Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 décembre 2019, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 13 septembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 août 2019 pris à son encontre par le préfet du Bas-Rhin ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... de la somme de 1 200 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- elle risque d'être soumise à des traitements inhumains et dégradants en Pologne de sorte que le préfet a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête de Mme C....
Il soutient que la requérante ne relève plus de la procédure dite de Dublin.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 19 novembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Stenger, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante russe, est entrée irrégulièrement en France et a sollicité l'asile le 21 juin 2019 auprès du guichet unique de la préfecture du Bas-Rhin. La consultation du fichier Eurodac, a révélé que les empreintes de l'intéressée avaient déjà été relevées en Pologne le 2 mars 2019 à l'occasion du dépôt d'une demande d'asile. Le préfet a saisi les autorités polonaises d'une demande de reprise en charge le 8 juillet 2019. Le 11 juillet 2019, les autorités polonaises ont donné leur accord. Par un arrêté du 19 août 2019, le préfet du Bas-Rhin a décidé le transfert de l'intéressée auprès de ces dernières. Mme C... relève appel du jugement du 13 septembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction et d'astreinte relatives à l'arrêté de transfert :
2. Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) : " Sous réserve du second alinéa de l'article L.742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 du même code applicable au litige : " (...) II. - Lorsqu'une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 est notifiée avec la décision de transfert ou lorsque celle-ci est notifiée alors que l'étranger fait déjà l'objet d'une telle décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant leur notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de transfert et de la décision d'assignation à résidence. Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans le délai prévu au III de l'article L. 512-1. (...) ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date de notification à l'autorité administrative du jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 19 août 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a décidé le transfert de Mme C... auprès des autorités polonaises est intervenu moins de six mois après que ces dernières ont explicitement donné leur accord pour la prise en charge de l'intéressée, et donc dans le délai d'exécution du transfert fixé par l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Ce délai a été interrompu le 30 août 2019, date à laquelle Mme C... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux. Un nouveau délai de six mois a recommencé à courir à compter de la notification au préfet du Bas-Rhin le 16 septembre 2019 du jugement du 13 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a statué sur sa demande. Comme le reconnaît le préfet, ce nouveau délai de six mois étant expiré le 16 mars 2020, la Pologne a été libérée, en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement n°604/2013, de son obligation de reprendre en charge Mme C... et la responsabilité de l'examen de la demande d'asile de ce dernier a été transférée, à compter de cette date, à la France. Il s'ensuit qu'à la date du 16 mars 2020, la décision de transfert est devenue caduque et ne pouvait plus être légalement exécutée. Cette caducité étant intervenue postérieurement à l'introduction de l'appel, les conclusions de la requête de Mme C... tendant à l'annulation de la décision de transfert sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions fin d'injonction et d'astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme C... présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme C... aux fins d'annulation, d'injonction et d'astreinte.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
N° 19NC03725 2