Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 janvier 2020, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le préfet a commis une erreur de droit dans l'application du 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile en s'étant cru en situation de compétence liée à la suite du rejet de la demande d'asile prononcé par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides ;
- sa première demande d'asile ayant été rejetée et la procédure n'étant pas terminée, elle conservait le droit de se maintenir sur le territoire jusqu'au terme de la procédure et ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement alors que l'existence d'un abus n'est pas établie par le préfet et ne saurait résulter de sa seule appartenance à un pays d'origine sûr ;
- en fixant la Géorgie comme pays de destination le préfet a violé les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 17 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement et du Conseil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. 1. Mme D..., de nationalité géorgienne, est entrée en France le 20 août 2016, accompagnée de ses deux filles, sous couvert d'un visa délivré par les autorités grecques et y a rejoint son époux présent sur le territoire depuis le 23 mars 2014. Elle a sollicité, le 30 août 2016, la délivrance d'un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale. Par arrêté du 3 avril 2018, le préfet du Doubs lui a refusé ce titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire. Par arrêt du 2 juillet 2020, la cour a rejeté l'appel formé par Mme D... contre le jugement du 25 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Le 28 novembre 2018, Mme D... a demandé l'asile. Par décision du 26 février 2019, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a rejeté cette demande. Par un arrêté du 28 mai 2019, le préfet du Doubs a retiré à Mme D... son attestation de demande d'asile et lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Par le jugement ci-dessus visé le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de Mme D... tendant à l'annulation et la suspension de ces décisions. Mme D... relève appel de ce jugement.
Sur l'obligation de quitter le territoire :
2. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ". Aux termes de l'article L. 743-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I (...) de l'article L. 723-2 (...) ". Aux termes de l'article L. 723-2 de ce code : " I. - L'office statue en procédure accélérée lorsque : / 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° (...) si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité".
3. Il ressort des pièces du dossier que par décision du 26 février 2019, la demande d'asile de Mme D... a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides statuant en procédure accélérée en application du 1° du I de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit, d'une part, que l'attestation de demande d'asile délivrée à l'intéressée sur le fondement des dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, valable jusqu'au 27 décembre 2018, est devenue caduque, et, d'autre part, que le préfet du Doubs pouvait user de sa faculté de la retirer.
4. En dépit de ce que la procédure accélérée a été utilisée, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Doubs se serait cru en situation de compétence liée pour prendre une mesure d'éloignement à la suite de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et se serait refusé d'examiner l'ensemble des éléments de la situation personnelle de Mme D.... Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit sera écarté.
5. Il résulte des dispositions ci-dessus rappelées que la perte par un demandeur d'asile du droit de se maintenir sur le territoire à la suite du rejet d'une demande d'asile prise sur le fondement du 1° du I de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'intervient que sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que les principes généraux du droit d'asile faisaient obstacle à une mesure d'éloignement.
6. Il est vrai que Mme D... se prévaut de l'arrêt C-181/16 du 19 juin 2018 par lequel la Cour de justice de l'Union européenne, saisie d'une question préjudicielle, a dit pour droit que la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lue conjointement avec la directive 2005/85/CE du Conseil, du 1er décembre 2005, relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres, et à la lumière du principe de non-refoulement et du droit à un recours effectif, consacrés à l'article 18, à l'article 19, paragraphe 2, et à l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être interprétée en ce sens qu'elle ne s'oppose pas à l'adoption d'une décision de retour au titre de l'article 6, paragraphe 1, de la directive 2008/115, à l'encontre d'un ressortissant d'un pays tiers ayant introduit une demande de protection internationale, dès le rejet de cette demande par l'autorité responsable ou cumulativement avec celui-ci dans un même acte administratif et, partant, avant l'issue du recours juridictionnel contre ce rejet, à condition, notamment, que l'État membre concerné garantisse que l'ensemble des effets juridiques de la décision de retour soient suspendus dans l'attente de l'issue de ce recours, que ce demandeur puisse, pendant cette période, bénéficier des droits qui découlent de la directive 2003/9/CE du Conseil, du 27 janvier 2003, relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les États membres, et qu'il puisse se prévaloir de tout changement de circonstances intervenu après l'adoption de la décision de retour, qui serait de nature à avoir une incidence significative sur l'appréciation de la situation de l'intéressé au regard de la directive 2008/115, notamment à l'article 5 de celle-ci, ce qu'il appartient à la juridiction nationale de vérifier.
7. Mais, les dispositions de l'article 31 de la directive 2013/32/UE prévoient qu'un État membre peut décider d'accélérer la procédure d'examen d'une demande d'asile dans les situations prévues au paragraphe 8 de ce même article, au nombre desquelles figure le cas où le demandeur d'asile a présenté une demande de réexamen qui n'est pas irrecevable. Dans ce cas, et sous réserve que le classement en procédure accélérée ne soit pas fondé sur le point h) du paragraphe 8 de l'article 31, le droit à un recours effectif prévu par l'article 46 précité de la directive 2013/32/UE n'implique pas que le demandeur ait le droit de se maintenir sur le territoire de l'État membre dans l'attente de l'issue du recours juridictionnel formé contre la décision rejetant sa demande de protection internationale mais implique seulement, lorsque cette décision a pour conséquence de mettre un terme à son droit au séjour dans l'État membre, qu'une juridiction décide s'il peut se maintenir sur le territoire de cet État. Il résulte des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le président du tribunal administratif, ou le magistrat désigné à cette fin, est compétent pour statuer sur une demande de suspension d'une mesure d'éloignement d'un étranger dont la demande de réexamen a été rejetée par l'OFPRA statuant en procédure accélérée sur le fondement des dispositions de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le demandeur de protection internationale bénéficie ainsi d'un droit à un recours effectif suspensif de la mesure d'éloignement devant ce magistrat jusqu'à ce qu'il statue sur sa demande. Par suite, eu égard à la garantie présentée par la saisine du juge administratif de conclusions à fins de suspension de la mesure d'éloignement ajoutée par les dispositions nouvelles de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile issues de la loi du 10 septembre 2018, le moyen tiré de l'inconventionnalité de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard du droit de l'Union européenne tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt C-181/16 du 19 juin 2018 doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
8. Si Mme D... soutient que la décision fixant la Géorgie comme pays vers lequel elle pourrait être éloignée d'office méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle n'apporte à l'appui de ce moyen aucune précision utile de nature à permettre au juge d'appel d'exercer son contrôle. Par suite, le moyen sera écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Doubs.
N° 20NC00184 2