Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 avril 2021, le préfet des Vosges demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de Mme B....
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la décision fixant le délai de départ volontaire de trente jours n'était pas suffisamment motivée dès lors que cette décision, qui ne présente pas le caractère d'une décision défavorable, n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique ;
- Mme B... ne lui a adressé aucune demande tendant à ce qu'un délai supérieur à trente jours lui soit accordé pour quitter volontairement le territoire français et qu'elle n'a pas fait état de circonstances particulières tenant à sa situation de nature à justifier qu'un délai dérogatoire lui soit accordé à titre exceptionnel.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2022, Mme B... conclut au rejet de la requête. Elle demande également que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Stenger a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante angolaise, est entrée en France en novembre 2018, afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 16 juillet 2020 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 4 février 2021. Par un arrêté du 15 février 2021, le préfet des Vosges lui a fait obligation, sur le fondement des dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra, le cas échéant, être reconduite. Par un jugement du 8 avril 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé la décision de délai de départ volontaire de trente jours et a enjoint au préfet des Vosges de réexaminer la situation de l'intéressée pour fixer la durée du délai de départ volontaire qui lui est accordé dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Le préfet des Vosges relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision de délai de départ volontaire et lui a enjoint de réexaminer sa situation.
Sur le motif d'annulation retenu par le magistrat désigné :
2. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) ".
3. La fixation à trente jours du délai laissé à l'étranger pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire qui lui est imposée, résulte directement de l'application des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Dès lors, il n'appartient pas au préfet, alors, au demeurant, qu'il est constant que Mme B... n'a pas sollicité un délai supérieur, de justifier les raisons pour lesquelles il n'a pas jugé utile de lui accorder à titre exceptionnel un tel délai. En outre, il ne ressort pas des termes de l'arrêté contesté ni des pièces du dossier que le préfet des Vosges n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle de la requérante. Par suite, le préfet des Vosges est fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé, pour ce motif, la décision de départ volontaire de trente jours et lui a enjoint de réexaminer sa situation pour fixer la durée du délai de départ volontaire.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif.
Sur les autres moyens soulevés par Mme B... :
5. En premier lieu, l'arrêté attaqué est signé par M. Julien Le Goff, secrétaire général de la préfecture des Vosges, auquel le préfet des Vosges a donné délégation de signature l'effet de signer notamment les décisions relevant notamment de la police des étrangers par un arrêté du 23 novembre 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté comme manquant en fait.
6. En deuxième lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français comporte, de manière suffisamment précise, les considérations de droit et de fait qui constituent son fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit également être écarté comme manquant en fait.
7. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier ni des termes mêmes de l'arrêté en litige que le préfet des Vosges n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle de Mme B... avant de prononcer une obligation de quitter le territoire français à son encontre et de fixer le pays de destination d'une éventuelle mesure d'éloignement forcé. Par conséquent, le moyen tiré de l'absence d'examen sérieux de la situation de la requérante doit être écarté.
8. En quatrième lieu, la décision litigieuse a été prise sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la suite du rejet de la demande d'asile de Mme B.... Cette dernière soutient que cette mesure d'éloignement a été prise en méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne relatif au droit d'être entendu. Toutefois, l'étranger qui présente une demande d'asile est conduit, à l'occasion du dépôt de cette demande, à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit reconnue la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, laquelle doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir toute observation complémentaire, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. En l'espèce, Mme B... n'allègue pas avoir sollicité en vain un entretien auprès des services préfectoraux, ni avoir été empêchée de présenter des observations ou de se faire assister d'un avocat, avant que soit prise la décision portant obligation de quitter le territoire français. Au demeurant, elle ne pouvait ignorer que, depuis le rejet de sa demande d'asile, elle était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Par suite, le moyen invoqué par Mme B... tiré d'une méconnaissance de son droit d'être entendu doit être écarté.
9. En cinquième lieu, l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121 1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. (...) ". Par ailleurs, l'article L. 743-1 du même code dispose que : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ".
10. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du relevé " Telemofpra ", que la lecture de la décision de la Cour nationale du droit d'asile est intervenue en audience publique le 4 février 2021, soit antérieurement à la notification de la décision portant obligation de quitter le territoire français du 15 février 2021. Ainsi, à la date d'effet de la décision en litige, Mme B... ne justifiait plus d'aucun droit au maintien sur le territoire français, nonobstant la circonstance qu'il n'est pas justifié de la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
11. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
12. Mme B... fait valoir qu'elle a transféré en France le centre de ses intérêts personnels et familiaux et qu'elle y est en voie intégration. Toutefois, elle ne produit aucun élément probant au soutien de ses allégations alors qu'elle ne justifie pas être dépourvue d'attache familiale dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-six ans. Elle ne démontre par ailleurs pas avoir noué des liens d'une particulière intensité en France, où elle ne résidait que depuis un peu plus de deux ans à la date de l'arrêté en litige. Dans ces conditions, la mesure d'éloignement prononcée à son encontre ne peut être regardée comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en conséquence, être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle doit également être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Vosges est fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé la décision de départ volontaire de trente jours, lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressée pour fixer la durée du délai de départ volontaire et a mis à sa charge une somme de 1000 euros au titre des frais d'instance.
D E C I D E :
Article 1er : les articles 2, 3 et 4 du jugement du tribunal administratif de Nancy n° 2100549 du 8 avril 2021 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nancy est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet des Vosges.
N° 21NC01167 2