1°) d'ordonner, avant dire droit, un supplément d'instruction tendant à la production du rapport médical et de l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 14 janvier 2018 ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 17 octobre 2018 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 15 mai 2018 par lequel le préfet Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination ;
4°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir ; subsidiairement de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant du refus de séjour :
- en ne se prononçant pas sur sa demande tendant à ce que l'Office français de l'immigration et de l'intégration soit invité à produire les documents administratifs établis dans cadre de l'examen de la situation médicale, le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité ;
- la communication du rapport du médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est nécessaire pour permettre à la cour d'apprécier les raisons qui ont conduit le collège de médecins à considérer que le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
- le préfet ne justifie pas la régularité de la composition du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, au sein duquel le médecin instructeur ne doit pas siéger ;
- le collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a omis de se prononcer sur sa possibilité de se soigner dans son pays et les soins nécessités par son état de santé ; cette omission l'a privé d'une garantie ;
- il ne pourrait bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié à son état de santé ;
- c'est à tort que le préfet a considéré qu'il était célibataire et le refus de séjour est sur ce point entaché d'une erreur de fait et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et familiale ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'examen de la situation personnelle ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- cette décision est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;
- le préfet a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 22 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Goujon-Fischer premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant de la République démocratique du Congo, est entré en France, selon ses déclarations, le 27 mai 2015, en vue de solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 février 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 19 octobre 2016. Le 26 avril 2017, il a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 15 mai 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 17 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si M. B... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg de conclusions tendant à ce qu'il soit ordonné avant dire droit à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de produire le rapport médical établi sur son état de santé dans les conditions prévues par l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le tribunal n'était pas tenu de répondre expressément à cette demande tendant à la mise en oeuvre de pouvoirs d'instruction. En s'abstenant d'y répondre, il n'a dès lors entaché son jugement d'aucune irrégularité.
Sur la légalité de l'arrêté du 15 mai 2018 :
En ce qui concerne le refus de séjour :
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur: " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22 (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège ".
4. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
5. En premier lieu, s'il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) devrait comporter la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins, en revanche ces dispositions prévoient que le médecin rapporteur ne siège pas au sein de ce collège. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins. Le respect du secret médical s'oppose toutefois à la communication à l'autorité administrative, à fin d'identification de ce médecin, de son rapport, dont les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient la transmission qu'au seul collège de médecins et, par suite, à ce que le juge administratif sollicite la communication par le préfet ou par le demandeur d'un tel document.
6. Il ressort des pièces versées au dossier par le préfet du Bas-Rhin, en particulier d'une attestation de l'OFII en date du 28 avril 2020, produite à la demande de la cour, que le rapport médical sur l'état de santé de M. B... prévu par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été établi, le 19 décembre 2017, par un premier médecin, le docteur Nathalie Ortega, qui n'a pas siégé au sein du collège de médecins ayant rendu l'avis du 14 janvier 2018. Il s'ensuit que l'avis a été émis dans le respect de la règle selon laquelle le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège, conformément aux dispositions des articles R. 312-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
7. En deuxième lieu, il ressort de l'avis émis le 14 janvier 2018 que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, le collège n'était pas tenu de se prononcer sur la possibilité pour l'intéressé de bénéficier d'un accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, en se fondant sur cet avis, le préfet du Bas-Rhin n'a pas méconnu de règle de procédure qui aurait constitué une garantie pour le requérant.
8. En troisième lieu, en se bornant à faire à nouveau état, devant la cour, de l'indisponibilité d'un traitement approprié à son état de santé en République démocratique du Congo, ainsi que des diverses difficultés d'accès à des soins et des liens entre ce pays et la pathologie dont il est atteint, M. B... ne conteste pas utilement l'appréciation du collège de médecins du l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que le préfet s'est approprié, selon laquelle l'absence de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner pour lui de conséquences d'une exceptionnelle gravité. L'avis du médecin psychiatre de M. B..., émis antérieurement à l'avis du collège de médecins et porté à la connaissance de celui-ci ou le certificat médical établi le 6 juin 2018, par lequel ce même médecin se borne, sans fournir de précisions, à indiquer que l'intéressé a besoin de soins médicaux spécialisés en l'absence desquels il serait dans une situation d'une exceptionnelle gravité, ne permettent de tenir pour établi qu'un défaut de soins entraîneraient de telles conséquences. Par suite, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner la production du rapport médical prévu par l'article R. 313-22, au demeurant protégé par le secret médical, le moyen tiré de ce que le préfet du Bas-Rhin a fait une inexacte application des dispositions précitées doit être écarté.
9. En quatrième lieu, il ressort de la lecture de l'arrêté du 15 mai 2018 que le préfet du Bas-Rhin s'est borné à indiquer que M. B... s'était déclaré célibataire. En faisant état de sa liaison avec une personne au domicile de laquelle il vit, il n'établit pas avoir porté cette information à la connaissance du préfet antérieurement à la prise de l'arrêté litigieux. Les moyens tirés de l'erreur de fait et du défaut d'examen particulier qui entacheraient cet arrêté ne peuvent dès lors qu'être écartés.
10. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France en 2015, à l'âge de 29 ans. S'il fait état de sa liaison avec une personne au domicile de laquelle il vit depuis août 2017, ainsi que de sa participation à la vie associative locale, il ne justifie pas de l'ancienneté de cette relation affective ni être dépourvu d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine. Ainsi, il n'établit pas qu'en refusant de l'admettre au séjour en France, le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'un tel refus sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
11. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
12. Le moyen tiré de ce que l'obligation faite à M. B... méconnaîtrait les dispositions précitées doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
13. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. B... n'établit pas l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour qu'il conteste. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit être écarté.
14. En second lieu, il ressort de la lecture de l'arrêté du 15 mai 2018 que le préfet a procédé à l'examen des éléments avancés par M. B... pour soutenir qu'il encourait le risque d'être exposé à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Par les documents qu'il produit, le requérant n'établit pas la réalité du risque ainsi allégué.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
16. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B....
Sur les frais liés à l'instance :
17. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
18. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 18NC03487