Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 novembre 2017, Mme B..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 21 septembre 2017 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Doubs du 12 mai 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et dans l'attente de la remise effective de ce titre, de lui délivrer un récépissé avec droit au travail dans un délai de 8 jours suivant la notification de l'arrêt ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, à renouveler dans l'attente du réexamen de sa demande de titre de séjour, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me A... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme B...soutient que :
- la décision portant refus de séjour méconnaît l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 janvier 2018, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 9 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 23 février 2018.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 19 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Laubriat, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., ressortissante congolaise, est entrée en France le 18 avril 2015 sous couvert d'un visa Schengen valable du 17 avril au 2 mai 2015. Elle fait appel du jugement du 21 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Doubs du 12 mai 2017 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à la date à laquelle Mme B...a sollicité la délivrance d'un titre de séjour : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d' une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) ". L'article R. 313-22 du même code dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé alors en vigueur : " (...) le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. Celui-ci, s'il estime, sur la base des informations dont il dispose, qu'il y a lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, transmet au préfet un avis complémentaire motivé. / Par ailleurs, dès lors que l'intéressé porterait à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, le préfet saisit pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé, qui lui communique son avis motivé dans un délai d'un mois. ".
3. Mme B...a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en se prévalant des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans son avis émis le 12 avril 2017, le médecin de l'agence régionale de santé de Franche-Comté a indiqué que l'état de santé de Mme B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas de traitement approprié en République du Congo. En dépit de cet avis, le préfet du Doubs a, par l'arrêté attaqué du 12 mai 2017, refusé à Mme B...la délivrance de la carte de séjour temporaire qu'elle avait sollicitée au motif qu'" elle peut bénéficier d'un traitement approprié en République du Congo, son pays d'origine, et ainsi y poursuivre les soins dont elle a besoin. ".
4. Pour solliciter l'annulation de l'arrêté du 12 mai 2017, Mme B...fait valoir, en premier lieu, que la décision portant refus de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dans la mesure où l'avis émis le 12 avril 2017 par le médecin de l'agence régionale de santé n'indique pas si elle peut ou pas voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ressort toutefois des termes mêmes des dispositions précitées de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 que le médecin de l'agence régionale de santé, lorsqu'il estime qu'il n'existe pas dans le pays d'origine de l'intéressé de traitement approprié à son état de santé, n'est pas tenu d'indiquer si son état de santé lui permet ou pas de voyager sans risque vers son pays d'origine.
5. Mme B...fait valoir, en deuxième lieu, qu'elle ne peut bénéficier en République du Congo d'un traitement approprié à son état de santé.
6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
7. Il ressort des documents médicaux produits par Mme B...en première instance qu'elle a été opérée au CHU de Lyon sud d'un cancer du sein localisé sans envahissement ganglionnaire. Son suivi post-opératoire a consisté en une chimiothérapie dont la dernière cure a eu lieu le 21 juillet 2016 suivie trois mois plus tard d'une radiothérapie d'une durée de six semaines ainsi que d'un traitement hormonothérapique par Tamoxifène.
8. Pour s'écarter de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé de Franche-Comté, le préfet s'est fondé sur les données issues de la fiche pays extraite de la base de données MedCOI du 30 juin 2014 ainsi que sur un courriel du 31 juillet 2017 émanant du conseiller santé auprès du directeur général de la direction générale des étrangers en France selon lequel Mme B... peut bénéficier en République du Congo du traitement par hormonothérapie qui lui est nécessaire ainsi que de l'examen clinique semestriel et de la mammographie et de l'échographie pelvienne annuelle qui sont recommandés par la haute autorité de santé et l'institut national du cancer.
9. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la préfecture du Doubs a sollicité l'avis du conseiller santé auprès du directeur général de la direction générale des étrangers en France par un courriel du 31 juillet 2017 qui ne faisait pas mention de l'identité de la requérante et auquel était joint un certificat médical anonymisé. Dans ces conditions, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que le courriel de réponse du conseiller santé auprès du directeur général de la direction générale des étrangers en France constituerait un élément de preuve irrecevable puisqu'obtenu en violation du secret médical.
10. D'autre part, Mme B...n'établit pas ni même n'allègue qu'à la date de l'arrêté attaqué, son état de santé justifiait une prise en charge médicale autre que le traitement par hormonothérapie et le suivi clinique semestriel et la mammographie et l'échographie pelvienne annuelle évoqués par le conseiller santé auprès du directeur général de la direction générale des étrangers en France dans son courriel du 31 juillet 2017. Il ressort par ailleurs des pièces jointes à ce courriel que le Tamoxifène figure sur la liste établie en mars 2013 des médicaments essentiels du Congo, c'est-à-dire des médicaments disponibles à tout moment et en quantité suffisante. De même, la clinique Securex, le CMC Médico et le CHU de Brazzaville sont à même d'assurer le suivi clinique semestriel et les clichés mammographiques et échographiques annuels préconisés dans le cadre du suivi de MmeB.... Par suite, MmeB..., qui peut bénéficier en République du Congo du traitement approprié à son état de santé, n'est pas fondée à soutenir que la décision du 12 mai 2017 par laquelle le préfet du Doubs lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour méconnaîtrait l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation :
11. Mme B...fait valoir que depuis le décès de son gendre, elle prend en charge au quotidien son petit fils, âgé de trois ans à la date de l'arrêté attaqué, dont sa fille ne peut s'occuper compte tenu de ses contraintes professionnelles. Cette seule circonstance ne saurait toutefois suffire pour faire regarder l'arrêté attaqué comme étant entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 17NC02784