Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter les demandes de M. C... et Mme A... présentées devant le tribunal administratif de Nancy.
Il soutient que :
- c'est à tort que le jugement a retenu une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales alors que les intéressés ne sont présents en France qu'en raison de l'instruction de leurs demandes d'asile et de leurs demandes de titres de séjour, que cinq enfants de M. C... et la mère de Mme A... résident toujours en Angola et qu'ils ne démontrent avoir transféré en France le centre de leurs intérêts personnels et familiaux ;
- les autres moyens soulevés par M. C... et Mme A... dans leur demande devant le tribunal administratif de Nancy ne sont pas non plus fondés.
Par un mémoire en défense et des pièces complémentaires, enregistrés le 16 mars et le 21 mai 2021, M. C... et Mme A..., représentés par Me Richard, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par le préfet de Meurthe-et-Moselle ne sont pas fondés.
M. C... et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du bureau d'aide juridictionnelle du 15 avril 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Stenger a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant angolais né le 27 juillet 1964, est entré régulièrement en France le 26 novembre 2014, muni de son passeport et d'un visa de court séjour. Sa conjointe, Mme A..., également ressortissante angolaise, née 8 juillet 1978 a déclaré être entrée irrégulièrement en France le 16 juin 2015. Leurs demandes d'asile ont été rejetées le 2 septembre 2016 par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), refus confirmés le 9 février 2017 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par deux arrêtés du 2 mars 2017, le préfet de Haute-Loire a refusé de faire droit à leur demande de titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Ces décisions ont été annulées par un jugement du 20 mai 2017 du tribunal administratif de Nancy pour insuffisance de motivation. Le 26 mars 2017, ils ont sollicité un titre de séjour au motif tiré de leur état de santé. Par deux arrêtés du 20 février 2018, confirmés par des jugements du 10 mars 2020 du tribunal administratif de Nancy, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à leurs demandes de titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le 8 juillet 2019, ils ont à nouveau sollicité un titre de séjour au motif de leur vie privée et familiale. Par deux arrêtés du 10 juin 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté leurs demandes de titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, duquel ils pourront, le cas échéant, être reconduits. Par un jugement du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Nancy a annulé ces arrêtés, a enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par la requête ci-dessus visée, le préfet de Meurthe-et-Moselle relève appel de ce jugement.
Sur les moyens d'annulation retenus par le tribunal :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. C... et Mme A... sont entrés en France respectivement les 26 novembre 2014 et 16 juin 2015. La durée de leur présence en France n'a été rendue possible qu'en raison de l'instruction de leurs demandes d'asile, rejetées par l'OFPRA et la CNDA, puis de leurs demandes de titre de séjour. M. C... et Mme A... n'établissent pas de façon probante leur intégration dans la société française, en dépit de leur investissement dans plusieurs associations, de leurs liens amicaux avec plusieurs familles françaises, établis par plusieurs attestations, dont la plupart sont postérieures à la date des décisions contestées, et de la qualité d'étudiant en droit de M. C..., inscrit à la faculté de droit de Lille. Surtout, il ressort des pièces du dossier que les intéressés ne sont pas dépourvus d'attaches familiales en Angola, pays dans lequel M. C... a déclaré avoir cinq enfants qui y résident et où vit la mère de Mme A.... Par conséquent, compte tenu des conditions et de la durée du séjour des intéressés, les arrêtés contestés ne sauraient être regardés comme ayant porté une atteinte disproportionnée à leur droit à une vie privée et familiale, protégé par les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne sont pas davantage entachés d'une erreur manifeste d'appréciation.
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Meurthe-et-Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé les décisions susmentionnées aux motifs tirés de ce qu'il aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il aurait commis une erreur manifeste d'appréciation. Il appartient toutefois à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de la demande présentée par M. C... et Mme A... devant le tribunal administratif de Nancy.
Sur la légalité des arrêtés pris dans leur ensemble :
5. En premier lieu, les arrêtés du 10 juin 2020 comporte de manière suffisante et non stéréotypée l'indication des motifs de droit et de fait sur lesquels le préfet s'est fondé afin de prendre à l'encontre des requérants les décisions attaquées. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation des décisions attaquées sera écarté.
6. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas procédé à un examen particulier de leur situation personnelle. Par suite, ce moyen doit être écarté.
Sur les autres moyens relatifs à la légalité des décisions portant refus de titre de séjour :
7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle a, par un arrêté du 21 janvier 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 22 janvier 2020, donné délégation à Mme Marie-Blanche Bernard, secrétaire générale de la préfecture de Meurthe-et-Moselle, pour signer tous les arrêtés, décisions, circulaires, rapports, documents et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département de Meurthe-et-Moselle, à l'exception des arrêtés de conflit. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de Mme D... pour signer les arrêtés contestés doit être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ".
9. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. En outre, selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne C-383/13 PPU du 10 septembre 2013, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision.
10. Si les requérants soutiennent qu'ils ont été privés du droit d'être entendus que leur reconnaît le droit de l'Union européenne, ils ne se prévalent d'aucun élément pertinent qu'ils auraient été privés de faire valoir et qui aurait pu influer sur le contenu des décisions. Le moyen ainsi soulevé doit donc être écarté.
11. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché les décisions contestées de plusieurs erreurs de fait n'est pas assorti des précisions qui auraient permis d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ce moyen doit également être écarté.
12. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". (...). ". Il ne ressort pas des pièces du dossier, particulièrement de la demande de titre de séjour, formée par les requérants que ces derniers auraient informé le préfet de ce que M. C... s'était inscrit à la faculté de droit de Lille au titre de l'année universitaire 2019/2020. Dans ces conditions, les intéressés ne sauraient soutenir que le préfet a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en prenant les décisions critiquées.
13. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour (...) se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7.
14. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les situations de M. C... et Mme A..., telles que décrites au point 3 du présent arrêt, relèvent des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels d'admission au séjour au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article par préfet de Meurthe-et-Moselle doit être écarté.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :
15. En premier lieu, les requérants ont personnellement déposé leur demande d'asile et ont pu à cette occasion exposer tous les arguments en faveur de leur maintien sur le territoire et ne pouvaient ignorer qu'en cas de refus de leur demande ils se trouveraient exposés à une mesure d'éloignement. Dès lors, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'avait pas à avertir les intéressés de ce qu'il envisageait de les obliger à quitter le territoire afin de recueillir à nouveau leurs observations. Par suite, M. C... et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions attaquées auraient été prises en violation de leur droit à être entendu relevant des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne et consacrés par la Charte des droits fondamentaux.
16. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... et Mme A... ne sont pas fondés à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision leur refusant un titre de séjour à l'encontre des décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français.
17. En dernier lieu, il résulte des circonstances retracées au point 3 ci-dessus que les décisions attaquées ne reposent pas sur une appréciation manifestement erronée de la situation de M. C... et Mme A... et de leurs conséquences sur leur situation.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
18. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à invoquer par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
19. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".
20. M. C... et Mme A... font valoir être exposés à des risques pour leur vie en cas de retour en Angola. Toutefois, M. C... ne justifie pas de la réalité et de l'actualité de ces risques, alors que la CNDA a relevé que " ni les pièces du dossier ni les déclarations faites en audience devant la cour ne permettent de tenir pour établis les faits et pour fondées les craintes énoncées ". La CNDA a également noté que les allégations du requérant relatives aux " menaces de mort dont il aurait été victime à compter de l'année 2005 ont manqué de cohérence " et ajouté que l'intéressé " a quitté son pays sous couvert de son propre passeport, revêtu d'un visa, ce qui parait peu compatible avec les circonstance alléguées de son départ ". Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions fixant l'Angola comme pays de destination sont contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, ils ne sont pas fondés à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ses décisions sur leur situation personnelle.
21. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations des articles 9 et 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas suffisamment articulé pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé.
22. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Meurthe-et-Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé les arrêtés du 10 juin 2020 et à enjoint au préfet de délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
23. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à sa charge le versement à l'avocat de M. C... et Mme A... une somme au titre des frais qu'ils auraient exposés dans la présente instance s'ils n'avaient été admis à l'aide juridictionnelle.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 12 novembre 2020 est annulé.
Article 3 : Les demandes présentées par M. C... et Mme A... devant le tribunal administratif de Nancy sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. C... et Mme A... devant la cour sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et Mme E... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
N°20NC03509 4