Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 octobre 2018, Mme A...C..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1801347 du 20 septembre 2018 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de réexaminer sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son avocate au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme C...soutient que :
- le refus de séjour est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle et familiale ;
- le refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de l'admettre au séjour ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2019, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 22 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Rees, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...C..., ressortissante arménienne, née le 22 juin 1988, est entrée irrégulièrement sur le territoire français le 17 juillet 2015. A la suite du rejet de sa demande d'asile, elle a sollicité son admission au séjour au titre de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 5 juin 2018, le préfet de l'Aube lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'expiration de ce délai.
2. Mme C...relève appel du jugement du 20 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C...est la compagne d'un ressortissant arménien, arrivé en France avec ses parents, le 29 décembre 2006, à l'âge de 21 ans et qui y séjourne régulièrement sous couvert d'une carte de séjour temporaire valable du 30 mai 2018 au 29 mai 2020. Il ressort des pièces du dossier que leur relation s'est nouée en décembre 2015, soit plus de deux ans et demi avant l'arrêté litigieux, qu'après avoir été hébergés chez les parents de son compagnon, Mme C...vit avec lui dans leur propre appartement depuis le 31 janvier 2017 et qu'un enfant est né de leur union le 3 août 2017. Dans ces conditions, le préfet a porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il lui a refusé l'admission au séjour. Dès lors, Mme C...est fondée à soutenir que le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précité, et que la décision de refus de séjour est entachée d'illégalité.
4. Par voie de conséquence, la requérante est fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est également entachée d'illégalité.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par la requérante, que celle-ci est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Dès lors, elle est fondée à demander l'annulation de ce jugement, ainsi que celle de l'arrêté contesté.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Le présent arrêt implique nécessairement qu'à tout le moins, le préfet procède, comme le demande la requérante, au réexamen de sa demande. Il y a lieu de lui enjoindre de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Mme C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... de la somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1801347 du 20 septembre 2018 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de l'Aube du 5 juin 2018 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Aube de réexaminer la demande de titre de séjour de Mme A...C...et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me B... la somme de 1 500 (mille cinq-cents) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.
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N° 18NC02841