Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 juillet 2018, Mme C... B...épouseD..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800780 du 27 mars 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté du 24 janvier 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme B...soutient que :
En ce qui concerne le refus de séjour :
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- le préfet n'a pas envisagé la possibilité d'exercer son pouvoir de régularisation ;
- le préfet a méconnu les stipulations du paragraphe 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ainsi que celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision a été prise en méconnaissance de son droit à être entendue ;
- la décision est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2018, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rees, premier conseiller,
- et les observations de MeA..., représentant MmeD....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... épouseD..., ressortissante algérienne née le 21 janvier 1972, est entrée en France en juillet 2012 selon ses déclarations. Le 15 mars 2014, elle a épousé un compatriote, titulaire d'un certificat de résidence algérien de dix ans. Le 21 mai suivant, elle a sollicité un titre de séjour que le préfet de la Moselle lui a refusé par une décision du 3 juin 2014. Mme B...a réitéré sa demande le 29 août 2016. Par un arrêté du 24 janvier 2018, le préfet de la Moselle l'a une nouvelle fois rejetée, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai.
2. Mme B...relève appel du jugement du 27 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité des décisions contestées :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, il ressort de l'arrêté contesté, qui énonce de manière détaillée et circonstanciée les éléments de droit et de fait sur lesquels est fondé le refus de séjour, que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation de la requérante.
4. En deuxième lieu, il ressort de l'arrêté contesté, qui indique les raisons pour lesquelles le préfet s'est abstenu d'exercer son pouvoir de régularisation, qu'il n'a pas omis d'envisager cette possibilité.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
6. MmeB..., mariée depuis le 15 mars 2014 à un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence algérien valable jusqu'au 16 mai 2023, entrait à la date de la décision litigieuse dans une catégorie ouvrant droit au regroupement familial. Dès lors, elle n'entre pas dans le champ des stipulations du paragraphe 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par suite, elle ne peut pas utilement en invoquer la méconnaissance.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Mme B...fait valoir l'ancienneté de son séjour en France et la présence de ses parents et de son époux qui y résident régulièrement. Elle soutient, en outre, que l'état de santé de son époux nécessite sa présence quotidienne à ses côtés. Toutefois, Mme B...n'apporte aucun élément de nature à établir sa présence sur le territoire français avant la date de son mariage, le 15 mars 2014, et les éléments qu'elle produit ne suffisent pas à établir la réalité de la communauté de vie avec son époux après cette date. Par ailleurs, si ses parents résident en France, il est constant qu'elle même vivait jusqu'alors dans son pays d'origine et elle n'apporte aucune précision sur les relations entretenues avec ses parents tant avant qu'après son entrée en France. Elle n'établit pas davantage être dépourvue de toute attache familiale ou personnelle dans son pays d'origine qu'elle a quitté après l'âge de quarante ans. En outre, si elle produit un certificat médical mentionnant, selon son auteur, la nécessité de sa présence quotidienne aux côtés de son époux en raison de l'état de santé de ce dernier, ce document, au demeurant établi le 29 janvier 2018, postérieurement à la notification de l'arrêté contesté, n'est pas circonstancié et ne permet ainsi pas de vérifier en quoi l'assistance d'un tiers aux côtés de son époux ne serait pas envisageable. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il lui a refusé le séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
9. En cinquième lieu, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet, qui repose sur la même argumentation que celle développée s'agissant du moyen précédent, ne peut qu'être écarté pour les raisons indiquées au point précédent.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, le droit à être entendu, qui constitue un droit fondamental de l'Union européenne rappelé notamment dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.
11. L'étranger qui sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Il lui appartient donc, lors du dépôt de sa demande de titre, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle de l'intéressé en préfecture, de préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et de produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux.
12. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur la décision portant obligation de quitter le territoire français, laquelle est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour, ou sur le délai de départ volontaire qui assortit cette obligation.
13. Alors que le préfet s'est prononcé à la suite d'une demande d'admission au séjour présentée par MmeB..., il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas allégué, que cette dernière aurait été empêchée de lui apporter, par oral ou par écrit, des éléments complémentaires à l'appui de sa demande, préalablement à l'édiction de la décision litigieuse. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que son droit à être entendue n'a pas été respecté.
14. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour.
15. En troisième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation étant soulevés de la même manière que s'agissant du refus de séjour, ils ne peuvent qu'être écartés pour les mêmes raisons que celles indiquées, respectivement, aux points 8 et 9.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, d'astreinte et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... B...épouse D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...épouse D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 7 février 2019, à laquelle siégeaient :
M. Meslay, président de chambre,
Mme Stefanski, président,
M. Rees, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 mars 2019.
Le rapporteur,
Signé : P. REES Le président,
Signé : P. MESLAY
La greffière,
Signé : V. FIRMERY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. ROBINET
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N° 18NC01897