Procédure devant la cour :
I) Par une requête n° 17NC02458 enregistrée le 13 octobre 2017, M.D..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 9 juin 2017 du tribunal administratif de Besançon ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 1er juin 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de procéder à l'effacement sans délai du signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;
4°) d'enjoindre au préfet du Doubs de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, compte tenu de la qualité de son intégration ;
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- le préfet a inexactement qualifié les faits au regard des critères de
l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de la qualité de son intégration ; il appartenait au tribunal d'effectuer un contrôle normal et non d'erreur manifeste d'appréciation ;
II) Par une requête n° 17NC02459 enregistrée le 13 octobre 2017, MmeD..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 9 juin 2017 du tribunal administratif de Besançon ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 1er juin 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de procéder à l'effacement sans délai du signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;
4°) d'enjoindre au préfet du Doubs de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, compte tenu de la qualité de son intégration ;
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- le préfet a inexactement qualifié les faits au regard des critères de
l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de la qualité de son intégration ; il appartenait au tribunal d'effectuer un contrôle normal et non d'erreur manifeste d'appréciation ;
Par des mémoires en défense enregistrés le 3 janvier 2018, le préfet du Doubs conclut au rejet des requêtes ;
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. et Mme D...n'est fondé ;
M. et Mme D...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 26 septembre 2017.
Vu :
- les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Didiot.
1. Considérant que M. et MmeD..., ressortissants albanais nés respectivement les 18 janvier 1983 et 10 novembre 1992, sont entrés en France irrégulièrement le 17 septembre 2013 pour solliciter l'octroi du statut de réfugiés ; que leurs demandes d'asile ont été rejetées par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 20 mai 2014, confirmées par décisions de la Cour nationale du droit d'asile du 6 février 2015 ; que par arrêtés du 7 avril 2015, le préfet du Doubs a refusé aux intéressés la délivrance d'un titre de séjour et les a obligés à quitter le territoire français ; que les requérants ont sollicité le réexamen de leurs demandes d'asile, demandes qui ont été rejetées par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 12 août 2015 et de la Cour nationale du droit d'asile du 17 mars 2016 ; que le 29 octobre 2015, M. et
Mme D...ont été reconduits à destination de l'Albanie avec leur fils né en France le 17 juillet 2014 ; que les intéressés sont revenus irrégulièrement en France, selon leurs déclarations, le 21 décembre 2015 ; qu'ils ont à nouveau sollicité le réexamen de leurs demandes d'asile le 25 mai 2016 ; que par arrêtés du 31 mai 2016, dont la légalité a été confirmée par jugement du tribunal administratif de Besançon et ordonnance de la cour administrative d'appel de Nancy, le préfet du Doubs les a obligés à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans ; que les requérants n'ont pas déféré à ces mesures d'éloignement ; qu'à la suite du rejet du réexamen de leurs demandes d'asile par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 juin 2016, confirmées par décisions de la Cour nationale du droit d'asile du 8 mars 2017, le préfet du Doubs a édicté à l'encontre des intéressés de nouveaux arrêtés du 1er juin 2017 les obligeant à quitter le territoire français sans délai et prononçant à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans ; que M. et Mme D...relèvent appel du jugement du 9 juin 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation de ces arrêtés ;
2. Considérant que les requêtes de M. et Mme D...visées ci-dessus sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
3. Considérant que dans l'hypothèse où le premier juge aurait commis, comme le soutiennent les épouxD..., une erreur de droit ou une erreur de fait susceptibles de remettre en cause, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, les motifs qu'il a retenus pour rejeter les conclusions aux fins d'annulation des décisions portant interdiction de retour, les erreurs alléguées qui se rapportent au bien-fondé du jugement attaqué resteraient, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de ce jugement ;
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
S'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
4. Considérant que les requérants ont fait l'objet depuis 2015 de trois mesures d'éloignement auxquelles ils n'ont pas déféré ; qu'ils ne justifient d'aucune attache privée ou familiale forte en France, et il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale ne pourra se reconstituer en Albanie où ils ont toujours vécu ; que compte tenu de son jeune âge, les obligations de quitter le territoire français dont font l'objet les requérants ne devraient pas affecter l'équilibre de leur jeune fils ni sa scolarité ; que la seule circonstance que les époux D...soient bien intégrés et assurent bénévolement des fonctions d'interprète et d'assistance dans le cadre d'associations caritatives ne suffit pas à caractériser la gravité des conséquences qu'emporterait l'exécution des décisions attaquées sur leur situation personnelle ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont ces dernières seraient entachées doit être écarté ;
S'agissant des décisions portant interdiction de retour sur le territoire français :
5. Considérant qu'aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version en vigueur à la date de la décision litigieuse : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. /(...) Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses
liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...)" ;
6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour doit indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger ; qu'elle doit, par ailleurs, faire état des éléments de la situation de la personne concernée au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet ; qu'elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace ; qu'en revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément ;
7. Considérant qu'il ressort des termes des décisions attaquées que le préfet a bien pris en compte l'ensemble des critères prévus par les dispositions susmentionnés ; qu'il a notamment relevé que l'absence de menace à l'ordre public, qui n'est pas contestée, ne faisait en l'espèce pas obstacle au prononcé d'interdictions de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, compte tenu des différentes mesures d'éloignement antérieures auxquelles les requérants n'avaient pas déféré, de leur durée de présence relativement faible sur le territoire et de l'absence d'attaches privées ou familiales fortes en France ; que si le premier juge a, à tort, considéré qu'il convenait de faire un contrôle restreint du bien-fondé de cette mesure, il ressort des pièces du dossier qu'en retenant les éléments précités, le préfet n'a cependant pas fait une inexacte application de ces dispositions ; que le moyen tiré, pour ce motif, de l'erreur de droit et de la méconnaissance de l'article L. 511-1 III précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, par suite, être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D...ne sont pas fondés à se plaindre que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes en annulation ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés attaqués, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
11. Considérant que l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat des époux une somme en application de ces dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes susvisées présentées par M. et Mme D...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D..., à Mme A...D...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 17NC02458, 17NC02459