Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 septembre 2019, M. et Mme F..., représentés par Me A..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 5 août 2019 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 5 novembre 2018 pris à leur encontre ;
3°) d'enjoindre au préfet des Vosges de leur délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à leur conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
En ce qui concerne les décisions de refus de titre de séjour :
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'il n'a jamais demandé aux requérants de compléter leur dossier par les pièces manquantes ;
- la décision portant refus de titre de séjour prise à l'encontre de Mme F... doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour de son époux.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. F... méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que sa demande de titre de séjour était fondée sur le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le préfet n'a pas saisi pour avis préalable le collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont illégales en raison de l'illégalité qui entache les décisions de refus de titre de séjour ;
- la décision obligeant M. F... à quitter le territoire est dépourvue de base légale.
En ce qui concerne les décisions d'interdiction de retour sur le territoire français :
- l'interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée en raison des illégalités qui entachent la décision de refus de titre de séjour ;
- l'annulation des décisions en litige implique que le préfet des Vosges organise le retour de M. F... sur le territoire français par application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 octobre 2020, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme F..., ressortissants monténégrins, sont entrés en France le 2 mai 2014 pour présenter une demande d'asile. Cette demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 27 août 2014, rejet confirmé par la Cour nationale du droit d'asile le 7 janvier 2015. Par deux arrêtés en date du 14 octobre 2014 du préfet des Vosges, les époux F... ont fait l'objet de décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français auxquelles ils n'ont pas déféré. Leurs recours contre ces arrêtés ont été rejetés, en dernier lieu par la cour administrative d'appel de Nancy le 29 septembre 2016. Les époux F... ont alors présenté des demandes de titre de séjour en faisant valoir leur état de santé. Par des arrêtés en date du 27 octobre 2017, après avoir consulté le médecin de l'agence régionale de santé, le préfet des Vosges a refusé de faire droit à leurs demandes et leur a fait obligation de quitter le territoire français. Malgré le rejet de leurs recours, les époux F... n'ont pas déféré à ces mesures d'éloignement et ont présenté une nouvelle demande de titre de séjour au motif de l'état de santé de M. F... et en qualité d'accompagnante d'un étranger malade. Par deux arrêtés du 5 novembre 2018, le préfet des Vosges a de nouveau refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et leur a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. et Mme F... relèvent appel du jugement du 5 août 2019 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du 5 novembre 2018.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans prises à l'encontre de M. F... :
2. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal administratif de Strasbourg avait été saisi par M. F... d'une première demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 novembre 2018 par lequel le préfet des Vosges lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement n°1901214 du 22 février 2019, devenu définitif à la date à laquelle le tribunal administratif de Nancy a été saisi de la seconde demande dirigée contre le même arrêté, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, rejeté les conclusions de cette demande dirigées contre les décisions obligeant le requérant à quitter le territoire français, fixant le pays de destination et lui interdisant le retour pendant une durée de deux ans et, d'autre part, renvoyé l'examen de la contestation de la décision de refus de titre de séjour au tribunal administratif de Nancy en application du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or, les moyens dont M. F... a assorti cette seconde demande procèdent des mêmes causes juridiques que celles dont il s'était prévalu à l'appui de la première. Dès lors, il y a lieu, ainsi que le soutient le préfet des Vosges en défense, d'opposer aux prétentions de la présente requête l'autorité de la chose jugée dont est revêtu le jugement du 22 février 2019 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg, laquelle fait obstacle à ce que le juge réexamine cette contestation. Par suite, M. F... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté à nouveau ses conclusions tendant à l'annulation des décisions en litige du 5novembre 2018.
En ce qui concerne les décisions de refus de titre de séjour prises à l'encontre de M. et Mme F... :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction applicable à la date de la demande de titre de séjour présentée par M. et Mme F...: " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " L'étranger qui dépose une demande de délivrance ou de renouvellement d'un document de séjour pour raison de santé est tenu, pour l'application des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de faire établir un certificat médical relatif à son état de santé par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier ". Aux termes de l'article 2 du même arrêté : " Le certificat médical, dûment renseigné et accompagné de tous les documents utiles, est transmis sans délai, par le demandeur, par tout moyen permettant d'assurer la confidentialité de son contenu, au service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'adresse a été préalablement communiquée au demandeur ". L'article 3 du même arrêté dispose que le médecin de l'office établit un rapport médical au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent. Enfin aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre l'administration et les usagers, qui s'applique à la procédure d'instruction des demandes de titre de séjour, sauf lorsqu'il en est disposé autrement par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prévoit : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations ".
4. Il ressort des pièces des dossiers que M. F... a été reçu en préfecture le 2 mars 2017 et qu'à cette occasion lui a été remis l'ensemble des documents devant être complétés par le médecin agrée en vue d'être adressés ensuite, par ses soins, à l'OFII dans le cadre de l'examen de sa demande. Or, il n'est pas contesté que, comme le fait valoir le préfet en défense, un an après la remise de ces documents, les intéressés n'avaient transmis aucun élément à l'OFII. Le préfet n'a d'ailleurs pas motivé son arrêté par le caractère incomplet du dossier présenté par le requérant mais par le " laps de temps s'étant écoulé depuis sa venue en préfecture le 2 mars 2017 " et par l'absence de diligences de sa part permettant la poursuite de la procédure. En outre, l'intéressé n'avait fourni aucun élément permettant d'établir la nature et la gravité des troubles qu'il invoque à la date du 23 avril 2018, date à laquelle le directeur territorial de l'OFII a indiqué au préfet des Vosges que le dossier de demande du requérant avait été clôturé, faute de dossier ou de certificat médical. Par ailleurs, M. F... n'a apporté aucun élément justificatif, à l'appui de sa demande de titre de séjour pour raison de santé, concernant la nature et la gravité des troubles dont il souffrirait alors qu'à l'occasion de sa première demande de titre de séjour pour raison de santé formée en 2016, le médecin de l'agence régionale de santé avait considéré que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que ce dernier pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision de refus de titre de séjour prise à l'encontre de M. F... méconnaît l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration et que le préfet aurait dû saisir le collège de médecins de l'OFII sauf à le priver d'une garantie.
5. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour prise à l'encontre de Mme F... doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour de son époux doit être écarté.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que les moyens tirés d'une part, du défaut de base légale des mesures d'éloignement et d'autre part, de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant refus de séjour ne peuvent qu'être écartés.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
8. Il ressort des pièces des dossiers et de ce qui a été dit au point 4 que les requérants n'établissent pas que leur état de santé fait obstacle à l'exécution d'une obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 précité doit être écarté.
9. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation des requérants avant de prendre les décisions contestées. Par suite, ce moyen doit être écarté comme manquant en fait.
En ce qui concerne les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français :
10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation des décisions de refus de titre de séjour ainsi que des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ne peuvent qu'être écartés.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions présentées à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions présentées à fin d'injonction sous astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par les requérants, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens, soit mise à la charge de l'Etat qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme F... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Vosges.
N° 19NC02755 2