Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 septembre 2017, M. A...C..., représenté par le cabinet d'avocats Athon-Perez, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement no 1600750 et 1601190 du 4 juillet 2017 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) d'annuler les décisions des 24 mars et 27 avril 2016 par lesquelles la présidente de la communauté d'agglomération Reims Métropole l'a affecté au poste de directeur de projet ;
3°) d'enjoindre à la communauté urbaine du Grand Reims de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours ;
4°) de condamner la communauté urbaine du Grand Reims à lui verser, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui en première instance et non compris dans les dépens ;
5°) de condamner la communauté urbaine du Grand Reims à lui verser, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 3 100 euros au titre des frais exposés par lui en appel et non compris dans les dépens.
M. C...soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que sa minute n'est pas revêtue des signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier, en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- les motifs du jugement sont entachés de contradiction en ce que les premiers juges ont considéré que les décisions attaquées n'avaient pas le caractère de mesures d'ordre intérieur, tout en estimant à tort, compte tenu de la réduction significative de ses missions et responsabilités, qu'elles ne modifiaient pas sa situation ;
- les décisions sont entachées de plusieurs vices de procédure : elles sont intervenues sans que la commission administrative paritaire ait été préalablement consultée, en méconnaissance de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 et en le privant de la garantie statutaire résultant de ce texte ; la vacance de l'emploi de directeur de projet n'a pas fait l'objet de la publicité préalable prévue par l'article 41 de la même loi ;
- aucun motif d'intérêt général ne justifiait son changement d'affectation dès lors qu'à la date des décisions attaquées, son départ pour l'agence d'urbanisme n'était acquis ni dans son principe ni dans sa date compte tenu de son désaccord, constamment exprimé, au sujet du poste sur lequel il serait nommé dans un premier temps ;
- la régularité de la nomination de sa remplaçante est douteuse dès lors que son poste n'était pas vacant lorsqu'elle a été décidée et qu'il n'a fait l'objet d'aucun appel à candidatures ; en outre, la collectivité s'est fondée sur une appréciation erronée des compétences de l'intéressée, qui sont insuffisantes pour un tel poste ;
- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions attaquées sont entachées d'un détournement de procédure, eu égard aux circonstances dans lesquelles elles ont été prises et dès lors que l'objectif poursuivi était de libérer son poste pour y nommer sa remplaçante.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2017, la communauté urbaine du Grand Reims, représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) à titre incident, de réformer le jugement en ce qu'il n'a pas statué sur sa fin de non-recevoir et n'a pas rejeté les demandes comme irrecevables ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M.C... :
3°) de condamner M. C...à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La communauté urbaine du Grand Reims soutient que :
- les demandes présentées par M. C...ne sont pas recevables dès lors que la lettre du 24 mars 2016 n'a pas de caractère décisoire et que la décision du 27 avril 2016 constitue une mesure d'ordre intérieur ;
- aucun des moyens soulevés par M. C...n'est fondé.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 31 janvier 2018, M. C...conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que précédemment et soutient, en outre, que ses demandes présentées devant le tribunal étaient recevables.
Le 12 mars 2018, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré du défaut d'intérêt de la communauté urbaine du Grand Reims à présenter des conclusions d'appel incident.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales,
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rees, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., pour M.C..., ainsi que celles de Me D..., pour la communauté urbaine du Grand Reims.
Considérant ce qui suit :
1. Le 27 novembre 2015, la présidente de la communauté d'agglomération Reims Métropole (CARM) a proposé à son directeur de l'urbanisme et de l'aménagement, M. A... C..., ingénieur en chef de 1ère catégorie, de prendre la direction de l'Agence d'urbanisme, de développement et prospective de la région de Reims, en remplacement de son directeur général, sur le point de partir à la retraite. M. C...s'étant déclaré intéressé par cette proposition, des discussions ont été engagées. Ces discussions s'étant prolongées sur une période de plusieurs mois, la CARM, par un courrier du 24 mars 2016, a informé M. C...qu'il serait remplacé dans ses fonctions à compter du 1er mai 2016 et affecté, à cette date, au poste de directeur de projet auprès du directeur général délégué. Un arrêté de mutation a ensuite été pris le 27 avril 2016.
2. M. C...relève appel du jugement du 4 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la régularité du jugement :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation du jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte la signature du président de la formation de jugement, celle du rapporteur et celle du greffier d'audience. La circonstance que l'ampliation du jugement notifiée à la requérante ne comporte pas la signature de ces personnes est sans incidence sur sa régularité. Ainsi, le moyen tiré de ce que ce jugement serait irrégulier, faute d'avoir été signé, manque en fait et doit être écarté.
5. En second lieu, si une éventuelle contradiction entre les motifs d'un jugement est susceptible d'affecter son bien-fondé, elle n'est pas de nature à l'entacher d'irrégularité.
Sur la recevabilité des demandes présentées devant le tribunal administratif :
6. En premier lieu, la communauté urbaine du Grand Reims soutient que les conclusions à fin d'annulation dirigées contre le courrier du 24 mars 2016 sont irrecevables, dès lors que celui-ci est dépourvu de caractère décisoire.
7. Ledit courrier évoque le recrutement et l'entrée en fonction du successeur de M. C... au plus tard le 1er mai et indique qu'afin de laisser à ce dernier les moyens d'organiser son départ il sera, à compter de cette date, affecté au poste de directeur de projet auprès du directeur général délégué. Eu égard à sa formulation, qui n'assortit cette succession d'événements d'aucune réserve ou condition, ce courrier présente le changement d'affectation de M. C...comme inéluctable. Par conséquent, et contrairement à ce que soutient la communauté urbaine du Grand Reims, ce courrier doit être regardé comme portant à la connaissance de M. C...une décision de changement d'affectation.
8. En second lieu, la communauté urbaine du Grand Reims soutient que les décisions attaquées constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.
9. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des fiches de postes des emplois concernés, que l'emploi de directeur de projet ne comporte aucune responsabilité d'encadrement et aucun pouvoir décisionnel, alors que dans son emploi de directeur de l'urbanisme et de l'aménagement, M. C...dirigeait une quarantaine d'agents répartis en trois services et bénéficiait d'une délégation de signature. Par ailleurs, contrairement à l'emploi de directeur de l'urbanisme et de l'aménagement, celui de directeur de projet ne figure ni dans les organigrammes des postes de direction de la communauté d'agglomération Reims Métropole de janvier 2015 et août 2016, ni dans celui de la communauté urbaine du Grand Reims de janvier 2017. Dans ces conditions, le changement d'affectation de M. C...a emporté pour lui une perte sensible de responsabilités. Dès lors, les décisions litigieuses lui font grief et il est, par suite, recevable à les contester devant le juge de l'excès de pouvoir.
Sur la légalité des décisions attaquées :
10. Aux termes de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : " L'autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l'établissement ; seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés sont soumises à l'avis des commissions administratives paritaires. (...) ".
11. Ainsi qu'il a été dit au point 9, l'affectation de M. C...sur l'emploi de " directeur de projet contractualisation auprès du directeur général délégué développement et service à la population " a entraîné pour l'intéressé une perte importante de responsabilités par rapport à celles qu'il exerçait auparavant en qualité de directeur de l'urbanisme et de l'aménagement. Alors que la mutation interne litigieuse a ainsi comporté, au sens des dispositions précitées, une modification de la situation de M.C..., il est constant qu'aucune des décisions attaquées n'a été précédée de la consultation de la commission administrative paritaire compétente. Le requérant, qui a été privé de la garantie statutaire que constitue cette consultation préalable, est fondé à soutenir que les décisions attaquées sont entachées d'un vice de procédure les entachant d'illégalité.
12. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui doit en conséquence être annulé, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Le présent arrêt implique nécessairement que la communauté urbaine du Grand Reims procède au réexamen de la situation de M.C.... Il y a lieu de lui ordonner de le faire dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur l'appel incident de la communauté urbaine du Grand Reims :
14. Les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs ne peuvent tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué. Par suite, les conclusions d'appel incident présentées par la communauté urbaine du Grand Reims, qui tendent à la réformation du jugement en ce que, pour rejeter les demandes de M.C..., les premiers juges n'ont pas répondu à ses fins de non-recevoir et n'ont pas retenu des motifs selon elle appropriés, sont irrecevables.
Sur le remboursement des frais exposés par M. C...en première instance et non compris dans les dépens :
15. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".
16. M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande à ce titre, dès lors que la communauté urbaine du Grand Reims était la partie perdante en première instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la communauté urbaine du Grand Reims une somme de 1 000 euros à verser à M. C...au titre des frais exposés par lui en première instance et non compris dans les dépens.
Sur le remboursement des frais exposés par les parties en appel et non compris dans les dépens :
17. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la communauté urbaine du Grand Reims une somme de 1 500 euros à verser à M. C...au titre des frais exposés par lui en appel et non compris dans les dépens.
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1er : Le jugement no 1600750 et 1601190 du 4 juillet 2017 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.
Article 2 : Les décisions des 24 mars et 27 avril 2016 par lesquelles la présidente de la communauté d'agglomération Reims Métropole a affecté M. A...C...au poste de " directeur de projet contractualisation auprès du directeur général délégué développement et service à la population " sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint à la communauté urbaine du Grand Reims de procéder au réexamen de la situation de M. A...C...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : La communauté urbaine du Grand Reims versera à M. A...C...une somme totale de 2 500 (deux mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et à la communauté urbaine du Grand Reims.
2
N° 17NC02207