Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 juin 2017, les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, représentés par MeC..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement no 1507429 du 19 avril 2017 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de rejeter la demande de Mme A... ;
3°) subsidiairement, d'infirmer le jugement en tant qu'il a rejeté leurs conclusions à fin de non-lieu à statuer et a mis à leur charge une somme de 800 euros à payer à Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de condamner Mme A...à lui verser une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg soutiennent que :
- le tribunal ne pouvait que prononcer un non-lieu à statuer en raison de l'impossibilité matérielle de communiquer les pièces demandées par Mme A...;
- c'est à tort que le tribunal a admis la recevabilité de la demande présentée par Mme A... qui était dépourvue de tout moyen et ne comportait que des conclusions à fin d'injonction ;
- la demande présentée par Mme A...devant le tribunal était pour ce motif irrecevable ;
- les éléments de son dossier médical dont Mme A...a sollicité la communication ayant été perdus, le refus de communication ne saurait être illégal.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2018, Mme B...A..., représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg à verser à son avocate une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme A...soutient qu'aucun des moyens soulevés par les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg n'est fondé.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2017
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rees, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de Me D...pour les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...A...a été hospitalisée au sein du service des urgences médico-chirurgicales des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg du 16 au 17 mai 2013, puis au sein du service de neurochirurgie jusqu'au 22 mai 2013. Par des courriers reçus les 6 et 15 janvier 2014, Mme A...a demandé aux Hôpitaux Universitaires de Strasbourg de lui communiquer l'intégralité de son dossier médical. Le 21 janvier 2014, le responsable du service des urgences lui a transmis les éléments en sa possession et lui a indiqué que les clichés radiographiques avaient été remis au service de neurochirurgie. Le 11 février 2014, ce service lui a transmis un simple rapport d'hospitalisation, non accompagné de ces clichés et du reste de son dossier médical. Le 24 juin 2014, Mme A...a réitéré sa demande de communication intégrale de son dossier médical. Par un courrier du 18 août 2014, la responsable de la direction de la qualité, de la coordination des risques et des relations avec les usagers a indiqué que le dossier médical de Mme A...n'avait pu être retrouvé dans son intégralité. Mme A...a alors saisi la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) qui, le 2 octobre 2014, a émis un avis favorable à la communication sollicitée. Mme A... n'ayant pas obtenu communication de l'intégralité de son dossier médical en dépit de cet avis, elle a saisi le tribunal administratif de Strasbourg.
2. Les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg relèvent appel du jugement du 19 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision implicite du directeur des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg refusant de communiquer à Mme A... l'intégralité de son dossier médical.
Sur la régularité du jugement :
3. Les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg font valoir que le tribunal aurait dû prononcer un non-lieu à statuer dès lors qu'ils étaient dans l'impossibilité de retrouver l'intégralité du dossier médical de MmeA....
4. Toutefois, une telle circonstance n'a d'incidence que sur la légalité de la décision de refus de communication et n'est pas de nature à priver de son objet une demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande présentée devant le tribunal :
5. Il ressort des pièces du dossier que, si la demande introductive d'instance auprès du tribunal ne comporte aucune conclusion à fin d'annulation ou d'injonction expressément formulée, Mme A...indique avoir sollicité en vain, et en dépit de l'avis favorable de la commission d'accès aux documents administratifs, la communication intégrale de son dossier médical auprès des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, indique persister dans sa demande et rappelle que cette communication est de droit. Les écritures de Mme A...comportent ainsi un énoncé des faits et la formulation de conclusions qui doivent être interprétées comme tendant à l'annulation de la décision implicite de refus de communication née à la suite de l'avis favorable de la CADA et l'exposé d'un moyen tiré de la méconnaissance des dispositions législatives relatives au droit à la communication du dossier médical.
6. Dès lors, la demande introduite devant le tribunal satisfait à l'obligation de motivation prévue par l'article R. 411-1 du code de justice administrative et, en outre, les conclusions à fin d'injonction qu'elle comprend ne sont pas présentées à titre principal.
7. Par conséquent, les fins de non-recevoir soulevées par les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg ne peuvent qu'être écartées.
En ce qui concerne la légalité de la décision attaquée :
8. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1111-7 du code de la santé publique : " Toute personne a accès à l'ensemble des informations concernant sa santé détenues par des professionnels et établissements de santé qui sont formalisées et ont contribué à l'élaboration et au suivi du diagnostic et du traitement ou d'une action de prévention, ou ont fait l'objet d'échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats d'examen, comptes rendus de consultation, d'intervention, d'exploration ou d'hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en oeuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l'exception des informations mentionnant qu'elles ont été recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers. Elle peut accéder à ces informations directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'elle désigne et en obtenir communication, dans des conditions définies par voie réglementaire au plus tard dans les huit jours suivant sa demande et au plus tôt après qu'un délai de réflexion de quarante-huit heures aura été observé. Ce délai est porté à deux mois lorsque les informations médicales datent de plus de cinq ans ou lorsque la commission départementale des soins psychiatriques est saisie en application du quatrième alinéa (...) ".
9. L'obligation de communication résultant de ces dispositions ne s'étend pas aux documents que l'administration est dans l'impossibilité matérielle de produire, cette circonstance étant alors de nature à justifier légalement une décision de refus de communication. Toutefois, il appartient à l'administration de faire état de recherches approfondies de nature à établir que ses services ne détiennent plus le document demandé.
10. Les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg produisent en appel un courrier du 30 mai 2017, adressé à leur conseil, émanant de la direction de la qualité, de la coordination des risques et des relations avec les usagers qui décrit les recherches entreprises en vain pour retrouver le dossier médical de MmeA.... Toutefois, ce courrier, daté du 30 mai 2017, établi postérieurement au jugement attaqué, ne précise pas à quelles dates ces recherches ont été effectuées. Au surplus, les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg n'ont, devant la première juge, ni établi ni même soutenu que des recherches sérieuses avaient été diligentées dans le service de neurochirurgie avant que n'intervienne la décision de refus de communication attaqué. Dans ces conditions, le dossier médical de Mme A...ne pouvait pas, à la date de la décision attaquée, être regardé comme perdu.
11. Dès lors, les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg n'ont pu légalement refuser à Mme A...la communication de son entier dossier médical. Par conséquent, les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision attaquée.
En ce qui concerne la mesure d'injonction prononcée par le tribunal :
12. Il ressort des pièces du dossier que les clichés radiographiques manquants au dossier médical de Mme A...étaient, à l'origine, en possession du service des urgences de l'hôpital de Hautepierre, qui dans son courrier à l'intéressée du 21 janvier 2014 indique les avoir remis au service de neurochirurgie. Il ne ressort pas du courrier de la direction de la qualité, de la coordination des risques et des relations avec les usagers du 30 mai 2017 que le caractère effectif de cette remise ait été vérifié, ni, le cas échéant, que les éléments manquants aient été recherchés au service des urgences.
13. Compte tenu du caractère ainsi incomplet des recherches effectuées à ce jour pour retrouver les éléments manquants au dossier médical de MmeA..., l'injonction prononcée par le tribunal en vue de la communication intégrale de ce dossier n'a pas perdu son objet.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg demandent au titre des frais exposés par eux en appel et non compris dans les dépens.
16. Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me E...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg le versement à Me E... de la somme de 1 500 euros.
Par ces motifs,
D E C I D E :
Article 1er : La requête des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg est rejetée.
Article 2 : Les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg verseront à Me E... la somme de 1 500 (mille cinq-cents) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me E... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux Hôpitaux Universitaires de Strasbourg et à Mme B...A....
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 17NC01405