Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 septembre 2015, M.E..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1505005 du 7 septembre 2015 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler la décision du 17 juin 2015 et l'arrêté du 4 septembre 2015 du préfet du Haut-Rhin ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et un formulaire de demande d'asile dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me A...d'une somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
M. E...soutient que :
En ce qui concerne la décision de remise aux autorités danoises :
- elle est entachée d'incompétence ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 18 du règlement CE n° 2725/2000 du 11 décembre 2000 dès lors que M. E...n'a pas été en mesure de connaître l'identité du responsable de la collecte de ses données dactyloscopiques et de l'identité de son destinataire ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 et l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est francophone, qu'il réside chez les membres de sa famille résidant en France et qu'il était loisible aux autorités françaises de traiter sa demande d'asile alors même qu'elle ne leur incomberait pas.
En ce qui concerne l'assignation à résidence :
- elle est entachée d'incompétence ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ainsi que l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de remise ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet se fonde à tort sur la décision portant refus de l'admettre au séjour comme demandeur d'asile et qu'il a de la famille en France.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 octobre 2015, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. E...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000 ;
- le règlement (CE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Richard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.E..., ressortissant kosovar né en 1989, est entré irrégulièrement en France le 7 mars 2015 en vue d'y demander l'asile. Par un arrêté du 17 juin 2015, le préfet du Haut-Rhin a refusé de l'admettre au séjour en qualité de demandeur d'asile et a décidé de le remettre aux autorités danoises, une demande d'asile ayant été formée par l'intéressé au Danemark. Par un arrêté du 4 septembre 2015, le préfet du Haut-Rhin a assigné M. E...à résidence pendant une durée de 45 jours. M. E...relève appel du jugement du 7 septembre 2015 par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Sur la légalité de la décision de remise aux autorités danoises :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 30 avril 2015 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Haut-Rhin a donné délégation à M. Christophe Marx, secrétaire général, afin de lui permettre de signer " tous arrêtés décisions (....) ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en date du 4 septembre 2015 doit être écarté.
3. En deuxième lieu, M. E...reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance et tiré de la méconnaissance de l'article 18 du règlement du 11 décembre 2000. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Strasbourg.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au litige : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : / 1° L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ledit règlement avec d'autres Etats ; (...) / Les dispositions du présent article ne font pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne qui se trouverait néanmoins dans l'un des cas mentionnés aux 1° à 4° ".
5. La circonstance que M. E...soit francophone et qu'il ait un oncle et un cousin qui l'ont accueilli pendant une partie de son séjour en France ne suffit pas à caractériser l'erreur manifeste que le préfet aurait commise en refusant de le faire bénéficier des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 741-4 précité, M. E...étant célibataire et sans charge de famille. Le moyen précité doit, par suite, être écarté.
Sur la légalité de la décision d'assignation à résidence :
6. En premier lieu, par un arrêté du 16 mars 2015 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Haut-Rhin a donné délégation de signature à M.B..., directeur de la réglementation et des libertés publiques, " à l'effet de signer dans le cadre de ses attributions et compétences : (...) Immigration (...) les placements en rétention administrative et assignations à résidence des étrangers en situation irrégulière ". La même décision précise qu'en cas d'absence ou d'empêchement de M.B..., cette délégation de signature sera notamment exercée par M. D..., chef du bureau de l'asile et de l'éloignement. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur de la réglementation et des libertés publiques n'aurait pas été absent ou empêché à la date de l'arrêté signé par M. D.... Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision litigieuse doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...) ". Aux termes de l'article L. 561-1 du même code : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, par dérogation à l'article L. 551-1, dans les cas suivants : (...) / 2° Si l'étranger doit être remis aux autorités d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou transféré vers l'Etat responsable de sa demande d'asile en application de l'article L. 742-3 ; (...) L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. (...). / L'autorité administrative peut prescrire à l'étranger la remise de son passeport ou de tout document justificatif de son identité dans les conditions prévues à l'article L. 611-2. (...)". Aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois ".
8. La décision litigieuse comporte l'énoncé des dispositions de droit et des motifs de fait qui en constituent le fondement, notamment la circonstance que les autorités danoises ont été saisies d'une demande de prise en charge de M. E...aux fins de traiter sa demande d'asile dès lors que l'admission au séjour en France de l'intéressé a été refusée à ce titre et que M. E... ne justifie d'aucun document de voyage ou attaches en France. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision litigieuse ne peut ainsi qu'être écarté.
9. En troisième lieu, il ressort des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Par suite, le requérant ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 à l'encontre de la décision litigieuse.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ".
11. Il ressort des pièces du dossier que, le 4 septembre 2015, M. E...a été mis en mesure, préalablement à la décision contestée, de présenter l'ensemble des observations qu'il souhaitait faire valoir concernant la perspective de sa remise aux autorités danoises et les conditions dans lesquelles cette décision était susceptible d'être exécutée, notamment par l'assignation à résidence prononcée à son égard. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait eu des éléments pertinents complémentaires à faire valoir avant que la décision ne soit prise à son encontre, M. E...ayant d'ailleurs pu s'exprimer à nouveau durant l'entretien qui a précédé la décision litigieuse sans qu'aucun point nouveau susceptible de conduire à une décision différente n'ait été évoqué. Le requérant n'est ainsi pas fondé à soutenir qu'il a été privé du droit d'être entendu qu'il tient notamment du paragraphe 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
12. En cinquième lieu, il résulte de ce qui précède qu'en l'absence d'illégalité de la décision de remise aux autorités danoises du 17 juin 2015, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté.
13. En sixième lieu, M. E...fait valoir qu'il a indiqué vouloir retourner à Muntzenheim (68), où son oncle l'avait hébergé à son arrivée en France et que la décision contestée ne repose sur aucun fondement légal. Il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse se fonde sur le fait que la demande d'asile de M. E...relevant des autorités danoises, M. E...s'est vu refuser une autorisation provisoire de séjour et a fait objet d'une décision de remise aux autorités danoises du 17 juin 2015. Par ailleurs, le fait que l'intéressé ait résidé dans un premier temps chez son oncle lors de son arrivée en France n'est pas de nature à entacher la décision l'assignant à résidence à Mulhouse d'illégalité, l'intéressé résidant dans une structure d'accueil de la communauté Emmaüs à la date de la décision litigieuse. Il s'ensuit qu'en se fondant sur ces éléments, dans l'attente de sa reprise en charge par les autorités danoises, pour l'assigner à résidence sans le placer en rétention compte tenu des garanties de représentation de M.E..., le préfet du Haut-Rhin n'a entaché sa décision d'aucune erreur de droit ou d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
14. En dernier lieu, le requérant soutient que les obligations de présentation aux services de police sont excessives dans la mesure où il ne présente aucun risque de fuite et qu'il ne peut assumer le coût d'une présentation quotidienne devant ces services. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que dans les circonstances de l'espèce, l'obligation de présentation au commissariat de Mulhouse du lundi au vendredi, alors qu'il est hébergé dans la ville voisine de Kingersheim, soit disproportionnée eu égard aux buts pour lesquels cette mesure a été prise. Le moyen tiré du caractère excessif de la décision contestée doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 17 juin 2015 et du 4 septembre 2015 par lesquels le préfet du Haut-Rhin a ordonné sa remise aux autorités danoises et l'a assigné à résidence. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...E...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 15NC02025