Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 avril 2018, le préfet du Doubs demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M.C....
Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les traitements nécessaires pour soigner le fils de M. C...n'étaient pas disponibles au Kosovo et que, par conséquent, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales avaient été méconnues.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2018, M.C..., représenté par Me Bertin, conclut au rejet de la requête et demande à la cour :
1°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer un récépissé l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt ;
2°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au préfet du Doubs de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt dans l'attente du réexamen de son droit au séjour, sous une astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable, faute pour le préfet du Doubs de justifier que M. B...bénéficiait d'une délégation pour signer la requête d'appel ;
- le médecin de l'agence régionale de santé a rendu un avis favorable à sa demande de titre de séjour ; les documents produits par le préfet du Doubs l'ont déjà été en première instance et ont été établis par une personne qui ne connait pas le dossier médical de son fils ; le registre de l'agence du médicament n'est pas traduit en français ; les fiches Medcoi sont dénuées de valeur probante ; les soins requis pour traiter son fils sont inaccessibles au Kosovo ;
- l'arrêté du 17 octobre 2017 est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux dispositions de l'article L. 311-12 et à celles du 11° de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- la mère de son fils n'a pas été entendue ;
- la décision fixant le pays de destination est contraire aux dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy du 19 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D...Dhers a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant kosovar né le 12 février 1975, a déclarée être entré en France le 20 octobre 2014 avec sa concubine et leurs deux enfants, Redon, né le 14 avril 2009, et Riola, née le 11 juillet 2012. Il a sollicité le bénéfice de l'asile. Par des décisions des 22 juin 2016 et 10 janvier 2017, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont rejeté ces demandes. A la suite de ces décisions, le préfet du Doubs a, par un arrêté du 17 octobre 2017, refusé de délivrer un titre de séjour à M.C..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. Par un jugement du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Besançon a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet du Doubs de délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " à M. C...dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Le préfet du Doubs interjette appel de ce jugement.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le fils de M. C...est atteint d'un syndrome de West, caractérisé par une épilepsie grave lésionnelle accompagnée d'une hémiparésie droite et d'un retard des acquisitions psychomotrices, avec un taux d'incapacité d'au moins 80 %. Il doit être traité par les médicaments valium, lévétiracétam, topiramate, risperdal, epitomax, keppra et dilantin. La concubine de M. C...a demandé au préfet du Doubs de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par un avis rendu le 15 décembre 2015, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé du fils du requérant et de sa concubine nécessitait une prise en charge médicale de longue durée dont le défaut pouvait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il ne pouvait pas disposer d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Malgré cet avis, le préfet du Doubs a rejeté la demande de titre de séjour présentée par la concubine de M. C...par un arrêté du 17 octobre 2017 qui a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Besançon du 29 mars 2018.
4. Par un arrêt du 6 décembre 2018, la cour a confirmé ce jugement au motif que le préfet du Doubs n'établissait pas que le fils du requérant pouvait bénéficier d'un traitement médical approprié à sa pathologie dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et quand bien même le requérant ne serait présent en France que depuis 2014, il y a lieu de confirmer le jugement attaqué.
5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M.C..., que le préfet du Doubs n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé son arrêté du 17 octobre 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance d'une carte de séjour temporaire à M.C.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Doubs de délivrer à M. C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter du présent arrêt, sous réserve de changement des circonstances de fait ou de droit.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. M. C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bertin, avocate de M.C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Bertin de la somme de 1 000 euros.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet du Doubs est rejetée.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M. C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter du présent arrêt, sous réserve de changement des circonstances de fait ou de droit.
Article 3 : L'Etat versera à Me Bertin, avocate de M.C..., une somme de 1 000 euros au titre des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... C....
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 18NC01338