Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 juillet 2019, ainsi qu'un mémoire enregistré le 9 mars 2020, M. et Mme B..., représentés par Me F..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la réduction de l'imposition contestée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'exonération des produits d'assurance-vie prévue par le deuxième alinéa du I de l'article 125-0 A du code général des impôts doit être interprétée en ce sens qu'elle s'applique à tous les cas de pertes de revenus résultant de la privation d'emploi au nombre desquels figure la situation de chômage consécutive au terme d'un contrat de travail à durée déterminée ;
- refuser le bénéfice de l'exonération aux personnes involontairement privées d'emploi au terme de leur contrat de travail à durée déterminée constitue une discrimination contraire à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ainsi qu'au principe constitutionnel d'égalité devant la loi, dès lors que ces personnes se trouvent dans une situation analogue à celle des salariés licenciés de sorte qu'aucun motif objectif et raisonnable ne saurait justifier une telle différence de traitement ;
- l'instruction administrative BOI-RPPM-RCM-10-10-80 n° 102 du 30 juin 2014 étend le bénéfice de l'exonération aux personnes privées d'emploi pour une raison indépendante de leur volonté ce qui inclut le terme d'un contrat de travail à durée déterminée ; cette notion était déjà adoptée par la réponse ministérielle E... du 5 octobre 2004 ; la circonstance que la réponse ministérielle Marleix et l'instruction publiée au bulletin officiel des finances publiques ne reprennent pas l'expression " fin de contrat à durée déterminée ", ne remet pas en cause cette interprétation.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 février 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- les conclusions de Mme Haudier, rapporteur public ;
- et les observations de Me G..., représentant les requérants.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B..., à l'occasion du dépôt de leur déclaration d'ensemble de revenus de l'année 2016, ont déclaré la plus-value consécutive au rachat partiel d'un contrat d'assurance-vie effectué le 16 décembre 2016 par Mme B.... Par un courrier annexé à leur déclaration de revenus, les époux B... ont sollicité l'exonération de cette plus-value en revendiquant le bénéfice des dispositions du I de l'article 125-0 A du code général des impôts. Ayant constaté à réception de leur avis d'imposition que cette exonération n'avait pas été appliquée, les époux B... ont saisi l'administration d'une réclamation tendant à en bénéficier. A la suite du rejet de cette réclamation le 29 août 2017, les époux B... ont saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à la réduction de leur cotisation d'impôt sur le revenu de l'année 2016. Par un jugement du 18 juin 2019, dont M. et Mme B... relèvent appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.
Sur l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 125-0 A du code général des impôts : " I. - 1° Les produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation ainsi qu'aux placements de même nature souscrits auprès d'entreprises d'assurance établies en France sont, lors du dénouement du contrat, soumis à l'impôt sur le revenu. / Les produits en cause sont exonérés, quelle que soit la durée du contrat, lorsque celui-ci se dénoue par le versement d'une rente viagère ou que ce dénouement résulte du licenciement du bénéficiaire des produits ou de sa mise à la retraite anticipée ou de son invalidité ou de celle de son conjoint (...) ".
3. D'abord, il résulte clairement de ces dispositions que le législateur a entendu accorder le bénéfice de l'exonération qu'il a instituée non pas à tous les travailleurs involontairement privés d'emploi mais uniquement aux contribuables se trouvant dans certaines situations limitativement énumérées. Il est constant que Mme B... a conclu avec la société Aksis Est Consulting un contrat à durée déterminée en vue d'occuper un emploi de consultante pendant la période du 19 octobre 2015 au 18 mars 2016. Il s'ensuit que, le dénouement du contrat d'assurance-vie qu'elle avait souscrit avec l'établissement luxembourgeois IWI n'étant pas intervenu à la suite d'un licenciement mais étant consécutif au terme de son contrat de travail, elle ne peut prétendre à l'exonération prévue par les dispositions précitées de l'article 125-0 A du code général des impôts. L'administration pouvait, dès lors, légalement refuser le bénéfice de l'exonération pour ce seul motif.
4. Ensuite, il n'appartient pas au juge administratif, en dehors du cas prévu par les dispositions de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 prise pour l'application de l'article 61-1 de la Constitution et relatives à la question prioritaire de constitutionnalité, d'apprécier la constitutionnalité de dispositions législatives. Par suite, le moyen tiré par les requérants de ce que les dispositions législatives précitées de l'article 125-0 A du code général des impôts méconnaîtraient le principe d'égalité devant l'impôt garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, ne peut pas être utilement invoqué.
5. Enfin, aux termes de l'article 14 de la convention européenne sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. ". Aux termes de l'article 1er du protocole additionnel à cette même convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. ". Une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens de ces stipulations, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi.
6. Le législateur a pu, sans méconnaître ces stipulations, réserver le bénéfice de l'exonération qu'il instituait aux contribuables qui ont involontairement été privés de leur emploi par un évènement imprévisible et irrésistible tel qu'un licenciement et la refuser à ceux dont la perte d'emploi était prévisible puisqu'elle résultait de stipulations contractuelles auxquelles ils ont librement souscrit. Il s'ensuit que le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, ne peut pas être accueilli.
Sur le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
7. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dans sa version applicable au présent litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ".
8. D'abord, par un arrêté du 7 septembre 2012 du ministre de l'économie et des finances et de son ministre délégué chargé du budget a été créé le " Bulletin officiel des finances publiques " (BOFIP), qui comporte notamment une section relative aux impôts et qui peut être consulté sur le portail " www. impots. gouv.fr ". En vertu de l'arrêté du Premier ministre du 10 septembre 2012, la mise à disposition des circulaires et instructions sur le site internet " BOFIP-Impôts " (http://bofip.impots.gouv.fr) produit, à compter du 12 septembre 2012, les mêmes effets qu'une mise à disposition sur le site du Premier ministre. Par instruction 13 A-2-12 du 7 septembre 2012 publiée au bulletin officiel des impôts du même jour, le ministre de l'économie et des finances et son ministre délégué chargé du budget ont indiqué que la section " impôts " du bulletin officiel des finances publiques se substituait notamment au " Bulletin officiel des impôts ", à la documentation administrative de base et à la rubrique " rescrits " du portail "www.impots.gouv.fr " et qu'à compter du 12 septembre 2012, seuls les commentaires publiés au bulletin officiel des finances publiques-impôts seraient opposables à l'administration en application du deuxième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. La même instruction indique que, par voie de conséquence, à compter de cette même date, sont rapportés " tous autres commentaires publiés antérieurement sous forme de documentation administrative de base, d'instructions, de réponses ministérielles, de rescrits de portée générale et de réponses apportées dans le cadre du comité fiscal de la mission d'organisation administrative [...] ".
9. La réponse ministérielle à M. E..., député, du 5 octobre 2004, n'a pas été reprise au bulletin officiel des finances publiques (Bofip-impôts). Par suite, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de l'interprétation de la loi fiscale qu'elle contient.
10. Ensuite, si les dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales instituent une garantie contre les changements de doctrine de l'administration permettant aux contribuables de se prévaloir des énonciations contenues dans les notes ou instructions publiées, qui ajoutent à la loi ou la contredisent, c'est à la condition que les intéressés entrent dans les prévisions de la doctrine, appliquée littéralement, résultant de ces énonciations. La doctrine référencée BOI-RPPM-RCM-10-10-80-20140630, eu égard notamment à la rédaction de ses paragraphes n° 100 à 110, ne peut être regardée comme comportant une extension du bénéfice de l'exonération prévue par les dispositions du deuxième alinéa du I de l'article 125-0 A du code général des impôts, aux contribuables privés d'emploi par la survenance du terme d'un contrat à durée déterminée. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'une telle extension, qui était admise par la réponse ministérielle E..., a été implicitement maintenue par cette doctrine.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 18 juin 2019 le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande. Par suite leur requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... H...-B..., à M. D... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
N° 19NC02446 2