2°) d'annuler cet arrêté du 22 décembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France, ou, à défaut, des articles L. 313-11-7°, L. 313-11-11°, L. 313-14 de ce code dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, en cas d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les mêmes conditions de délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur le refus de séjour :
- le préfet était tenu de saisir la commission du titre de séjour ;
- sa présence ne constitue pas une menace à l'ordre public ;
- il remplit les conditions pour se voir délivrer une carte de résident sur le fondement de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision méconnait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision méconnait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision méconnait l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- l'illégalité du refus de séjour doit conduire à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision est entachée d'un vice de compétence et d'un vice de procédure, et méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision méconnait l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui accordant qu'un délai de trente jours pour quitter le territoire français ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision devra être annulée par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 décembre 2018, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lambing a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., né en 1984 de nationalité azerbaïdjanaise, serait entré irrégulièrement en France le 15 octobre 2008 selon ses déclarations. Le 14 janvier 2009, il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 22 octobre 2009 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 26 novembre 2010. Le 26 septembre 2009, M. B... a déposé une demande de titre de séjour pour raisons de santé. Il a bénéficié d'un titre de séjour régulièrement renouvelé jusqu'en 2017. Le 16 février 2017, M. B... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour pour raisons de santé et a demandé la délivrance d'une carte de résident de dix ans. Par arrêté du 22 décembre 2017, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine. M. A... B... relève appel du jugement du 12 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 22 décembre 2017.
Sur le refus de délivrance d'une carte de résident :
2. Aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au présent litige : " Une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " est délivrée de plein droit à l'étranger qui justifie : 1° D'une résidence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France au titre de l'une des cartes de séjour temporaires ou pluriannuelles ou de l'une des cartes de résident prévues au présent code, à l'exception de celles délivrées sur le fondement des articles L. 313-7, L. 313-7-1, L. 313-7-2 ou L. 313-13, du 3° de l'article L. 313-20, des articles L. 313-23, L. 316-1 ou L. 317-1 ou du 8° de l'article L. 314-11. (...) / 2° De ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur, indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles ainsi qu'aux articles L. 5423-1, L. 5423-2 et L. 5423-3 du code du travail. La condition prévue au présent 2° n'est pas applicable lorsque la personne qui demande la carte de résident est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code ; / 3° D'une assurance maladie. / Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article. ". Aux termes de l'article L. 314-3 du même code : " La carte de résident peut être refusée à tout étranger dont la présence constitue une menace pour l'ordre public. ".
3. Pour rejeter la demande de délivrance d'une carte de résident présentée par M. B..., le préfet du Doubs s'est exclusivement fondé dans son arrêté du 22 décembre 2017 sur la menace pour l'ordre public que constitue l'intéressé au vu de ses condamnations pénales.
4. Il ressort des pièces du dossier et notamment du bulletin n°2 du casier judiciaire de l'intéressé, qu'il a été condamné le 23 octobre 2009 par le tribunal correctionnel de Besançon à un mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de vol et le 15 février 2010 par le tribunal correctionnel de Chalon-sur-Saône à deux mois d'emprisonnement avec mandat de dépôt pour des faits de vol en réunion. Ces condamnations pénales relativement légères ont été prononcées à raison de faits anciens remontant à plus de sept ans avant l'édiction de la décision litigieuse. Elles sont demeurées isolées puisque l'intéressé ne s'est jamais fait connaître défavorablement des services de police depuis lors. Dans ces conditions, le préfet du Doubs ne peut se prévaloir de ce que sa présence sur le territoire français constituerait une menace réelle et actuelle à l'ordre public. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que la décision lui refusant une carte de résident de dix ans est entachée d'illégalité.
Sur la légalité de la décision de refus du titre de séjour en qualité d'étranger malade :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
6. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
7. Il ressort des pièces du dossier que l'avis émis le 5 octobre 2017 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il ne peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, que son traitement présente un caractère de longue durée et doit être poursuivi pendant une durée de trente-six mois. Le certificat médical du service de maladies infectieuses et tropicales du centre hospitalier régionale universitaire de Besançon du 30 janvier 2018 produit par le requérant précise que M. B... souffre d'une coinfection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et par l'hépatite C diagnostiquée en 2009. Il a présenté plusieurs épisodes infectieux graves en lien avec ses pratiques antérieures d'injections, M. B... indiquant qu'il était toxicomane. Il est soumis à un traitement substitutif par méthadone et bénéficie d'un traitement anti-VIH composé de Truvada, Prézista et Norvir. Quant à l'hépatite C, le traitement dont il a bénéficié en 2011 a permis une réponse virologique soutenue selon les termes de ce certificat médical du 30 janvier 2018.
8. Pour remettre en cause l'avis du 5 octobre 2017 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le préfet du Doubs s'est fondé dans son arrêté sur la fiche établie par l'Organisation internationale pour les migrations de 2016, les fiches pays extraites de la base de données MedCOI et la liste des médicaments essentiels enregistrés en Azerbaïdjan. En première instance, le préfet du Doubs a produit un courriel du 9 avril 2018, postérieur à la décision attaquée, du conseiller santé auprès du ministère de l'intérieur qui joint des copies d'écran d'une base de données et indique que le traitement prescrit à M. B... est disponible dans son pays d'origine sans davantage de précision. Le préfet du Doubs a produit des fiches provenant de la base de données " Medical Country of Origin Information " (MedCOI) sur lesquelles il se serait fondé pour prendre sa décision. L'une datée du 17 août 2017 porte sur la prise en charge en Azerbaïdjan, à Bakou de patients toxicomanes par un traitement substitutif à la méthadone et un suivi psychiatrique. L'autre du 30 novembre 2017 se borne à analyser le cas d'une patiente au stade III du VIH, le requérant étant au stade A2 lors de sa prise en charge initiale, et qui ne mentionne que le médicament Truvada dans la liste des médicaments et molécules administrés à cette patiente. Le préfet a produit par ailleurs un extrait de site de l'organisation mondiale de la santé, imprimé le 11 avril 2018, postérieurement à la décision attaquée, qui relate le dépistage et la prise en charge de patients infectés par le VIH par le centre national de lutte contre le sida situé à Bakou. Ce document n'indique cependant pas quel traitement médicamenteux est disponible pour les patients. Il n'est pas non plus sérieusement contesté que le requérant ne résidait pas à Bakou avant son arrivée en France. Il s'ensuit que le préfet du Doubs n'a produit tant en première instance qu'en appel aucun élément précis sur lequel il a pu se fonder à la date de sa décision quant à l'existence d'un traitement approprié aux pathologies de l'intéressé, notamment s'agissant du traitement antiviral qui lui est administré. Dans ces conditions, le préfet du Doubs a fait une inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à M. B... une carte de séjour en qualité d'étranger malade. M. B... est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce refus.
9. Les décisions du 22 décembre 2017 obligeant M. B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de la décision refusant de lui accorder un titre de séjour.
10. Il résulte de tout ce qui précède, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 décembre 2017 lui refusant la délivrance d'une carte de résident et d'un titre de séjour pour raisons de santé, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur l'injonction :
11. Eu égard au motif d'annulation retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement la délivrance à M. B... d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Doubs de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Le présent arrêt n'implique cependant pas la délivrance d'une carte de résident. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre seulement au préfet du Doubs de réexaminer la demande de carte de résident d'une durée de dix ans dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
12. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bocher-Allanet, conseil de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante à l'instance, le versement à cet avocat d'une somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1800507 du 12 juin 2018 du tribunal administratif de Besançon et l'arrêté du 22 décembre 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Doubs de réexaminer la demande présentée par M. B... afin d'obtenir une carte de résident d'une durée de dix ans dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Bocher-Allanet, avocat de M. B..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Bocher-Allanet renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 18NC03031