Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 février et 5 septembre 2018, la commune de Pauvres, représentée par la SCP Choffrut-Brener, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 30 janvier 2018 ;
2°) de condamner la commune de Saulces-Champenoises à lui verser la somme de 177 448 euros ou, subsidiairement, de 118 248 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation du 18 avril 2017 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saulces-Champenoises le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Pauvres soutient que :
- sa demande, formée dans le délai de deux mois suivant la décision implicite de rejet de sa réclamation préalable, était recevable ;
- en tout état de cause, le délai de recours n'a pu commencer à courir, la délibération du 14 mars 2016 par laquelle le conseil municipal de la commune de Saulces-Champenoises a retiré sa précédente délibération du 29 octobre 2013 ne lui ayant pas été notifiée ;
- la délibération du 14 mars 2016 est une décision de résiliation unilatérale de l'accord intervenu en 2013 avec la commune de Saulces-Champenoises ;
- la délibération adoptée par le conseil municipal de la commune de Saulces-Champenoises le 29 octobre 2013, qui prévoyait seulement de l'indemniser de la gêne provoquée par l'implantation de quatre éoliennes à proximité immédiate de son territoire, n'avait pas pour objet d'organiser un transfert illégal de produits fiscaux ;
- l'accord intervenu en 2013 n'étant affecté d'aucun vice, sa résiliation était injustifiée ;
- elle n'a commis aucune faute de nature à exonérer la commune de Saulces-Champenoises de sa responsabilité ;
- elle a droit à l'indemnisation intégrale du préjudice résultant pour elle de la résiliation par la commune de Saulces-Champenoises de l'accord intervenu en 2013 ;
- ce préjudice correspond à la quote-part de l'imposition forfaitaire des entreprises de réseau qui lui aurait été reversée aux termes de l'accord intervenu en 2013 pendant toute la durée du contrat ;
- compte tenu de la durée maximale du contrat fixée à trente ans, elle a droit à la somme de 177 448 euros en réparation de son préjudice ;
- à supposer que la durée d'exploitation d'un parc éolien soit seulement de vingt ans, elle aurait alors droit à la somme de 118 248 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 août 2018, la commune de Saulces-Champenoises, représentée par la Selas Devarenne Associés Grand Est, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la commune de Pauvres sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Saulces-Champenoises soutient que :
- la demande indemnitaire présentée par la commune de Pauvres devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a été présentée plus de deux mois après la décision de résiliation et est par suite irrecevable ;
- le contrat conclu avec la commune de Pauvres, qui organise un transfert illégal de ressources fiscales, est affecté d'un vice d'une particulière gravité justifiant sa résiliation ;
- le motif même de la résiliation fait obstacle à ce que la commune de Pauvres puisse prétendre à une indemnisation ;
- la commune de Pauvres a commis une faute en initiant l'accord intervenu en 2013 ;
- le gain manqué devra être calculé sur une durée de vingt ans, qui est la durée d'exploitation d'un parc éolien.
Par ordonnance du 26 juillet 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 10 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la commune de Pauvres, ainsi que celles de Me B..., représentant la commune de Saulces-Champenoises.
Considérant ce qui suit :
1. La Sarl Energie du Partage 2 entend réaliser un parc éolien sur le territoire de la commune de Saulces Champenoises comprenant deux lignes de quatre aérogénérateurs. L'une de ces deux lignes devant être implantée à proximité immédiate du territoire de la commune de Pauvres, cette commune a tenté de s'opposer à la réalisation du projet, en refusant au futur exploitant l'utilisation d'une voie dite " ancienne voie des Romains " appartenant au moins en partie à son domaine public. L'Etat est intervenu pour tenter de régler le conflit entre les deux communes. Lors d'une réunion qui s'est tenue à la sous-préfecture le 1er octobre 2013, la commune de Saulces-Champenoises a accepté de partager avec la commune de Pauvres les rentrées fiscales résultant de l'implantation des quatre éoliennes mitoyennes entre les deux communes. Par une délibération du 29 octobre 2013, le conseil municipal de la commune de Saulces-Champenoises a ainsi décidé l'attribution chaque année à la commune de Pauvres de la moitié de l'imposition forfaitaire des entreprises de réseau (IFER) qu'elle est destinée à percevoir à raison de la seconde ligne d'aérogénérateurs. Parallèlement, le conseil municipal de la commune de Pauvres a adopté le 3 décembre 2013 une délibération par laquelle la commune a accepté la compensation proposée. Enfin, une convention a été signée entre les deux communes et le futur exploitant du parc éolien autorisant ce dernier à utiliser l'ancienne voie des Romains. Après l'entrée en service du parc éolien en août 2014, le conseil municipal de la commune de Saulces-Champenoises a, par une délibération du 14 mars 2016, décidé de retirer sa délibération du 29 octobre 2013. Par un courrier du 18 avril 2017 réceptionné le lendemain, la commune de Pauvres a alors demandé à la commune de Saulces-Champenoises le versement d'une somme totale de 177 488 euros en réparation de son manque à gagner résultant de la résiliation du contrat la liant à la commune de Saulces-Champenoises. Cette demande préalable étant restée sans réponse, la commune de Pauvres a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Saulces-Champenoises à lui payer cette somme. La commune de Pauvres fait appel du jugement du 30 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
2. Il résulte de l'instruction, notamment du compte-rendu de la réunion à la sous-préfecture du 1er octobre 2013, des délibérations adoptées par les conseils municipaux des communes de Saulces-Champenoises le 29 octobre 2013 et de Pauvres le 3 décembre 2013 ainsi que de la convention d'autorisation de survol et de passage conclue avec l'exploitant du parc éolien, que les deux communes de Saulces-Champenoises et Pauvres ont entendu se lier par des obligations réciproques. Dès lors, la délibération du 14 mars 2016 par laquelle le conseil municipal de la commune de Saulces-Champenoise a retiré sa précédente délibération du 29 octobre 2013 doit être regardée comme une décision de résiliation unilatérale du contrat la liant à la commune de Pauvres.
3. Par un arrêt n° 18NC00495 du même jour, cette cour a rejeté la demande présentée devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne par la commune de Pauvres tendant à la reprise des relations contractuelles au motif que le contrat était entaché d'une irrégularité tenant au caractère illicite du contenu du contrat. Par suite, le motif même de la résiliation du contrat conclu entre les communes de Pauvres et de Saulces-Champenoises fait obstacle à ce que la commune de Pauvres soit indemnisée, ainsi qu'elle le demande, du préjudice résultant du manque à gagner pour la période postérieure à la résiliation.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance, que la commune de Pauvres n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saulces-Champenoises, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Pauvres demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Pauvres le versement de la somme que la commune de Saulces-Champenoises demande sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Pauvres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Saulces-Champenoises présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Pauvres et à la commune de Saulces-Champenoises.
Délibéré après l'audience du 7 février 2019, à laquelle siégeaient :
M. Meslay, président de chambre,
Mme Stefanski, président,
M. Laubriat, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 mars 2019.
Le rapporteur,
Signé : A. LAUBRIATLe président,
Signé : P. MESLAY
La greffière,
Signé : V. FIRMERY
La République mande et ordonne au préfet des Ardennes en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. ROBINET
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N° 18NC00499