilement, il n'apporte pas de justificatifs sur sa vie commune avec cette personne, dont il n'avait pas mentionné l'existence lors de sa demande de renouvellement de son titre de séjour ayant conduit à l'obligation de quitter le territoire en date du 24 mai 2019. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant serait dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine. Par suite et eu égard aux circonstances analysées au point 4, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
8. Si le requérant affirme qu'il a été victime, dans son pays d'origine, de la répression violente d'un mouvement de protestation, qu'il a perdu son père lors d'un massacre et a subi lui-même des brutalités, les documents qu'il produit ne démontrent pas qu'il risquerait d'être personnellement exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Guinée. Au demeurant, ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, la demande d'asile de M. A... a été rejetée par une décision de l'OFPRA en date du 19 août 2014, confirmée par une décision de la CNDA en date du 16 décembre 2016. En outre, ainsi qu'il a été dit plus haut, il ne ressort pas des pièces du dossier que la pathologie de l'intéressé présenterait, avec les événements traumatisants qu'il allègue avoir vécus en Guinée, un lien tel qu'un traitement approprié ne puisse pas, dans son cas, être envisagé dans ce pays. Enfin et en tout été de cause, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'implique pas, par elle-même, que l'intéressé soit renvoyé dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à annuler l'arrêté du préfet de police du 22 août 2019. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et dans l'intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour doivent être rejetées, par voie de conséquence.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
2
N° 20NC01029