Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2020, M. B..., représenté par Me Elsaesser, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 2 juillet 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2020 du préfet du Bas-Rhin ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son avocate au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- le refus de titre de séjour est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence d'analyse par le médecin instructeur de la disponibilité effective des soins nécessités par son état de santé en Géorgie ;
- les signatures apposées sur l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne satisfont pas aux règles du référentiel général mentionné à l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, non plus qu'aux dispositions de l'article 1367 du code civil, de l'article 1er du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique ainsi que des articles 26, 28 et 29 et des annexes I et II du règlement (UE) n° 910/2014 du parlement européen et du conseil du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE ;
- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et n'a pas examiné l'existence d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- le préfet a pris sa décision sans solliciter au préalable ses observations alors que la demande de titre de séjour avait été formulée depuis plusieurs mois ;
- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation quant à l'appréciation de l'accès effectif aux soins en Géorgie au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est insuffisamment motivée en fait ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- la décision fixant le pays de destination est entachée d'illégalité, par voie de conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- elle viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 août 2021, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 910/2014 du parlement européen et du conseil du 23 juillet 2014 ;
- le code civil ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Stenger, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant géorgien né le 7 août 1972, est entré en France le 18 février 2017, selon ses déclarations. Le 31 janvier 2019, il a déposé une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 20 janvier 2020, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 2 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, et à supposer que le requérant ait entendu soulever le moyen tiré d'une méconnaissance des droits de la défense, aucun texte législatif ou réglementaire n'obligeait le préfet du Bas-Rhin à communiquer spontanément au requérant l'avis du collège des médecins de l'OFII avant de prendre la décision contestée. En outre, les dispositions des articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration relatives à l'organisation d'une procédure contradictoire ne trouvent pas à s'appliquer dans le cas où la décision répond, comme en l'espèce, à une demande de l'intéressé.
3. En deuxième lieu, il ressort de l'avis émis le 22 octobre 2019 concernant la situation de M. B... que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration s'est prononcé sur la disponibilité des soins nécessités par l'état de santé du requérant en Géorgie. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'instruction menée par le médecin instructeur est insuffisante au motif, énoncé de manière général, qu'il ne ressort pas de son rapport, au demeurant non produit à l'instance, qu'il ait analysé la disponibilité effective des soins multidisciplinaires qui lui sont nécessaires, ni la capacité du système de santé géorgien à lui octroyer les soins adaptés à ses pathologies,
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1367 du code civil : " La signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l'authenticité à l'acte. / Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article 1er du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique : " La fiabilité d'un procédé de signature électronique est présumée, jusqu'à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en œuvre une signature électronique qualifiée. / Est une signature électronique qualifiée une signature électronique avancée, conforme à l'article 26 du règlement susvisé et créée à l'aide d'un dispositif de création de signature électronique qualifié répondant aux exigences de l'article 29 dudit règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l'article 28 de ce règlement ". Selon l'article 26 du règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE : " Exigences relatives à une signature électronique avancée Une signature électronique avancée satisfait aux exigences suivantes : / a) être liée au signataire de manière univoque ; / b) permettre d'identifier le signataire ; c) avoir été créée à l'aide de données de création de signature électronique que le signataire peut, avec un niveau de confiance élevé, utiliser sous son contrôle exclusif ; et d) être liée aux données associées à cette signature de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit détectable ".
5. La signature, par les membres du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de l'avis émis par ce dernier en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est apposée électroniquement au moyen de l'application Thémis. Pour apposer cette signature, les membres de ce collège doivent, dans un premier temps, se connecter au réseau interne de l'Office avec un identifiant et un mot de passe personnel, puis à l'application " Thémis " avec un autre identifiant et un autre mot de passe, où ils valident l'avis émis par le collège. Cette application génère à la suite un avis en format PDF qui ne peut être modifié ou contrefait, puis cet avis est diffusé aux membres du collège pour une ultime validation. Compte tenu de ces garanties, ce procédé de signature doit être regardé comme bénéficiant de la présomption de fiabilité prévue par les dispositions combinées de l'article 1367 du code civil, du règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 et du décret du 28 septembre 2017. Si M. B... soutient, d'une part, qu'il n'est pas établi que les avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration satisferaient aux règles du référentiel général mentionné à l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives et, d'autre part, que le dispositif prévu par les article 28 et 29 ainsi que les annexes I et II du règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 et du décret du 28 septembre 2017 serait " absent des certificats communiqués par l'Office français de l'immigration et de l'intégration ", il ne précise pas sur quels points ni pour quels motifs le procédé de signature mis en place par l'Office ne répondrait pas aux exigences de ces textes. Ainsi, il n'assortit pas ces derniers moyens des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
6. Il ressort des pièces du dossier que l'avis émis le 22 octobre 2019 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au sujet de la situation de M. B... et des nécessités de sa prise en charge médicale porte les signatures des docteurs Ignace Mbomeyo, Sylvie Zucca et Gilles Cizeron. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que cet avis doit ainsi être regardé comme revêtu de la signature de ses auteurs. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le refus de séjour opposé par le préfet du Bas-Rhin est intervenu au terme d'une procédure irrégulière.
7. En troisième lieu, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet se serait cru en situation de compétence liée vis-à-vis de l'avis du collège de médecins de l'OFII pour refuser à M. B... la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ".
9. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle.
10. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration allant dans le sens de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
11. Par son avis du 22 octobre 2019, sur lequel l'autorité administrative s'est appuyée afin de rendre sa décision, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de M. B... nécessitait un traitement dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une extrême gravité, il existait dans son pays d'origine, la Géorgie, un traitement adapté. M. B... expose qu'il est atteint d'une hépatite C chronique, d'un syndrome dépressif et d'un stress post-traumatique ainsi qu'une addiction aux stupéfiants nécessitant un suivi multidisciplinaire actif qui ne peut être assuré en Géorgie. Toutefois, par les pièces qu'il produit, consistant en des pièces médicales et des rapports, notamment de l'OSAR, rédigés en des termes généraux, M. B... ne démontre pas que l'administration aurait inexactement apprécié la disponibilité en Géorgie du traitement médical approprié à son état de santé. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en prenant la décision contestée, le préfet a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour à M. B... étant suffisamment motivée, la décision en litige n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique. Par suite, le moyen tiré de ce qu'elle serait insuffisamment motivée en fait ne peut être accueilli.
13. En second lieu, aux termes du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
14. Il résulte de ce qui est dit au point 11 du présent arrêt que le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 doit être écarté pour les mêmes motifs.
Sur la décision fixant le pays de destination :
15. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité entachant les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français au soutien de la contestation de la décision fixant le pays de destination doit être écarté.
16. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".
17. Si M. B... soutient être exposé à des risques pour sa vie en cas de retour en Géorgie, notamment en raison de violences de la part de sa belle-famille, il n'en justifie pas. Par ailleurs, pour les mêmes raisons que celles précédemment décrites au point 11 du présent arrêt, l'intéressé ne saurait soutenir qu'en l'absence d'une prise en charge adaptée à son état de santé en Géorgie, il y serait victime de traitements prohibés par les stipulations ci-dessus reproduites. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Bas-Rhin aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 janvier 2020 du préfet du Bas-Rhin. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles qu'il présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Bas-Rhin.
N°20NC03529 3