Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 27 décembre 2017 et le 19 avril 2018, M.D..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 3 novembre 2017 du président du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'annuler le permis de construire contesté et le rejet de son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Gérardmer une somme de 1 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa demande de première instance n'était pas tardive ;
- il avait intérêt à agir ;
- le projet architectural méconnaît l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme ;
- l'article 1 UB du règlement du plan local d'urbanisme, qui interdit la construction d'entrepôts, est méconnu ;
- l'article 2 UB du règlement, qui exige que les constructions soient compatibles avec le caractère résidentiel de la zone, est méconnu ;
- la hauteur du bâtiment méconnaît l'article 10 UB du règlement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2018, la commune de Gérardmer, représentée par MeF..., conclut :
- au rejet de la requête ;
- à ce que soit mise à la charge de M. D...une somme de 1 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance était tardive ;
- le recours administratif n'a pas été notifié au pétitionnaire ;
- le requérant ne démontre pas son intérêt à agir ;
- le dossier de demande de permis de construire était complet ;
- le pétitionnaire n'a pas commis de fraude ;
- l'article 1 UB du règlement du plan local d'urbanisme n'est pas méconnu ;
- l'article 2 UB est respecté ;
- l'article 10 UB n'est pas méconnu.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 mars 2018 et le 23 avril 2018, la SCI Odile, représentée par Me B...conclut :
- au rejet de la requête ;
- à ce que soit mise à la charge de M. D...une somme de 1 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance était tardive ;
- le recours administratif n'a pas été régulièrement notifié au pétitionnaire ;
- le dossier de demande de permis de construire était complet ;
- le pétitionnaire n'a pas commis de fraude ;
- la destination du bâtiment, qui a en outre été précisée à l'occasion d'une demande de permis de construire modificatif délivré le 6 juillet 2017 et devenu définitif, n'est pas en contradiction avec l'article 1 UB du règlement du plan local d'urbanisme ;
- les nuisances alléguées ne sont pas démontrées ;
- l'article 10 UB du règlement du plan local d'urbanisme n'est pas méconnu.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stefanski, président,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., pour M.D..., ainsi que celles de MeB..., pour la SCI Odile.
Considérant ce qui suit :
1. M. D...forme appel de l'ordonnance du 3 novembre 2017 par laquelle le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté pour tardiveté, sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa demande tendant à l'annulation du permis de construire accordé le 23 mai 2016 par le maire de Gérardmer à la SCI Odile, ainsi que de la décision du 18 novembre 2016 rejetant son recours gracieux du 31 octobre 2016.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. ".
3. Aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier. (...) " .
4. L'absence, sur le panneau d'affichage apposé sur le terrain d'assiette du projet, des mentions relatives à l'adresse de la mairie où le dossier pouvait être consulté et de la date de délivrance du permis de construire, n'était pas de nature à empêcher l'intéressé d'avoir une connaissance suffisante de l'importance et de la consistance du projet et lui permettait de l'identifier pour le consulter en mairie. Toutefois, pour démontrer que l'affichage sur le terrain a eu lieu le 12 septembre 2016, la société pétitionnaire se borne à produire une attestation de l'entrepreneur chargé des travaux, établie plusieurs mois après la date d'affichage alléguée. M. D...conteste cette attestation en affirmant, comme dans son recours gracieux, que l'affichage sur le terrain n'a eu lieu qu'à compter du 26 octobre 2016 et que l'attestation ne comporte aucune précision sur le caractère complet de l'affichage. Dans ces conditions, le pétitionnaire n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la date d'affichage du permis de construire contesté sur le terrain. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la tardiveté de la demande pour la rejeter. En conséquence, l'ordonnance attaquée doit être annulée.
5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Nancy.
Sur l'intérêt à agir de M. D...:
6. La maison d'habitation de M. D...se situe en face de la construction nouvelle dont elle n'est séparée que par une route étroite. Le permis contesté autorise la création d'un bâtiment comportant des bureaux, un magasin de vente et une réserve. Ainsi, M. D...qui, en tant que voisin immédiat, invoque une perte de la qualité de la vue qu'il avait antérieurement, un risque de perte d'ensoleillement et un risque de nuisances tenant au passage de la clientèle du magasin, justifie de son intérêt à agir.
Sur la légalité du permis de construire contesté :
7. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants (...). ".
8. Si M. D...fait valoir que la notice de présentation n'indique pas la nature et la typologie des constructions situées aux abords du terrain, le dossier de demande de permis de construire comportait des photographies montrant l'état initial du terrain et de ses alentours. La circonstance que la notice mentionne que la parcelle d'assiette est située dans une zone d'activités, à supposer cette affirmation inexacte, n'a pas été de nature à induire en erreur l'autorité administrative dès lors que les documents graphiques, joints à la demande, montraient que ce terrain était essentiellement bordé de maisons d'habitation.
9. En deuxième lieu, l'article 1 UB du règlement du plan local d'urbanisme de Gérardmer interdit " les constructions et installations destinées à la fonction d'entrepôt ".
10. A la suite du permis de construire contesté du 23 mai 2016, le maire de Gérardmer a délivré le 6 juillet 2017 à la SCI Odile un permis de construire modificatif qui n'a pas été contesté. Par suite, la légalité du permis de construire attaqué s'apprécie au regard des modifications apportées par le permis de construire du 6 juillet 2017.
11. La demande de permis modificatif mentionne que le bâtiment projeté comporte 57 m² de surface commerciale, 55 m² de bureaux et 217 m² de surface de stockage classée dans le formulaire de demande dans la catégorie "artisanat". Il ressort des pièces du dossier que l'ensemble est destiné à un commerce de bois et que le hall de 217 m² est destiné à servir de réserve pour les produits destinés à la vente. Ainsi, le permis de construire n'a pas pour objet de permettre la création d'un entrepôt au sens de l'article 1 UB du règlement du plan local d'urbanisme, mais d'un commerce comportant en annexe une surface de stockage. Par suite, l'article 1 UB n'est pas méconnu.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article 2 UB du règlement du plan local d'urbanisme, sont admises les " constructions et installations destinées à l'artisanat, si elles sont compatibles avec le caractère résidentiel de la zone ".
13. Alors même que la surface de stockage a été déclarée dans la demande du permis de construire modificatif, dans la catégorie "artisanat", il ressort des pièces du dossier que la construction autorisée a pour objet la création d'un commerce. Ainsi, elle ne méconnaît pas l'article 2 UB du règlement du plan local d'urbanisme. En tout état de cause, il n'apparaît pas que par son aspect, son objet ou son ampleur, le projet serait incompatible avec le caractère résidentiel de la zone.
14. L'article 10 UB du règlement du plan local d'urbanisme prévoit que la hauteur des constructions principales est limitée à 7 mètres à la gouttière ou à l'acrotère et à 10 mètres au faitage et précise que " pour la partie de la construction implantée sur un remblai, les hauteurs maximales définies (...) sont considérées remblai compris et donc mesurées par rapport au terrain naturel avant travaux ".
15. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que le terrain d'assiette du projet litigieux a fait l'objet d'un nivellement, ainsi que l'indique la notice de présentation, et qu'un remblai a été créé. M. D...soutient que compte tenu de la hauteur de ce remblai, la plus grande hauteur du bâtiment qui est de 6 mètres à l'égout du toit et de 9,30 mètres au faitage, excède les limites posées par l'article 10 UB. Toutefois, il ressort des plans joints au dossier que ce remblai a une hauteur d'environ 50 centimètres au plus, ce que confirme le rapport établi à la demande de la commune le 6 janvier 2017 par un géomètre expert, qui mentionne que le "terrain a fait l'objet d'un remblaiement et l'épaisseur de remblai maximale est de 53 centimètres. Les points où l'épaisseur de remblai est la plus importante sont ceux se trouvant en bord de route". Ainsi, il ne ressort pas des éléments joints au dossier que la hauteur du bâtiment autorisé excède les limites définies à l'article 10 UB.
16. Il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à demander l'annulation du permis de construire attaqué.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Gérardmer, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions de mettre à la charge de M. D... une somme à verser à la commune de Gérardmer au titre des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance du 3 novembre 2017 du président du tribunal administratif de Nancy est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif de Nancy et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Gérardmer tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...D..., à la commune de Gérardmer et à la SCI Odile.
Copie en sera adressée au préfet des Vosges.
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N° 17NC03123