Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 octobre 2021, le préfet des Vosges demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- la décision rejetant la demande de titre de séjour mention " vie privée et familiale " étant implicite et n'ayant été acquise que le 4 février 2020, il incombait à l'intéressé de demander la communication de ses motifs ; en l'absence d'une telle demande, c'est en violation de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration que le jugement a annulé la décision implicite de refus de titre de séjour ;
- les autres moyens présentés par M. A... à l'appui de sa demande ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Agnel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant camerounais né le 21 août 2001, a déclaré être entré en France en 2017. Il a été pris en charge par le réseau éducatif de Meurthe-et-Moselle le 11 mai 2017 et confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département des Vosges par une ordonnance de placement provisoire du 21 septembre 2017 et par une ordonnance d'ouverture d'une tutelle d'état du 9 octobre 2017. Par un courrier du 3 octobre 2019, M. A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et à titre subsidiaire la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Par un courrier du 13 janvier 2020, le préfet des Vosges l'a informé de son intention de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " travailleur temporaire " sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'a invité à prendre rendez-vous avec les services de la préfecture afin de s'acquitter du droit de visa de régularisation, le requérant étant entré de manière irrégulière sur le territoire français. Estimant que par cette même décision le préfet lui avait également refusé sa demande de délivrance d'une carte de séjour temporaire, M. A... a saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à l'annulation de ce refus. Le préfet des Vosges relève appel du jugement du 14 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nancy a fait droit à cette demande.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale constituent une mesure de police (...) ". L'article L. 211-5 de ce code dispose que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes de l'article L. 232-4 du même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (...) ".
3. Aux termes de l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Le silence gardé par l'administration sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet. ". Aux termes de l'article R. 311-12-1 du même code alors applicable : " La décision implicite mentionnée à l'article R. 311-12 naît au terme d'un délai de quatre mois. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a saisi le 3 octobre 2019 le préfet des Vosges d'une demande de délivrance d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à titre principal, ou à défaut mention " salarié ". En lui délivrant par sa décision du 13 janvier 2020 une carte de séjour mention " travailleur temporaire ", le préfet ne saurait être regardé comme lui ayant refusé le même jour la carte de séjour mention " vie privée et familiale ". Ce refus de délivrance n'a en effet été acquis de manière implicite que le 4 février 2020 en application des dispositions ci-dessus rappelées. En l'absence de demande de communication des motifs de cette décision adressée par M. A... au préfet des Vosges, c'est par une inexacte application des règles ci-dessus rappelées que le jugement attaqué a annulé cette décision comme n'étant pas motivée.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... à l'appui de sa demande d'annulation présentée devant le tribunal administratif.
Sur les autres moyens de la demande :
6. D'abord, la décision de refus de titre de séjour litigieuse étant implicite, elle doit être regardée comme ayant été prise par le préfet des Vosges. Par suite le moyen tiré de ce qu'elle aurait été prise par une autorité incompétente sera écarté.
7. Ensuite, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée ; (...) ". Selon l'article L. 223-2 du code de l'action sociale et des familles : " Sauf si un enfant est confié au service par décision judiciaire ou s'il s'agit de prestations en espèces, aucune décision sur le principe ou les modalités de l'admission dans le service de l'aide sociale à l'enfance ne peut être prise sans l'accord écrit des représentants légaux ou du représentant légal du mineur ou du bénéficiaire lui-même s'il est mineur émancipé. / En cas d'urgence et lorsque le représentant légal du mineur est dans l'impossibilité de donner son accord, l'enfant est recueilli provisoirement par le service qui en avise immédiatement le procureur de la République. / Si le représentant légal est en mesure de donner son accord mais le refuse, le service saisit l'autorité judiciaire en vue de l'application de l'article 375-5 du code civil. / Si, dans le cas prévu au deuxième alinéa du présent article, l'enfant n'a pas pu être remis à sa famille ou le représentant légal n'a pas pu ou a refusé de donner son accord dans un délai de cinq jours, le service saisit également l'autorité judiciaire en vue de l'application de l'article 375-5 du code civil. / En cas de danger immédiat ou de suspicion de danger immédiat concernant un mineur ayant abandonné le domicile familial, le service peut, dans le cadre des actions de prévention, pendant une durée maximale de soixante-douze heures, accueillir le mineur, sous réserve d'en informer sans délai les parents, toute autre personne exerçant l'autorité parentale ou le tuteur, ainsi que le procureur de la République. Si au terme de ce délai le retour de l'enfant dans sa famille n'a pas pu être organisé, une procédure d'admission à l'aide sociale à l'enfance ou, à défaut d'accord des parents ou du représentant légal, une saisine de l'autorité judiciaire est engagée. (...) ". Aux termes de l'article 375-3 du code civil : " Si la protection de l'enfant l'exige, le juge des enfants peut décider de le confier : (...) 3° A un service départemental de l'aide sociale à l'enfance (...) ". L'article 375-5 du même code dispose enfin : " A titre provisoire mais à charge d'appel, le juge peut, pendant l'instance, soit ordonner la remise provisoire du mineur à un centre d'accueil ou d'observation, soit prendre l'une des mesures prévues aux articles 375-3 et 375-4. / En cas d'urgence, le procureur de la République du lieu où le mineur a été trouvé a le même pouvoir, à charge de saisir dans les huit jours le juge compétent, qui maintiendra, modifiera ou rapportera la mesure ".
8. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, pour l'application des dispositions précitées du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicables, un mineur étranger ne peut être regardé comme ayant été confié au service départemental de l'aide sociale à l'enfance que s'il l'a été en vertu d'un jugement ou d'une ordonnance de l'autorité judiciaire sur le fondement des articles 375-3 ou 375-5 du code civil.
9. Si M. A..., né le 21 août 2001, a été pris en charge par le conseil départemental des Vosges au titre de l'aide sociale à l'enfance le 11 mai 2017, l'autorité judiciaire ne l'a confié à ce service que par une ordonnance de placement provisoire prise par le procureur de la République le 21 septembre 2017. A cette date, qui doit être retenue pour apprécier l'âge du requérant pour l'application des dispositions précitées, il avait plus de seize ans révolus. Par suite, en rejetant sa demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", le préfet des Vosges n'a pas commis d'erreur de droit.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Vosges est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision par laquelle il a refusé à M. A... une carte de séjour mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, par suite, de rejeter la demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Nancy.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2100021 du tribunal administratif de Nancy du 14 septembre 2021 est annulé.
Article 2 : La demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Nancy est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera adressée au préfet des Vosges.
N° 21NC02634 2