Procédure devant la cour :
I.) Par une requête enregistrée le 20 janvier 2020, sous le n°20NC00171, Mme C... A..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 décembre 2019 ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
- cette décision n'est pas suffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle, notamment au regard des risques qu'elle encourt en cas de retour en Mauritanie ;
- elle viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des risques d'excision que sa fille y encourt ;
- le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant lié par la décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle et familiale.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2020, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une décision du 9 juin 2020, le président du bureau d'aide juridictionnelle a accordé à Mme A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
II.) Par une requête enregistrée le 20 janvier 2020, sous le n° 20NC00172, M. D... B..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 décembre 2019 ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
- cette décision n'est pas suffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle, notamment au regard des risques qu'il encourt en cas de retour en Mauritanie ;
- elle viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu des risques qu'il encourt en cas de retour dans son pays d'origine et en raison des risques d'excision que sa fille y subirait ;
- le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant lié par la décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle et familiale.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2020, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par des décisions du 9 juin 2020, le président du bureau d'aide juridictionnelle a accordé à Mme A... et M. B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... et M. B..., nés respectivement le 31 décembre 1987 et le 23 août 1981, de nationalité mauritanienne, sont entrés en France, selon leurs déclarations, le 10 septembre 2017 pour y solliciter l'asile. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par des décisions du 8 mars 2019, confirmées le 31 juillet 2019 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Leurs demandes de réexamen ont été rejetées pour irrecevabilité par l'OFPRA. Par deux arrêtés du 18 octobre 2019, le préfet de l'Aube les a obligés à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, leur a octroyé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination. Par le jugement ci-dessus visé du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés. Par les deux requêtes susvisées qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, les requérants relèvent appel de ce jugement.
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à juste titre par le premier juge, d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation des arrêtés du 18 octobre 2019 et de l'absence d'examen personnel de la situation des requérants, qui ne comportent aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... et Mme A... sont arrivés en France récemment, en 2017. Hébergés dans le cadre du dispositif d'hébergement d'urgence, ils ne justifient d'aucune intégration particulière, nonobstant les actions bénévoles de M. B... au sein de la Coix-Rouge. S'ils font valoir que deux soeurs et la tante de Mme A... résident régulièrement en France, ils n'établissent pas entretenir avec elles des liens d'une particulière intensité. En outre, comme l'a retenu le premier juge, les intéressés, qui n'établissent pas être dans l'impossibilité de poursuivre leur vie privée et familiale en dehors du territoire national, ne justifient pas être dépourvus d'attaches familiales en Mauritanie, pays où ils ont vécu jusqu'à l'âge respectif de 36 et 30 ans. Dans ces conditions, compte tenu de la durée et des conditions de séjour en France des requérants, doivent être écartés les moyens tirés de ce que les décisions en litige leur faisant obligation de quitter le territoire français porte à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elles ont été prises et méconnaîtraient les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Aube a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle et familiale des intéressés doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point précédent.
6. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait estimé lié par les décisions de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté comme manquant en fait.
7. En dernier lieu, Mme A... et M. B... ne peuvent pas utilement se prévaloir des risques que leur fille encourrait en cas de retour en Mauritanie et, notamment, d'une méconnaissance des dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'obligation de quitter le territoire français attaquée n'implique pas, par elle-même, un retour dans son pays d'origine.
Sur les décisions fixant le pays de destination :
8. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
9. Mme A... et M. B... soutiennent que leur fille Marième-Néné, née à Troyes le 5 août 2018, risque d'être excisée en cas de retour en Mauritanie, sa mère l'ayant été elle-même à l'âge de trois ans. Toutefois, ils n'apportent aucun élément probant de nature à prouver la réalité et l'actualité de ce risque, alors que le préfet fait valoir que si le taux de prévalence des excisions demeure important en Mauritanie, cette pratique est désormais interdite par l'article 12 de l'ordonnance n° 2005-015 relative à la protection pénale des enfants et que de nombreuses campagnes de prévention ont été organisées. Par ailleurs, et comme l'a relevé le tribunal administratif, les demandes d'asile des requérants ont été examinées à trois reprises par les autorités chargées de l'asile et l'OFPRA a spécifiquement rejeté, dans une décision du 8 mars 2019, la demande d'asile déposée par les requérants au nom de leur enfant, rejet confirmé par la CNDA qui a déclaré le recours contre cette décision irrecevable en l'absence d'éléments sérieux. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés par lesquels le préfet de l'Aube les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de Mme A... et de M. B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et M. D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.
N° 20NC00171, 20NC00172 2