Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 décembre 2017, Mme A...C..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1702528 du 16 novembre 2017 du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 juin 2017 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à tout le moins, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de surseoir à statuer dans l'attente de la décision d'aide juridictionnelle ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme C...soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français n'a pas été signée par une autorité compétente ;
- l'obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée ;
- le préfet n'a pas motivé sa décision de ne pas déroger au délai de départ volontaire fixé par la loi ;
- elle n'a pas été mise à même de présenter des observations sur le délai de départ volontaire, en méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article 41.2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le préfet a commis une erreur de droit en se bornant à retenir le délai de départ volontaire fixé par le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il est contraire aux articles 7 et 8 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008, sans examiner les circonstances propres à sa situation, comme l'exigent ces dispositions ;
- sa situation personnelle obligeait le préfet à lui accorder un délai de départ volontaire plus long ;
- la décision relative au délai de départ volontaire porte atteinte à sa vie privée et familiale ;
- les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ne s'imposent pas pour la détermination du pays de destination.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 23 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Rees, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...C..., née le 11 février 1996, de nationalité arménienne, est entrée en France le 16 juillet 2015 pour y demander l'asile. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis par la Cour nationale du droit d'asile, par des décisions des 22 février et 9 novembre 2016. Par un arrêté 7 juin 2017, le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai.
2. Mme C...relève appel du jugement du 16 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'aide juridictionnelle et le sursis à statuer :
3. Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 23 janvier 2018. Dès lors, ses conclusions tendant à ce que la cour sursoit à statuer en application de l'article 43-1 du décret du 19 décembre 2011 susvisé sont sans objet.
Sur la recevabilité des moyens de légalité externe soulevés par la requérante en appel :
4. Il ressort des pièces du dossier que la requérante s'est bornée, en première instance, à faire valoir sa situation familiale en France et son absence d'attaches familiales en Arménie. Elle n'a ainsi soulevé qu'un moyen unique qui se rattache à la légalité interne des décisions attaquées.
5. Les moyens soulevés par la requérante en appel, tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision portant obligation de quitter le territoire français, du défaut de motivation de cette décision ainsi que de la décision relative au délai de départ volontaire, de la méconnaissance du principe du contradictoire et de la violation de son droit à être entendue, se rattachent à la légalité externe, qui constitue une cause juridique distincte de la légalité interne.
6. Dès lors, le préfet est fondé à soutenir qu'à l'exception de l'incompétence, qui constitue un moyen d'ordre public, ces moyens sont nouveaux en appel et, par suite, doivent être écartés comme irrecevables.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. Jean-François Raffy, secrétaire général de la préfecture de Meurthe-et-Moselle, était régulièrement habilité à signer l'arrêté attaqué par une délégation de signature du 25 août 2015, publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté manque ainsi en fait et doit être écarté.
8. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Il ressort des pièces du dossier que Mme C...est arrivée en France à l'âge de 19 ans, le 16 juillet 2015, soit moins de deux ans avant l'arrêté attaqué, en provenance de son pays d'origine, où elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales. Elle fait valoir la présence en France de son compagnon, de même nationalité qu'elle et titulaire d'une carte de séjour temporaire, leur vie commune et leur projet de mariage. Toutefois, les éléments qu'elle produit, à savoir un bail d'habitation au nom de son concubin, daté du 17 juin 2017, une attestation de paiement de la caisse d'allocations familiales du 3 juillet 2017 et des attestations de témoins non datées, ne permettent pas d'établir leur vie commune avant l'arrêté attaqué, à plus forte raison l'ancienneté de cette vie commune à la date de cet arrêté. Par ailleurs, si son compagnon a reconnu son enfant né le 26 décembre 2016, la requérante n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il contribuait à son entretien et son éducation avant l'arrêté attaqué. Elle n'en produit pas non plus pour établir qu'elle était, à la date de cet arrêté, enceinte de ses oeuvres. Enfin, et en tout état de cause, alors que son compagnon bénéficie d'un titre de séjour valable seulement une année, la requérante ne fait état d'aucun obstacle à ce que la cellule familiale alléguée se reconstitue dans leur pays d'origine commun.
10. Dans ces conditions, Mme C...n'est pas fondée à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts qu'il a poursuivis.
En ce qui concerne le délai de départ volontaire :
11. En premier lieu, aux termes de l'article 7 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 susvisée : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. / Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux (...) ".
12. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) ".
13. En fixant de manière générale un délai de trente jours à l'étranger pour quitter le territoire français, lequel est identique à celui prévu à l'article 7 de la directive, le législateur n'a pas édicté des dispositions incompatibles avec les objectifs de cet article. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne font pas obstacle à ce que l'autorité administrative prolonge, le cas échéant, le délai de départ volontaire d'une durée appropriée pour faire bénéficier les étrangers dont la situation particulière le nécessiterait de la prolongation prévue par le paragraphe 2 de l'article 7 de la directive. Dans ces conditions, les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas incompatibles avec les objectifs de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008.
14. Par suite, la méconnaissance des dispositions de cette dernière ne peut être utilement invoquée à l'encontre d'une décision prise sur le fondement du II de l'article L. 511-1.
15. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se soit cru tenu de se conformer au délai de départ volontaire de trente jours prévu par le II de l'article L. 511-1 précité et n'ait pas examiné la possibilité d'accorder à l'intéressée un délai plus long.
16. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'au regard de la situation personnelle de MmeC..., analysée au point 9, le préfet ait porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale ou commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui accordant pas un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
17. En se bornant à soutenir que les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ne s'imposent pas pour apprécier la légalité de la décision relative au pays de destination, la requérante ne met pas la cour à même d'apprécier la portée et le bien-fondé du moyen qu'elle soulève.
18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 17NC02954