Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 27 juin 2016 sous le n° 16NC01354, M.C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1501374-1501375 du 17 novembre 2015 du tribunal administratif de Besançon ;
2°) d'annuler les décisions du préfet du Doubs du 11 mai 2015 le concernant ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le même délai sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me A... d'une somme de 1 200 euros ou de 1 700 euros, en cas de jonction du dossier avec celui de son épouse, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
M. C...soutient que :
En ce qui concerne la décision lui refusant un titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 octobre 2016, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.
II. Par une requête enregistrée le 27 juin 2016 sous le n° 16NC01355, MmeC..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1501374-1501375 du 17 novembre 2015 du tribunal administratif de Besançon ;
2°) d'annuler les décisions du préfet du Doubs du 11 mai 2015 la concernant ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le même délai sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me A... d'une somme de 1 200 euros ou de 1 700 euros, en cas de jonction du dossier avec celui de son époux, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Mme C...soutient que :
En ce qui concerne la décision lui refusant un titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Par un mémoire en défense enregistré le 12 octobre 2016, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C...ne sont pas fondés.
M. et Mme C...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 26 mai 2016.
Vu les autres pièces du dossier, notamment celles produites par Me A...le 15 juillet 2016 ;
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Richard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et MmeC..., ressortissants albanais nés respectivement en 1969 et 1970, sont entrés irrégulièrement en France en octobre 2012 selon leurs déclarations. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 18 juillet 2014, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 16 février 2015. M. C...a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet du Doubs a refusé de faire droit à sa demande par un arrêté du 25 avril 2014. Par un jugement du 19 mai 2015, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la requête présentée par M. C...tendant à l'annulation de cet arrêté. Par deux arrêtés du 11 mai 2015, le préfet du Doubs a refusé de délivrer un titre de séjour à M. et MmeC..., les a obligés à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Les requérants relèvent appel du jugement du 17 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du 11 mai 2015.
2. Les requêtes susvisées concernent le même jugement et des décisions administratives relatives aux membres d'une même famille dont le bien-fondé dépend d'éléments de fait et de considérations de droit qui sont étroitement liés, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.
Sur la légalité des refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, en vertu des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, les décisions individuelles défavorables doivent comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Les refus de titre de séjour contestés visent les textes dont ils font application et mentionnent les faits sur lesquels ils se fondent, notamment les conditions dans lesquelles M. et Mme C... sont arrivés sur le territoire français et les demandes successives de titre de séjour qu'ils ont formées, leur situation de famille et notamment celle de leurs deux enfants, les motifs avancés par les intéressés pour justifier de la délivrance d'un titre de séjour compte tenu de leurs efforts d'intégration et les raisons pour lesquelles un titre de séjour ne pouvait leur être accordé. Ainsi, et alors même que ces motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation des intéressés, ces décisions répondent aux exigences de motivation posées par la loi susvisée du 11 juillet 1979.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article R. 313-21 dudit code : " Pour l'application du 7º de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ".
5. M. et Mme C...soutiennent qu'ils résident en France depuis trois années où leur fils, entré avant eux, réside régulièrement et poursuit des études en électricité, que leur fille mineure y est scolarisée, qu'ils ont effectué de nombreux efforts d'intégration illustrés par leur engagement associatif et leur apprentissage de la langue française et qu'ils ont fui l'Albanie où ils ne disposent plus d'attaches familiales.
6. Il ressort toutefois des pièces du dossier que jusqu'à l'âge de 43 et 42 ans, M. et Mme C...ont résidé habituellement dans leur pays d'origine, où ils n'établissent pas ne plus disposer d'attaches privées et familiales. Leur séjour en France ne s'est prolongé que le temps nécessaire à l'instruction de leurs demandes d'asile et de séjour, la décision litigieuse n'ayant ni pour objet ni pour effet de mettre fin à l'unité de la cellule familiale. Leur fils majeur, pris en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance lors de son arrivée en France comme jeune mineur une année avant ses parents, ne dispose par ailleurs que d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étudiant. Dans ces conditions et en dépit des efforts d'intégration qu'ils ont effectués, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir qu'en leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet du Doubs a porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de la vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou des dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En troisième lieu, M. et Mme C...reprennent les éléments mentionnés au point 5 et se prévalent de leur état de santé et des risques encourus en Albanie. Les appelants n'établissent toutefois pas l'impossibilité de bénéficier d'un traitement adapté à leurs pathologies dans leur pays d'origine et ne justifient pas de la réalité des risques qu'ils y encourent. Ainsi et compte tenu de ce qui a été dit au point 6, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que par ses décisions leur refusant un titre de séjour, le préfet du Doubs a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur la situation personnelle des intéressés ou a méconnu les dispositions de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que M. et Mme C...n'avaient, en tout état de cause, pas sollicité un titre de séjour sur ce fondement.
8. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions politiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
9. Les requérants n'établissent pas l'impossibilité de reconstituer la cellule familiale dans leur pays d'origine ni d'ailleurs que leur fille âgée de 17 ans à la date de la décision contestée, ne serait pas en mesure poursuivre sa scolarité en Albanie, leur fils devenu majeur ne disposant quant à lui que d'une carte de séjour temporaire en vue de lui permettre d'achever ses études. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions litigieuses méconnaîtraient l'intérêt supérieur de leur enfant mineur garanti par les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français :
10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté. Il en va de même des moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation, qui reprennent ce qui a été précédemment développé à l'appui des conclusions dirigées contre les décisions de refus de séjour, et qui doivent être écartés pour les mêmes motifs que précédemment.
Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :
11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
12. Si M. et Mme C... soutiennent qu'ils sont menacés en Albanie, ils ne produisent toutefois aucun élément suffisamment précis et probant de nature à établir le bien fondé de leurs allégations relatives aux risques directs personnellement encourus. Dès lors, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées auraient été prises en méconnaissance des stipulations et dispositions précitées ne peut qu'être écarté.
13. En conclusion de tout ce qui précède, M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 11 mai 2015 par lesquels le préfet du Doubs a refusé de leur délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par ces motifs,
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme C...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C..., à Mme E...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
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N°16NC01354-16NC01355