Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 juin 2015, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 juin 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 813 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 75 et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de séjour est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- le préfet s'est cru tenu, compte tenu de la décision de rejet de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), de rejeter sa demande de titre de séjour ;
- le refus de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée en conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;
- l'obligation de quitter le territoire a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu, en violation du principe général du droit de l'Union européenne, du principe du respect des droits de la défense et du principe de la bonne administration ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée pour assortir la décision de refus de titre d'une mesure d'éloignement en méconnaissance de l'article 6 de la directive du 16 décembre 2008 ;
- l'obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2016, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 28 avril 2015.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le traité sur l'Union européenne ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Etienvre, président-assesseur.
1. Considérant que M.B..., de nationalité albanaise, est entré irrégulièrement en France le 24 août 2012, accompagné de son épouse et de leur fils, afin d'y solliciter l'octroi du statut de réfugié ; que l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) a refusé sa demande d'asile par une décision du 16 août 2013, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 17 avril 2014 ; que, par un arrêté du 4 juin 2014, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire et a fixé le pays de destination ; que M. B...relève appel du jugement du 31 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées des motifs des décisions défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : /- restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;
3. Considérant que l'obligation de motivation posée par ces dispositions n'impose pas à l'administration de faire état de tous les éléments de fait que le demandeur a pu lui soumettre pour soutenir qu'il devait obtenir un titre de séjour ; que l'arrêté attaqué, qui mentionne les éléments de fait propres à la situation de M. B...et notamment les conditions de son entrée et de son séjour en France ainsi que les considérations de droit sur lesquels il se fonde, est suffisamment motivé au regard des exigences des dispositions précitées ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui a examiné s'il y avait lieu de faire usage de son pouvoir discrétionnaire pour régulariser la situation de l'intéressé et vérifié si celui-ci ne se trouvait pas dans un autre cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit, se serait cru à tort en situation de compétence liée à la suite de la décision de la Cour nationale du droit d'asile pour refuser d'admettre M. B...au séjour ; qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l' exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu' elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;
6. Considérant que si M. B...soutient qu'il n'a pas d'attaches familiales en Albanie, qu'il était assidu à ses cours de français, qu'il n'est pas polygame et qu'il fait des efforts d'intégration, il n'apporte toutefois aucun élément probant de nature à établir qu'en prenant la décision attaquée, le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) " ;
8. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que lorsqu'un refus de séjour est assorti d'une obligation de quitter le territoire français, la motivation de cette dernière se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement ; qu'en l'espèce, le préfet a laissé à M.B..., un délai de départ volontaire de trente jours et n'a pas pris à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire ; que, dès lors, l'autorité administrative n'avait pas à motiver spécifiquement sa décision ; que, par suite, la seule circonstance que le préfet a visé l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans préciser qu'il faisait application du 3° de cet article, n'est pas de nature à entacher d'insuffisance de motivation la décision contestée ;
9. Considérant, en deuxième lieu, que si, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union ; qu'ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant ;
10. Considérant, toutefois, qu'il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union ; qu'il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré ; que ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts ; qu'il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause ;
11. Considérant que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;
12. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu' à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ;
13. Considérant, dès lors, que la seule circonstance que le préfet qui refuse la délivrance ou le renouvellement du titre de séjour sollicité par l'étranger en assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire français n'a pas, préalablement à l'édiction de la mesure d'éloignement, de sa propre initiative, expressément informé l'étranger qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, il serait susceptible d'être contraint de quitter le territoire français en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité, n'est pas de nature à permettre de regarder l'étranger comme ayant été privé de son droit à être entendu, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; qu'il y a lieu, en conséquence, en l'espèce, eu égard notamment aux éléments d'information dont a pu bénéficier le requérant lors de l'instruction de sa demande d'asile et d'admission au séjour, d'écarter ce moyen ;
14. Considérant, en deuxième lieu, que M. B...n'est pas fondé, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, à soutenir que la décision contestée doit être annulée en conséquence de l'illégalité du refus de séjour qui lui a été opposé ;
15. Considérant, en troisième lieu, que si M. B...soutient qu'il découle de
l'article 6 de la directive du 16 décembre 2008 et des objectifs qu'elle poursuit que l'autorité compétente de l'Etat membre dispose d'un large pouvoir d'appréciation lorsqu'elle prend une décision de retour d'un ressortissant étranger, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle se soit estimé lié par la décision portant refus de titre de séjour ou n'aurait pas examiné les conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé avant de prendre l'obligation de quitter le territoire français litigieuse à l'encontre de M. B...; que le moyen tiré de l'erreur de droit que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait commise pour ce motif doit, dès lors, être écarté ;
16. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision contestée sur la situation personnelle du requérant ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
18. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
19. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à que l'État qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N°15NC01250