Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 octobre 2019, Mme D..., représentée par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 avril 2019 ;
3°) de faire injonction au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour mention vie privée et familiale dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt et sous astreinte de cent cinquante euros par jour de retard et dans cette attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté est irrégulier en ce qu'il ne vise pas l'arrêté de délégation qui aurait été donné au signataire ;
- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour : méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du même code en ce qu'il est justifié par les certificats médicaux qu'elle n'aura pas accès à son traitement dans son pays d'origine.
- les décisions de refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire : portent une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce que son exécution aura pour effet de séparer les membres de la famille, méconnaissent les stipulations de l'article 3-1de la convention relative aux droits de l'enfant ; reposent sur une appréciation manifestement erronée de sa situation et de ses conséquences sur sa situation.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 novembre 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 14 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- l'ordonnance n°2020-1402 et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... née C..., ressortissante albanaise née le 13 juin 1993, est entrée en France le 5 juillet 2017 selon ses déclarations et a demandé l'asile qui a été rejetée de manière définitive à la suite d'une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 4 juin 2018. Le 11 juillet 2018, l'intéressée a sollicité son admission au séjour à raison de son état de santé. Par un arrêté du 29 avril 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée. Mme D... relève appel du jugement du 1er octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté pris dans son ensemble :
2. Par un arrêté du 26 mars 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 27 mars 2019, la préfète du Bas-Rhin a donné à Mme E... B..., directrice de l'immigration, tous actes et décisions relevant des limites des attributions de cette direction, à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions attaquées. La circonstance que l'arrêté litigieux du 29 avril 2019 n'a pas visé cet arrêté de délégation est sans incidence sur sa régularité. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté.
En ce qui concerne l'état de santé de Mme D... :
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11°A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
4. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Elle doit alors, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
5. Il ressort de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 3 décembre 2018, au vu duquel le préfet a pris sa décision, que l'état de santé de Mme D... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, elle pouvait s'y rendre et y bénéficier d'un traitement approprié. Par les documents qu'elle produit, constitués d'ordonnances médicales et d'une liste des médicaments remboursés en Albanie en 2011, Mme D... n'établit pas qu'un traitement équivalent au traitement médicamenteux qui lui est prescrit en France, constitué d'antidépresseurs, anxiolytiques et tranquillisants d'usage courant, ne serait pas effectivement disponible en Albanie. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Bas-Rhin aurait inexactement apprécié son état de santé et la disponibilité d'un traitement en Albanie. Il résulte de ces mêmes éléments que le préfet du Bas-Rhin n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en l'obligeant à quitter le territoire français à destination de l'Albanie.
En ce qui concerne la vie privée et familiale de Mme D... :
6. D'une part, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". D'autre part, aux termes des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. Mme D... ne se maintient sur le territoire français que pour les besoins de l'instruction de sa demande d'asile et de celle d'un titre de séjour et n'est en mesure de faire valoir aucune intégration dans la société hormis la scolarisation de ses enfants et la participation à des actions de bénévolat. Si elle invoque la présence à ses côtés de son mari et de leurs enfants mineurs, il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de son époux a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile en juin 2018 et qu'il se maintient irrégulièrement sur le territoire. Rien ne s'oppose donc à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer en Albanie, pays dans lequel Mme D... ne justifie pas être dépourvue d'attaches. Les décisions attaquées n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de Mme D... de leurs parents. Par suite, les décisions attaquées ne portent aux droit à la vie privée et familiale de la requérante aucune atteinte disproportionnée et n'ont pas été prises en méconnaissance de l'intérêt supérieur de ses enfants mineurs. Il résulte également des éléments qui précèdent que ces décisions ne reposent pas sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ou de ses conséquences sur sa situation personnelle.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 1er octobre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application des articles L. 761 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... D... née C... et au ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de du Bas-Rhin.
N° 19NC03092 2