Par une requête enregistrée le 29 mars 2018, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 1er mars 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Il soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que son arrêté du 24 novembre 2017 portait une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée et familiale de M. A... et méconnaissait par suite les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 et 21 juin 2018, M. C...A..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 200 euros à régler à Mme B...soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que l'arrêté du 24 novembre 2017 porte une atteinte disproportionnée au respect dû à sa vie privée et familiale et méconnaît par suite l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par ordonnance du 8 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 8 novembre 2018.
M. A...a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 11 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Laubriat, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 24 novembre 2017, le préfet du Haut-Rhin a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. C...A..., ressortissant albanais, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. Le préfet du Haut-Rhin fait appel du jugement du 1er mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M.A..., après avoir été reconduit en Albanie en février 2017, est entré de nouveau sur le territoire français le 5 mars 2017. S'il est constant que le requérant a épousé le 2 juin 2017 à Colmar une compatriote bénéficiaire en France de la protection subsidiaire, M. A...ne fournit aucun élément justifiant d'une vie commune avec son épouse avant novembre 2017. Si le couple est parent de deux enfants, Reisa, née le 13 novembre 2015, reconnue par le requérant le 20 avril 2017 et Klevis, né le 29 novembre 2016, M. A...ne produit toutefois aucun élément justifiant de sa participation à l'entretien et à l'éducation de ses enfants antérieurement à novembre 2017. Si Mme A...a accouché d'un troisième enfant le 12 juin 2018, cette circonstance, postérieure à l'arrêté contesté, est sans incidence, la légalité de cet arrêté s'appréciant à la date de son édiction. Enfin si le préfet ne conteste pas que les parents de M. A...et trois de ses soeurs sont présents sur le territoire français, il ressort toutefois des propres déclarations de M. A...lors de son entretien en préfecture, le 20 septembre 2017, que seule une de ses soeurs bénéficie d'un titre de séjour. Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que la décision par laquelle le préfet du Haut-Rhin a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A...portait au respect dû à la vie privée et familiale de ce dernier une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et qu'elle méconnaissait, par suite, les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif.
Sur les autres moyens soulevés à l'encontre de l'arrêté du 24 novembre 2017 :
5. En premier lieu, par un arrêté du 20 septembre 2016 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Haut-Rhin a donné délégation à M. Marx, secrétaire général de la préfecture, " à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, documents et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département " à l'exception d'actes parmi lesquels ne figurent pas les refus de titre de séjour. Le moyen tiré de ce que M. Marx était incompétent pour signer l'arrêté contesté manque ainsi en fait et doit par suite être écarté.
6. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus de titre de séjour sur la situation personnelle et familiale de M. A...ne peuvent qu'être écartés.
7. En troisième lieu, M. A...n'établissant pas l'illégalité de la décision par laquelle le préfet du Haut-Rhin a rejeté sa demande de titre de séjour, le moyen tiré de ce que l'illégalité de cette décision entraîne l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ne peut être accueilli.
8. En quatrième lieu, le moyen tiré de ce que le préfet du Haut-Rhin aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision faisant obligation à M. A...de quitter le territoire français sur la situation personnelle et familiale de ce dernier doit être écarté pour les motifs exposés au point 3.
9. En cinquième lieu, M. A...n'établissant pas l'illégalité des décisions par lesquelles le préfet du Haut-Rhin a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de ce que l'illégalité de ces décisions entraîne l'illégalité de la décision fixant le pays d'éloignement ne peut être accueilli.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 24 novembre 2017, lui a enjoint de délivrer à M. A...un titre de séjour vie privée et familiale dans un délai de deux mois, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me B... sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°1706399 du 1er mars 2018 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Strasbourg ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
Délibéré après l'audience du 7 février 2019, à laquelle siégeaient :
M. Meslay, président de chambre,
Mme Stefanski, président,
M. Laubriat, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 mars 2019. .
Le rapporteur,
Signé : A. LAUBRIATLe président,
Signé : P. MESLAY
La greffière,
Signé : V. FIRMERY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. ROBINET
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N° 18NC01043