Procédure devant la cour :
I.) Par une requête enregistrée le 22 novembre 2018 sous le n°18NC03479, M.B..., représenté par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 septembre 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 3 août 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêt, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- cette décision doit être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
II.) Par une requête enregistrée le 22 novembre 2018 sous le n°18NC03480, Mme B..., représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 septembre 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 3 août 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêt, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'erreur de droit dès lors qu'elle avait sollicité un entretien en vue de déposer une demande de titre de séjour pour raisons médicales ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- cette décision doit être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par des mémoires en défense enregistrés le 19 mars 2019, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet des requêtes.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. et Mme B...n'est fondé.
M. et Mme B...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 22 novembre 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bauer a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n°18NC03479 et 18NC03480, présentées par Mme B... née A...et M. B...présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.
2. M. et MmeB..., ressortissants kosovars nés respectivement le 22 avril 1948 et le 26 mars 1951, sont entrés en France irrégulièrement le 3 août 2017 pour solliciter l'octroi du statut de réfugiés. Leurs demandes d'asile, traitées selon la procédure prioritaire, ont été rejetées par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 18 octobre 2017, confirmées par décisions de la Cour nationale du droit d'asile du 12 mars 2018. Par arrêtés du 3 août 2018, le préfet du Haut-Rhin les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et les a astreints à se présenter une fois par semaine auprès de la brigade mobile de recherche de Mulhouse. Les requérants relèvent appel du jugement du 12 septembre 2018 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision obligeant Mme B...à quitter le territoire français :
3. En premier lieu, la décision litigieuse a été prise en application du 6° de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant à l'autorité administrative d'obliger un étranger à quitter le territoire français lorsque, comme en l'espèce, la reconnaissance de la qualité de réfugié lui a été définitivement refusée. La requérante soutient qu'elle avait sollicité un entretien en préfecture en vue du dépôt d'une demande de titre de séjour pour raisons médicales. Cependant, il ressort des pièces du dossier que si l'association La Cimade a effectivement sollicité l'administration le 27 mars 2018 pour obtenir un rendez-vous pour MmeB..., aucune suite n'a été apportée à cette démarche et aucun dossier de demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a été déposé avant l'édiction de la décision attaquée portant obligation de quitter le territoire français. Cette décision ne pouvait donc être regardée comme portant rejet, même implicite, d'une telle demande de titre de séjour et aucun défaut d'examen n'est caractérisé. Il s'ensuit que le moyen tiré, pour ce motif, de l'erreur de droit, doit être écarté.
4. En second lieu, aux termes de l'article L.511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...)10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; ". Ainsi qu'il vient d'être indiqué, il est constant qu'à la date d'édiction de la mesure d'éloignement en cause, aucune demande de titre de séjour pour raisons médicales n'avait été déposée, et il ne ressort nullement des pièces du dossier que le préfet disposait à cette date d'éléments sur la nature et la gravité des troubles de MmeB..., de nature à l'inciter à recueillir l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration préalablement à l'intervention de sa décision. Il s'ensuit que la requérante ne saurait se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 511-4 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision obligeant M. B...à quitter le territoire français :
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Si M. B...se prévaut de l'état de santé de son épouse qui souffre de problèmes cardiovasculaires, il est constant que le séjour en France des intéressés et récent. Ils n'établissent pas ne pas pouvoir reconstituer leur cellule familiale au Kosovo où ils ont vécu la majeure partie de leur vie et où résident deux de leurs enfants, ni que Mme B...ne pourrait, le cas échéant, y recevoir des soins appropriés à son état de santé. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne les décisions fixant le pays de renvoi :
7. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes en annulation.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés attaqués, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
11. L'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat de M. et Mme B...une somme en application de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes susvisées présentées respectivement par M. et Mme B...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...née A...et M. D... B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 18NC03479, 18NC03480