Par une requête, enregistrée le 18 septembre 2017, M. D... B..., représenté par
Me Dollé, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 décembre 2016 par lequel le préfet de la Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ;
2°) d'annuler cet arrêté du 14 décembre 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du
10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision de refus de séjour :
- le préfet a commis une erreur de fait dans les éléments relatifs à sa vie privée et familiale ;
- la décision porte atteinte au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision doit être annulée en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- le préfet s'est cru à tort lié par le délai de trente jours ;
- il est inadapté, compte tenu des conséquences sur la cellule familiale ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard aux risques qu'il encourt en cas de retour en Serbie.
Par ordonnance du 8 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 19 mars 2018.
Un mémoire présenté par le préfet de la Moselle a été enregistré le 6 avril 2018, postérieurement à la clôture d'instruction.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du
28 août 2017.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martinez,
- et les observations de MeA..., représentant M.B....
1. Considérant que M. B..., né en 1988 et de nationalité serbe, serait entré irrégulièrement en France en janvier 2013 selon ses déclarations ; qu'il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 avril 2013 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 26 février 2014 ; que le 9 mai 2016, M. B... a déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour au motif qu'il s'est marié le 13 février 2016 avec une personne titulaire d'une carte de résident avec qui il a eu deux enfants ; que par arrêté du 14 décembre 2016, le préfet de la Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ; que M. B... relève appel du jugement du 1er juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 14 décembre 2016 ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...est entré en France à l'âge de 25 ans en janvier 2013 ; qu'il a reconnu l'enfant né le 5 avril 2013 de son union avec Mme E...C...ainsi que celui né le 14 juillet 2014 ; que M. B... et Mme C... se sont mariés le 13 février 2016 ; que son épouse est titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 27 novembre 2018 ; que par une décision du 18 juin 2004, la Commission des recours des réfugiés a accordé la qualité de réfugié à M. C..., le père de l'épouse de M. B..., ainsi qu'à ses enfants mineurs et sa femme, en raison de son appartenance à la communauté rom et des menaces et agressions répétées dont M. C...a été victime de la part de la communauté albanaise ; que par courrier du 10 juin 2009, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a indiqué que Mme E...C...pouvait également bénéficier de la qualité de réfugiée sous réserve qu'elle dépose un dossier individuel ; que Mme C...et sa famille proche sont en France depuis au moins juin 2004 ; que Mme C...n'a pas vocation à retourner dans son pays d'origine ; qu'en outre, si M. B...produit relativement peu d'éléments sur l'ancienneté de la communauté de vie avec son épouse, il est cependant constant qu'il a reconnu les enfants nés de leur union dès leur naissance et a déclaré, dans sa demande d'asile déposée le 22 février 2013, sans être contesté, être hébergée chez son épouse ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, M. B...est fondé à soutenir que le préfet de la Moselle a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et que la décision rejetant la demande de titre de séjour présenté par le requérant méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que M. B...est par suite fondé à demander l'annulation de cette décision ainsi que, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 décembre 2016 par lequel le préfet de la Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Considérant qu'en l'espèce, compte tenu du motif d'annulation de l'arrêté du 14 décembre 2016, il y a lieu d'enjoindre au préfet de Moselle de délivrer au requérant un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve de changement de circonstances de fait et de droit ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Dollé, avocat de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondante à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil du requérant de la somme de 1 000 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 1er juin 2017 du tribunal administratif de Strasbourg et l'arrêté du 14 décembre 2016 du préfet de la Moselle sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Moselle de délivrer à M. B...un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve de changement de circonstances de fait et de droit.
Article 3 : L'Etat versera à Me Dollé, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondante à la part contributive de l'Etat, la somme de 1 000 euros.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 17NC02268