Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 3 juin et 15 décembre 2015, MmeC..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, MeB..., d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- il a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions contestées sur sa situation personnelle ;
- la décision du préfet de lui octroyer un délai de départ volontaire de trente jours n'est pas motivée ;
- le préfet s'est cru tenu de lui octroyer ce délai ;
- la décision fixant le pays de destination n'est pas motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle et s'est cru lié par la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides portant rejet de sa demande d'asile ;
- elle ne peut pas retourner en Algérie dès lors que son concubin ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé et qu'elle encourt des risques de violences familiales dès lors qu'elle a refusé le mariage forcé envisagé par son père.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2015, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Mlle C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 25 juin 2015.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Etienvre.
1. Considérant que MmeC..., ressortissante algérienne, entrée en France, le
22 septembre 2012, relève appel du jugement du 20 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du
7 juillet 2014 du préfet du Bas-Rhin portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
3. Considérant que Mme C...se prévaut de sa présence en France depuis le
22 septembre 2012, ainsi que celle de son concubin, M.D..., ressortissant algérien admis à séjourner en qualité d'étranger malade, et de leurs deux enfants, nés en 2013 et 2015, de leurs efforts pour s'intégrer à la société française, du respect par eux de l'ordre public ainsi que des efforts fournis par M. D...pour se former professionnellement afin d'obtenir un emploi ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté,
M. D...n'avait pas obtenu le renouvellement de son certificat de résidence valable jusqu'au 26 février 2014 ; que si, par un arrêt de ce jour, la cour de céans a annulé la décision par laquelle le préfet a refusé, le 7 juillet 2014, de renouveler ce titre de séjour, le motif d'annulation retenu n'implique cependant pas qu'il soit enjoint au préfet de délivrer à
M. D...un tel titre mais seulement que le préfet procède à un nouvel examen de la situation de l'étranger ; qu'eu égard, dès lors, à l'ensemble des circonstances de l'espèce et, en particulier, au caractère récent de l'entrée en France de MmeC..., le préfet du Bas-Rhin n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de celle-ci au respect de sa vie privée et familiale ;
4. Considérant qu'il ne ressort pas davantage de ces pièces que le préfet ait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions contestées sur la situation personnelle de MmeC... ; que celle-ci n'établit pas, en particulier, que son concubin, M.D..., ne pourrait pas bénéficier en Algérie d'un traitement effectivement approprié à son état de santé au motif que les troubles psychiatriques dont il souffre auraient pour origine des événements traumatiques subis dans ce pays ;
En ce qui concerne le délai de départ volontaire :
5. Considérant qu'aux termes du II de l'article 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours " ; que ces dispositions n'impliquent pas que l'autorité administrative, lorsqu'elle prend une décision de retour prévoyant un délai de départ volontaire de trente jours, comme c'est le cas en l'espèce, démontre l'absence de circonstances particulières qui auraient pu, le cas échéant, justifier une prolongation de ce délai ; que lorsqu'elle accorde le délai de trente jours, l'autorité administrative n'a par suite pas à motiver spécifiquement cette décision, à moins que l'étranger ait expressément demandé le bénéfice d'une telle prolongation ou justifie avoir informé l'autorité administrative d'éléments suffisamment précis sur sa situation personnelle susceptibles de rendre nécessaire, au sens des dispositions précitées, une prolongation ce qui n'est pas le cas de Mme C...; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la décision du préfet octroyant un délai de départ volontaire de trente jours serait insuffisamment motivée doit être écarté ;
6. Considérant qu'il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que le préfet du Bas-Rhin se serait cru à tort lié par un délai de départ volontaire de trente jours alors qu'il n'est pas allégué que Mme C...aurait fait état devant l'administration, lors du dépôt de sa demande de titre de séjour ou, à tout le moins, avant l'édiction de la décision en litige, de circonstances particulières, propres à justifier une prolongation de ce délai ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
7. Considérant, en premier lieu, qu'en indiquant que sa demande d'asile avait été rejetée et qu'elle n'apportait aucun élément nouveau permettant d'établir que Mme C...serait exposée à des peines ou des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, le préfet a satisfait aux exigences de motivation de la loi du 11 juillet 1979 ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'ait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de MmeC... ; qu'il ne ressort pas non plus de ces pièces que le préfet se soit cru lié, alors même qu'il a fait référence au rejet de la demande d'asile présentée par la requérante, par l'appréciation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sur la réalité des risques de persécution allégués ;
9. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; qu'aux termes de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;
10. Considérant que Mme C...soutient qu'elle ne peut pas être éloignée à destination de l'Algérie dès lors que, d'une part, son concubin, M.D..., ne peut y bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé et que, d'autre part, elle risque d'y subir des violences de la part de sa famille dont elle aurait " sali " l'honneur en refusant le mariage arrangé par son père avec un homme âgé ;
11. Considérant, toutefois, que comme il a été dit au point 4, il n'est pas établi que le concubin de Mme C...ne puisse pas bénéficier en Algérie d'un traitement effectivement approprié à son état de santé au motif que les troubles psychiatriques dont celui-ci souffre auraient pour origine des événements traumatiques survenus dans ce pays ; que, par ailleurs, MmeC..., qui n'a lors de son interpellation du 22 octobre 2012, aucunement indiqué aux services de police qu'elle avait quitté l'Algérie pour échapper à un mariage forcé, ne justifie ni de la réalité d'un tel projet ni de la réalité des risques de violences familiales allégués ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que Mme C...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 15NC01220