Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 mai 2018, le préfet du Bas-Rhin demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg du 4 avril 2018 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. et Mme D...devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Il soutient que :
- il n'a pas méconnu les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors que figurent dans les copies d'entretien individuel les initiales " LT " correspondant à Mme " B...G... ", agent préfectoral habilité en vertu d'une délégation de M. E...du 11 janvier 2018.
- si le premier juge a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Sultan d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces frais d'instance aient été effectivement exposés par les requérants.
La requête a été communiquée à M. et MmeD..., qui n'ont pas présenté de mémoire en défense.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la requête compte tenu de l'expiration du délai de 6 mois courant à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, interrompu jusqu'à la date à laquelle le tribunal administratif a statué au principal, rendant la France responsable de la demande de protection internationale de M. et Mme D...(A..., 24 septembre 2018, n° 420708).
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet du Bas-Rhin relève appel du jugement du 4 avril 2018 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a annulé ses décisions du 7 mars 2018 ordonnant le transfert de M. et Mme D...vers l'Allemagne et mis à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme D...d'une somme globale de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur le non lieu :
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 de ce code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit enfin que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
5. Il ressort des pièces du dossier que les décisions du 7 mars 2018 par lesquelles le préfet du Bas-Rhin a ordonné le transfert de M. et Mme D...vers l'Allemagne sont intervenues moins de six mois après la décision par laquelle l'Allemagne a donné son accord pour leur reprise en charge, dans le délai d'exécution du transfert fixé par l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Ce délai a toutefois été interrompu par l'introduction, par M. et MmeD..., des recours qu'ils ont présentés contre ces décisions sur le fondement de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Un nouveau délai de six mois a commencé à courir à compter du jugement du tribunal administratif Strasbourg du 4 avril 2018 qui a annulé les décisions de transfert en litige. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune des pièces des dossiers que ce délai aurait été prolongé, en application des dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Ainsi, à la date du 4 octobre 2018, la France est devenue responsable de l'examen de la demande de protection internationale de M. et MmeD.... Il s'ensuit qu'à cette date, les décisions de transfert sont devenues caduques et ne pouvaient plus être légalement exécutées. Cette caducité étant intervenue postérieurement à l'introduction de l'appel, les conclusions de la requête du préfet du Bas-Rhin tendant à l'annulation du jugement du 4 avril 2018 sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer.
Sur les frais liés à la première instance :
6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
7. Contrairement à ce que soutient le préfet du Bas-Rhin, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative non pas en faveur de Me Sultan, avocat de M. et MmeD..., mais directement au bénéfice de ces derniers. Par suite, ses conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il s'est prononcé sur les demandes présentées sur le fondement de ces dispositions doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête du préfet du Bas-Rhin tendant à l'annulation du jugement du 4 avril 2018 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg annulant les décisions du 7 mars 2018.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à Mme H...D...née F...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 18NC01361