Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 octobre 2019 et un mémoire enregistré le 22 avril 2020, Mme F..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er mars 2019 ;
3°) de faire injonction au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour mention vie privée et familiale dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt et sous astreinte de cent cinquante euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il a soulevé d'office un moyen d'ordre public sans recueillir au préalable les observations des parties ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé et a été pris par une autorité incompétente ;
- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour : est irrégulière en l'absence de consultation de la commission du titre de séjour en violation de l'article L. 312-2 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du même code en ce que le préfet s'est cru lié par l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration et alors qu'il est justifié par les certificats médicaux qu'elle n'aura pas accès à son traitement dans son pays d'origine ; méconnaît les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de l'état de santé de sa fille, porte une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'elle ne saurait être séparée de sa fille mineure qui doit suivre un traitement en France ; méconnaît les stipulations des articles 3-1, 7-1 et 9-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation et de ses conséquences sur sa situation ;
- l'obligation de quitter le territoire : a été prise par une autorité incompétente, est insuffisamment motivée, est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour, porte une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'elle ne saurait être séparée de sa fille mineure qui doit suivre un traitement en France et repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire, a été prise par une autorité incompétente, est insuffisamment motivée, viole les articles L. 511-4 et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que l'obligation de quitter le territoire frappe d'éloignement sa fille mineure.
Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 14 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- l'ordonnance n°2020-1402 et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- et les observations de Mme F....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... I... H..., ressortissante congolaise (République du Congo) née le 9 mai 1985, est entrée régulièrement en France le 12 août 2017, au moyen d'un visa de court séjour valable du 11 août au 15 septembre 2017. Le 3 septembre 2018, elle a présenté une demande d'admission au séjour à raison de son état de santé, sur le fondement du 11° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Après avoir recueilli, le 20 février 2019, l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), le préfet de la Marne a, par un arrêté du 1er mars 2019, refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme F... relève appel du jugement du 17 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué ".
3. Il ne paraît pas que le jugement attaqué soit fondé sur un moyen que les premiers juges auraient relevé d'office sans que les parties n'aient été mises à même de présenter leurs observations. Par suite, le moyen invoqué de ce chef ne peut qu'être écarté.
Sur la régularité de l'arrêté pris dans son ensemble :
4. D'abord, l'arrêté attaqué comporte de manière suffisante et non stéréotypée l'indication des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de la Marne s'est fondé afin de prendre à l'encontre de la requérante les décisions qu'il comporte.
5. Ensuite, par un arrêté du 14 janvier 2019, régulièrement publié au bulletin et recueil d'information de la préfecture de la Marne, le préfet de la Marne a donné délégation à M. Denis Gaudin, secrétaire général, à l'effet de signer, notamment, les décisions de la nature de celles prises à l'encontre de Mme F... par l'arrêté attaqué. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué aurait été pris par une autorité incompétente.
Sur la légalité du refus de délivrance du titre de séjour :
En ce qui concerne l'état de santé de Mme F... :
6. Aux termes de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège des médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ". Mme F... se prévaut de ce qu'elle souffre d'un diabète de type 1, traité par insulinothérapie, que son état de santé nécessite une surveillance régulière de ses glycémies ainsi qu'un accès à l'insuline et produit, au soutien de ses allégations, outre divers comptes-rendus d'hospitalisation et certificats de sortie, un certificat médical établi le 26 mars 2019, qui énonce que " la prise en charge au Congo serait compliquée, non pas par le fait de pouvoir bénéficier d'une insulinothérapie mais plutôt de la difficulté à l'accès aux soins ", ainsi qu'un certificat établi le 29 mars 2019 par un praticien exerçant à Brazzaville, soulignant les difficultés d'accéder, au Congo, à de l'insuline. Toutefois, ces éléments, à caractère général et peu circonstancié, ne suffisent pas à remettre en cause l'avis émis le 20 février 2019 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur lequel le préfet s'est fondé, selon lequel si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut effectivement bénéficier d'une prise en charge dans son pays d'origine. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Marne, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se serait cru lié par l'avis du collège des médecins, aurait, par l'arrêté contesté, inexactement apprécié son état de santé.
En ce qui concerne l'état de santé de l'enfant D... :
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante aurait saisi le préfet de la Marne d'une demande d'autorisation de séjour, sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à raison de l'état de santé de sa fille mineure. Par suite, Mme F... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Marne aurait dû d'office examiner la délivrance d'un tel titre de séjour.
En ce qui concerne la situation personnelle de Mme F... :
8. D'abord, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ".
9. Mme F... se prévaut de la durée de sa présence en France, depuis le mois d'août 2017, de ce qu'elle est entrée sur le territoire avec son compagnon et leur enfant né en 2015, de ce que le couple a donné naissance, en juillet 2018, à un deuxième enfant, et de ce que ce dernier rencontre des problèmes de santé liés dû au fait qu'il n'a qu'un seul rein. Toutefois, les éléments médicaux qu'elle produit, s'ils attestent la réalité de la pathologie dont souffre son enfant, n'établissent pas que son état de santé justifierait la délivrance d'un titre de séjour ou ferait obstacle à ce que le préfet prononce à l'encontre de la requérante une obligation de quitter le territoire français. De même, il ressort des pièces du dossier que le compagnon de la requérante, M. E... G..., a également fait l'objet d'un arrêté du 11 septembre 2018 portant refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, qu'il a exécuté le 18 septembre 2018 et, en conséquence, ne réside plus sur le territoire français. Dans ces conditions, la requérante, qui est entrée en France à l'âge de 32 ans, n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige porte une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'il serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences qu'il emporte sur sa situation personnelle.
10. Ensuite, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
11. Il résulte du point précédent, concernant l'état de santé de l'enfant D..., que la pathologie dont elle est atteinte ne fait pas obstacle à ce qu'elle suive sa mère afin de poursuivre avec elle sa vie familiale dans son pays d'origine. Par suite, la décision de refus de titre de séjour attaquée, laquelle n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer l'enfant D... de sa mère, n'est pas entaché d'un défaut de prise en compte de son intérêt supérieur.
En ce qui concerne la consultation de la commission du titre de séjour :
12. Aux termes de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif à la commission du titre de séjour : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement toutes les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser la délivrance du titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions.
13. Il résulte de ce qui précède que Mme F... ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour. Par suite, le préfet n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de prendre la décision de refus de titre de séjour attaquée.
Sur l'obligation de quitter le territoire :
14. La requérante n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision lui refusant le séjour, elle n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire.
15. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision faisant à Mme F... obligation de quitter le territoire ne saurait être regardée comme portant une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale, ni comme reposant sur une appréciation manifestement erronée de ses conséquences sur sa situation personnelle et celle de ses enfants mineurs. Il ne ressort pas en particulier des pièces produites que l'enfant D... ne pourrait pas bénéficier de suivi médical que son état de santé nécessité en cas de départ du territoire français.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
16. La requérante n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision lui refusant le séjour et de celle lui faisant obligation de quitter le territoire, elle n'est pas fondée à invoquer par la voie de l'exception l'illégalité de ces décisions à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
17. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français :/ 1° L'étranger mineur de dix-huit ans ;/ (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Aux termes de l'article L. 513-2 du même code : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : (...) 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
18. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'il n'est pas établi que la requérante et sa fille mineure n'auraient pas accès au Congo aux traitements médicaux que leur état de santé nécessite. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 et du 1° de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
19. Mme F... n'étant pas mineure de dix-huit ans, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Marne aurait méconnu le 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui faisant obligation de quitter le territoire, alors même que ses enfants mineurs, à l'égard de qui elle exerce l'autorité parentale, ont vocation à l'accompagner.
20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 17 septembre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application des articles L. 761 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... I... H... et au ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de de la Marne.
N° 19NC03048 2