Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 janvier 2018, M. et MmeD..., représentés par MeE..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral contesté ;
3°) d'enjoindre à l'administration de leur délivrer un titre de séjour, à tout le moins une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me E...d'une somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Ils soutiennent que :
- l'auteur des arrêtés contestés est incompétent, la délégation de signature étant trop générale ;
- le préfet s'est cru en situation de compétence liée et n'a pas examiné les demandes de M. et MmeD..., ses motivations étant stéréotypées ;
- le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est méconnu, le préfet s'étant cru à tort lié ; le moyen est opérant dès lors que le préfet a examiné d'office si les requérants pouvaient se voir délivrer un titre de séjour sur un autre fondement que l'asile ;
- les requérants peuvent invoquer l'atteinte à leur vie privée et familiale dès lors que le refus de titre de séjour est assorti d'une obligation de quitter le territoire français ;
- les refus de titre de séjour méconnaissent l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de l'état de santé d'un des enfants des requérants ;
- ils méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- les décisions de retour ne sont pas motivées et l'article L. 511-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas conforme aux articles 7 et 8 de la directive 2008/115/CE, d'application directe, en ce qu'il confère un caractère automatique au délai de départ volontaire et en ce que la loi restreint la possibilité d'accorder un délai supérieur à 30 jours au seul cas de situation exceptionnelle ;
- le préfet a méconnu l'article L. 121-1 du le code des relations entre le public et l'administration et l'article 41.2 de la Charte des droits fondamentaux de l'union européenne, dès lors qu'ils n'ont pas pu formuler d'observations préalables sur le délai de départ volontaire, alors qu'ils n'avaient pas pu en présenter avant les refus de titre de séjour, ce qui leur aurait permis de faire valoir l'état de santé de leur enfant ;
- les mesures d'éloignement sont illégales dès lors que les obligations de quitter le territoire français n'ont pas été motivées en fait et en droit comme l'exige l'article 12 de la directive de 2008 ;
- le délai de départ volontaire n'est pas suffisamment motivé, le préfet ayant visé l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que l'article 7.2 de la directive 2008/115/CE l'oblige à prévoir un délai de départ volontaire adapté à la situation, qui peut être supérieur à 30 jours ;
- la motivation du délai de départ volontaire ne mentionne aucune circonstance permettant d'assurer que le préfet a étudié la possibilité d'accorder un délai supérieur à 30 jours ;
- le délai de départ volontaire devait tenir compte des besoins particuliers des personnes vulnérables en application de l'article 14 de la directive qui est d'application directe, dès lors que les requérants vivent en France depuis près de deux ans et qu'un de leur enfant est gravement malade ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale compte tenu des dangers courus par les requérants en cas de retour en Albanie.
Par une ordonnance du 11 décembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 8 janvier 2019.
M. et Mme D...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 23 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Stefanski, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et MmeD..., de nationalité albanaise, ont déclaré être entrés sur le territoire français le 6 octobre 2016, accompagnés de leurs trois enfants. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 mars 2017, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 20 juillet 2017. Le préfet de la Meuse a alors pris, pour chacun d'eux, le 4 septembre 2017, un arrêté portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. M. et Mme D...forment appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes dirigées contre ces arrêtés.
2. M. et Mme D...soulèvent dans leur requête des moyens respectivement tirés de ce que les arrêtés contestés ont été pris par une autorité incompétente, de ce que les refus de titre de séjour méconnaissent l'article L. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, de ce que les obligations de quitter le territoire français ne sont pas motivées conformément aux exigences de l'article 12 de la directive 2008/115/CE, de ce qu'ils n'ont pas pu formuler d'observations sur le délai de départ volontaire en méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article 41.2 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne, de ce que l'article L. 511-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas conforme aux articles 7 et 8 de la directive 2008/115/CE, de ce que les décisions fixant le délai de départ volontaire ne sont pas suffisamment motivées et de ce que les décisions fixant le pays de destination sont illégales en raison des dangers courus en cas de retour en Albanie. Ces moyens, qui ne sont pas assortis de précisions nouvelles, ont été à bon droit écartés par le tribunal administratif dont il y a lieu d'adopter les motifs sur ces points.
Sur les refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, il ne ressort pas pièces du dossier et notamment des termes des arrêtés contestés, qui ne sont pas stéréotypés et font état de circonstances précises de fait relatives aux intéressés, que le préfet s'est cru en situation de compétence liée après les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile et qu'il n'a pas examiné les demandes de M. et MmeD....
4. En deuxième lieu, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant dès lors que, contrairement à ce que soutiennent les requérants en appel, il ne ressort d'aucun des termes des arrêtés contestés que les décisions de refus de titre de séjour ont été prises sur ce fondement que le préfet aurait examiné d'office. En réalité, le préfet a examiné si la décision contestée ne portait pas atteinte au droit des intéressés au respect de leur vie familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. En troisième lieu, les requérants font valoir que les refus de titre de séjour portent atteinte à leur situation personnelle, dès lors qu'ils sont en France depuis deux ans avec leur famille et qu'un de leurs enfants a un problème de santé. Cependant, le préfet a pu sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation au regard de la vie privée et familiale des intéressés, se fonder sur leur courte durée de présence en France et sur ce qu'ils n'établissaient pas être dépourvus d'attaches dans leur pays d'origine, pour leur refuser le droit au séjour, les requérants n'ayant d'ailleurs pas demandé de titre de séjour en raison de l'état de santé de leur enfant.
Sur les décisions fixant un délai de départ volontaire de 30 jours :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui est dit ci-dessus que le moyen tiré de l'illégalité des décisions fixant le délai de départ volontaire en raison de l'insuffisance de motivation des obligations de quitter le territoire français au regard de l'article 12 de la directive 2008/155/CE, ne peut qu'être écarté par adoption de motifs du tribunal administratif.
7. En deuxième lieu, il ressort des termes des arrêtés contestés, qui mentionnent qu'il pourrait être accordé aux intéressés un délai de départ supérieur à 30 jours, mais qu'aucun élément de leur situation ne le justifie, que le préfet ne s'est pas cru tenu de se conformer au délai de départ volontaire de trente jours prévu par le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En troisième lieu, les requérants soutiennent que le préfet n'a notamment pas tenu compte, en application des dispositions des articles 7 et 14 de la directive n° 2008/115/CE, de l'unité familiale, de ce qu'ils résident en France depuis deux ans et du suivi médical de leur enfant en France. Toutefois, cette directive ayant été transposée, les requérants ne peuvent directement invoquer à l'encontre des décisions attaquées la méconnaissance des articles 7 et 14. Par ailleurs, les appelants ne produisent aucun élément de nature à établir, notamment au regard de l'état de santé de leur enfant dont il n'est pas démontré qu'il devait poursuivre des soins en France, qu'au regard de leur situation personnelle et familiale, le préfet de la Meuse aurait entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation en fixant à trente jours le délai de départ volontaire.
9. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes. Leurs conclusions à fin d'injonction et à fin d'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D..., à Mme A...D...née C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Meuse.
Délibéré après l'audience du 7 février 2019, à laquelle siégeaient :
M. Meslay, président de chambre,
Mme Stefanski, président,
M. Laubriat, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 mars 2019.
Le rapporteur,
Signé : C. STEFANSKILe président,
Signé : P. MESLAY
La greffière,
Signé : V. FIRMERY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. ROBINET
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N° 18NC00196