Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 février 2018, M. A...B..., Mme F...B...née D...et M. C...D..., représentés par la SCP A. Levi-Cyferman et L. Cyferman, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 décembre 2017 du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Meuse du 10 avril 2017 ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de la Meuse leur délivrer un titre de séjour avec autorisation de travail et, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation administrative et de leur délivrer, le temps de cet examen, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à leur conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- les décisions attaquées sont insuffisamment motivées et n'ont pas été précédées d'un examen personnalisé de leur situation ;
- elles méconnaissent les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles méconnaissent les dispositions de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elles méconnaissent les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
M. A...B..., Mme F...B...née D...et M. C...D...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par trois décisions du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 23 janvier 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. E...Dhers a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. et MmeB..., ressortissants kosovars nés respectivement les 10 octobre 1971 et 12 avril 1976, sont entrés en France irrégulièrement, selon leurs déclarations, le 29 décembre 2014 avec leurs quatre enfants dont le fils majeur de MmeB..., M. C...D..., né le 27 février 1997, pour solliciter l'octroi du statut de réfugiés ; que leurs demandes d'asile ont été rejetées par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 16 novembre 2015, confirmées par décisions de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 16 novembre 2016 ; que par arrêtés du 10 avril 2017, le préfet de la Meuse a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que les intéressés relèvent appel du jugement du 5 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation de ces décisions ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, que les requérants reprennent en appel, sans apporter d'élément nouveau, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et de l'absence d'examen personnalisé de leur situation ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus, à juste titre, par le tribunal administratif de Nancy dans son jugement du 5 décembre 2017 ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L.313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : la carte de séjour temporaire vie privée et familiale est délivrée de plein droit à "A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;
4. Considérant que les intéressés ne sont entrés en France qu'en décembre 2014, et n'y justifient pas de l'intensité de leurs attaches privées ou familiales, alors qu'ils ne démontrent pas avoir rompu tout lien dans leur pays d'origine où ils ont résidé la majeure partie de leur vie et où demeure leur famille ; que la double circonstance qu'ils cherchent à favoriser leur intégration et que leurs enfants mineurs sont scolarisés en France, respectivement en classe de CM1, 5e et 1ère professionnelle n'est pas de nature à conférer en soi un droit au séjour aux intéressés, dès lors que la cellule familiale peut se reconstituer dans leur pays d'origine et qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que la scolarité des enfants ne pourrait pas s'y poursuivre ; qu'ainsi les consorts B...et D...ne sont pas fondés à soutenir que les décisions attaquées auraient porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elles ont été prises ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les arrêtés attaqués aient, dans les circonstances de l'espèce, méconnu les stipulations précitées, dès lors qu'ils n'impliquent en eux-mêmes aucune séparation des enfants des requérants d'avec leurs parents et que, compte tenu du caractère récent de leur séjour en France, les mesures d'éloignement litigieuses ne devraient pas avoir pour effet de compromettre leur équilibre, ni leur scolarité ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée doit être écarté ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées où qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " ;
7. Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;
8. Considérant que les consorts B...et D...se prévalent de la vindicte dont ils font l'objet de la part d'une famille kosovare dont le fils a été gravement blessé par M. B... lors d'un accident de la route en décembre 2012, ce dernier ayant cependant été relaxé de toute poursuite par décision du tribunal d'instance de Gjilan du 2 octobre 2014 ; que si la réalité des tentatives d'intimidation et d'agression à l'égard de M. B...et de son frère notamment est établie par les plaintes et rapports de police produits au dossier, ces mêmes documents démontrent que les autorités locales instruisent les plaintes qui leur ont été présentées ; que les requérants n'établissent pas ne pas pouvoir bénéficier de leur protection, alors au demeurant que leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ; qu'en outre, les mesures d'éloignement litigieuses ont pour seul effet leur renvoi dans leur pays d'origine et non dans la ville même où ils font l'objet de menaces ; qu'ainsi le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés doit être écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...et M. D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes en annulation ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés attaqués, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
11. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
12. Considérant que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat des consorts B...et D...une somme en application de ces dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par M. et Mme B...et M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., Mme F...B...néeD..., à M. C...D...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Meuse.
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N° 18NC00457