Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 décembre 2019, M. et Mme E..., représentés par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er octobre 2019 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de prononcer le sursis à exécution du jugement.
Ils soutiennent que :
- la procédure d'imposition a été menée en violation de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que, ne parlant pas le français, ils n'ont pas bénéficié de l'assistance d'un interprète ni d'une traduction des pièces de procédure ;
- la procédure d'imposition n'a pas été menée dans le respect d'un réel débat contradictoire en méconnaissance de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales dès lors que Mme E..., qui justifie de difficultés de santé, n'a pas pu assister à la réunion de clôture de la vérification de comptabilité ;
- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation dès lors qu'ils n'ont pas pris en considération l'existence d'un lien commercial entre Mme E... et la société Bime constitué par un contrat de sous-traitance ;
- il est justifié par une attestation ayant valeur probante que les chèques émis par M. D... sur le compte de la société Bime correspondaient à des prêts ; le défaut de mentions comptables dans la comptabilité de la société Bime, qui relève de la seule responsabilité de cette dernière, et l'absence comptable de remboursements ne sauraient constituer des preuves de l'inexistence d'un tel prêt ;
- les montants versés par les sociétés Recylux France SAS, Feza toitures, Ayrakan, Bâtiment Oner, Haut de gamme, Lorraine échafaudage, Eddy Kempfer couverture générale de l'Est et Dem EURL correspondent au paiement de loyers pour le compte de leurs employés occupants les biens immobiliers propriétés des appelants et doivent donc être imposés dans la catégorie des revenus fonciers et non pas dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme E... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme F... ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2010 à 2012, au terme duquel, par deux propositions de rectification du 11 décembre 2013 et du 5 septembre 2014, établies selon la procédure de rectification contradictoire, le service leur a notifié des cotisations supplémentaires d'impôts sur le revenu et de cotisations sociales, à raison notamment de revenus distribués pour des montants respectifs de 35 043 euros, 37 657 euros et 35 034 euros au titre des années 2010, 2011 et 2012. La réclamation des requérants a été partiellement acceptée par une décision du 21 juin 2017. M. et Mme F... relèvent appel du jugement du 1er octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions restées à leur charge.
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
2. Aux termes des stipulations du paragraphe 3 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Tout accusé a droit notamment à : / (...) e) se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience ". La circonstance, à la supposer établie, que M. et Mme E... maîtriseraient mal la langue française, est sans incidence sur la régularité de la procédure de contrôle de l'impôt. Il leur appartenait seulement, s'ils le jugeaient utile, et alors qu'ils avaient été informés par l'administration de la possibilité de se faire assister par un conseil de leur choix, de faire appel à un interprète de leur choix. Le seul fait que le service n'ait pas, de sa propre initiative, mis un interprète à la disposition des intéressés ne saurait être regardé comme ayant eu des conséquences de nature à porter atteinte de manière irréversible au caractère équitable de la procédure ultérieurement engagée devant le juge de l'impôt. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté comme non fondé s'agissant de la contestation des pénalités et, en tout état de cause, de celle des droits au principal.
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales :
3. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu, une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ou par l'envoi d'un avis d'examen de comptabilité ". Le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu interdit au vérificateur d'adresser la proposition de rectification qui, selon l'article L. 48, marquera l'achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir.
4. En l'espèce, et comme l'avaient déjà retenu les premiers juges, il résulte de l'instruction, notamment des termes de la proposition de rectification du 5 septembre 2014, que le vérificateur et M. et Mme E... se sont rencontrés à quatre reprises dans les locaux de l'administration les 9 octobre 2013, 2 décembre 2013, 20 janvier 2014 et 24 février 2014. Les requérants n'établissent pas ni même n'allèguent que le vérificateur se serait refusé à tout dialogue contradictoire lors de ces rencontres. Il est également indiqué dans la décision de rejet de la réclamation du 21 juin 2017 que les requérants ont été conviés à des entretiens les 24 juin, 7 et 28 juillet et 1er septembre 2014 auxquels ils n'ont pas donné suite, soit pour raisons médicales soit pour convenances personnelles. Ils ont par ailleurs été systématiquement invités à prendre contact avec le vérificateur afin de convenir d'une date alternative si celle initialement proposée ne convenait pas. En outre, si Mme E... fait valoir que son état de santé l'a empêchée d'assister à la réunion de clôture du contrôle, il est toutefois constant qu'elle a participé aux quatre premières réunions organisées avec le service, et qu'en tout état de cause, il lui appartenait, le cas échéant, de se faire représenter lors de la réunion de clôture. Par suite, M. et Mme E... ne sont donc pas fondés à soutenir qu'ils ont été privés de la garantie que constitue la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
5. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ". Il résulte de l'instruction que M. et Mme E... n'ont pas présenté d'observations à la proposition de rectification du 5 septembre 2014 concernant les redressements mis à leur charge au titre des années 2011 et 2012. Dès lors, les requérants supportent la charge d'établir le caractère exagéré des impositions en litige au titre de ces deux années.
6. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ".
7. En premier lieu, pour imposer dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions précitées, les sommes correspondant à des chèques émis par la société Bime et encaissés sur les comptes bancaires des requérants, l'administration a relevé l'absence de toute contrepartie à ces versements et la circonstance que Mme E... est la soeur du gérant de la société Bime, M. D... et que M. E... en était le salarié. Lors du contrôle, pour contredire cette appréciation, les contribuables, qui ne contestent pas avoir appréhendé les sommes en litige, se sont bornés à indiquer au vérificateur que les chèques crédités sur leurs comptes correspondaient à la rémunération de " prestations d'intermédiaires " entre la société Bime et certains de ses fournisseurs concernant des opérations pour lesquelles ils payaient le fournisseur en espèces lorsque celui-ci avait effectué sa prestation pour la société Bime avant que cette dernière ne leur remette un chèque à l'échéance de la facture fournisseur. Toutefois, et alors que les requérants n'apportent aucun élément probant au soutien de ces affirmations, il résulte de l'instruction que, comme le fait valoir l'administration en défense, les retraits d'argent en espèces correspondant aux paiements des fournisseurs avant l'encaissement des chèques émis par la société Bime ne ressortent pas des débits des comptes bancaires des contribuables. En outre, s'il est reproché aux premiers juges de ne pas avoir pris en compte l'existence d'un lien commercial entre Mme E... et la société Bime constitué par un contrat de sous-traitance mis à la disposition de l'administration tel que cela ressortirait des termes mêmes de la " proposition de rectification du 11 décembre 2011 ", il résulte de l'instruction qu'aucune proposition de rectification n'a été adressée aux requérants à cette date et, qu'en tout état de cause, ces mentions ne figurent pas dans la proposition de rectification du 11 décembre 2013. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a considéré, s'agissant de ces sommes, qu'un avantage avait été accordé sans contrepartie par la société Bime à M. et Mme E... et qu'il était constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts.
8. En deuxième lieu, l'administration a imposé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions précitées, des sommes correspondant à des chèques émis par MM. D..., tirés non sur des comptes personnels mais sur des comptes de la société Bime. Si, lors du contrôle, M. et Mme F... ont fait valoir que ces sommes correspondaient à des prêts qui leur avaient été consentis, ils n'en justifient pas en se bornant à produire des attestations de MM. D..., dépourvues de toute valeur probante en raison du lien familial visé au point précédent et alors qu'ils n'ont pas donné suite à une mise en demeure du service de fournir des éléments complémentaires. Il n'est au demeurant pas établi ni même allégué par les requérants qu'ils auraient procédé au remboursements de ces prétendus prêts ni que ces remboursements auraient été retracés dans les comptes de la société Bime. Dans ces circonstances, c'est à bon droit que l'administration a considéré que ces sommes correspondaient à un avantage accordé sans contrepartie par la société Bime à M. et Mme E..., représentant une libéralité accordée aux intéressés et constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts.
9. En troisième lieu, pour imposer dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions précitées, les sommes correspondant aux chèques émis au profit des contribuables par les sociétés Recylux France SAS, Feza toitures, Ayrikan, Bâtiment Oner, Haut de Gamme, Lorraine échafaudage, Eddy Kempfer couverture générale de l'Est et Dem EURL, l'administration s'est fondée sur l'absence de toute justification d'une contrepartie à ces versements. M. et Mme E... soutiennent que les sommes en litige correspondraient à des loyers qui leurs ont été versés par lesdites sociétés. Toutefois, et alors que les premiers juges avaient déjà constaté l'absence de justification sur ce point, les requérants ne produisent aucun élément, tels que contrats de bail ou quittances de loyers, de nature à établir les faits allégués. Par suite, l'administration établit l'existence, au profit de M. et Mme E... d'une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué :
11. Le présent arrêt se prononce sur le fond de la requête à fin d'annulation du jugement attaqué. Dès lors, les conclusions à fin de sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme E... aux fins de sursis à exécution du jugement attaqué.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme E... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
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N° 19NC03541