Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, respectivement enregistrés les 6 septembre 2017 et 20 décembre 2017, M. et MmeA..., représentés par MeC..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1502321 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 18 juillet 2017 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des intérêts de retard, mis à leur charge au titre de l'année 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le bien situé à Argentolles (Haute-Marne) qu'ils ont vendu le 9 juillet 2012 a constitué leur résidence principale pendant près de seize année, du 24 février 1994 au mois de janvier 2010 quand ils ont déménagé ; si l'on tient compte de la date du compromis, signé le 21 mai 2012, ce bien a été vendu vingt-huit mois après leur déménagement ; la mise en vente de ce bien a été faite dès le 25 septembre 2007 au prix de 490 000 euros dans le cadre d'un mandat de vente conclu avec une agence immobilière ; ils ont ensuite confié des mandats de vente à deux autres agences immobilières et à un office notarial, ils ont mis en vente leur bien sur un site internet et ils ont consenti d'importantes réductions de prix ; l'immeuble présentait des caractéristiques particulières, compte tenu notamment de la superficie de l'habitation et du terrain ;
- l'imposition contestée est contraire aux articles 1er et 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 et à l'article 2 du code civil ;
- dans une instruction administrative 8 M-1-09 publiée au bulletin officiel des impôts n° 71 du 31 mars 2010, l'administration a admis, pour tenir compte de la situation du marché immobilier, que pour les cessions intervenues en 2009 ou en 2010, un délai de vente de deux ans constituait, dans tous les cas, un délai normal, sous réserve bien entendu que le logement n'ait pas, pendant cette période, été donné en location ou occupé gratuitement par des membres de la famille du propriétaire ou des tiers constituait toujours leur résidence principale à cette date ;
- la preuve de la réalisation de travaux n'est pas subordonnée à l'obligation de produire les factures des entreprises ; les travaux déductibles peuvent être prouvés par tout moyen ; ils produisent des témoignages de l'ancien directeur de la société anonyme (SA) Coopérative de Production d'HLM Le Coin du Feu, des copies de talons de chèques et des factures émises par l'entreprise Lo Russo et des relevés bancaires sur lesquelles apparaissent les chèques encaissés par la SA Coopérative de Production d'HLM Le Coin du Feu.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 ;
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dhers,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... ont vendu, le 9 juillet 2012, un immeuble à usage d'habitation situé à Argentolles (Haute-Marne) pour un montant de 287 240 euros. A cette date, ils résidaient à Menton (Alpes-Maritimes). À la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause, dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire, le bénéfice de l'exonération de plus-value dont ils ont bénéficié au titre de cette vente, au motif que ce logement ne constituait pas leur habitation principale. Des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ont été mises en recouvrement le 16 mars 2015 au titre de l'année 2012, pour un total de 36 966 euros. M. et Mme A...ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne la décharge de ces rappels. Par un jugement rendu le 18 juillet 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande. M. et Mme A...relèvent appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé des impositions contestées :
S'agissant du bénéfice de l'exonération prévue par le II de l'article 150 U du code général des impôts :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 150 U du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux rappels en litige : " I.-Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices agricoles et aux bénéfices non commerciaux, les plus-values réalisées par les personnes physiques (...), lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH (...) II.-Les dispositions du I ne s'appliquent pas aux immeubles, aux parties d'immeubles ou aux droits relatifs à ces biens : 1° Qui constituent la résidence principale du cédant au jour de la cession (...) ".
3. Pour l'application de ces dispositions, un immeuble ne perd pas sa qualité de résidence principale du cédant au jour de la cession du seul fait que celui-ci a libéré les lieux avant ce jour, à condition que le délai pendant lequel l'immeuble est demeuré inoccupé puisse être regardé comme normal. Il en va ainsi lorsque le cédant a accompli les diligences nécessaires, compte tenu des motifs de la cession, des caractéristiques de l'immeuble et du contexte économique et réglementaire local, pour mener à bien cette vente dans les meilleurs délais à compter de la date prévisible du transfert de sa résidence habituelle dans un autre lieu.
4. M. et Mme A... ont mis en vente leur logement situé à Argentolles le 25 septembre 2007 en confiant un mandat à une agence immobilière pour un prix de 490 000 euros. Les requérants ont quitté les lieux au cours du mois de janvier 2010. Ils soutiennent qu'un notaire leur avait indiqué qu'ils pouvaient proposer un prix de vente de 500 000 euros, qu'ils ont donné des mandats de vente à deux autres agences immobilières et à un office notarial, qu'ils ont publié une annonce de vente sur internet, qu'ils ont diminué leur mise à prix qui a été ramenée à 425 000 euros le 16 mars 2009, à 374 000 euros le 8 février 2011 puis à 361 850 euros et, enfin, que la vente a été conclue au prix de 287 240 euros le 21 mai 2012, soit vingt-huit mois seulement après leur départ. L'administration fait valoir qu'il ressort de l'examen des ventes effectuées entre les mois de janvier 2010 et de juillet 2012, à des prix situés entre 480 000 et 500 000 euros, que ces biens ont été vendus à des prix variant de 897 euros et 1 561 euros par mètre carré de surface utile, tandis que le prix de vente fixé initialement par les vendeurs s'élevait à 2 722 euros par mètre carré de surface utile. Les termes de comparaisons utilisés par l'administration, qui portent sur des habitations dont la surface utile varie de 264 m² à 513 m², ne sont pas utilement combattus par M. et MmeA..., qui se bornent à soutenir que leur bien revêt un caractère particulier compte tenu notamment de sa surface de 270 m². Il résulte en outre de l'instruction que les requérants ont refusé l'offre de vente au prix de 230 000 euros, soit 1 561 euros par mètre carré de surface utile, que leur avait faite une agence immobilière. M. et Mme A...ont vendu leur bien au prix de 1 613 euros par mètre carré de surface utile, soit un prix proche de l'estimation contestée par eux. Dans ces conditions, les requérants ne justifient pas avoir accompli les diligences nécessaires à la mise en vente de leur maison d'habitation et c'est à bon droit que l'administration leur a refusé le bénéfice de l'exonération prévue par le II de l'article 150 U du code général des impôts.
5. En deuxième lieu, M. et Mme A...font valoir que les rappels d'imposition sont contraires aux dispositions des articles 1er et 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. Ces moyens doivent être écartés dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif, en dehors des cas et conditions prévus par le chapitre II bis du titre II de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, relatif à la question prioritaire de constitutionnalité, d'apprécier la constitutionnalité de dispositions législatives.
6. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que les rappels en litige seraient contraires à l'article 2 du code civil, de valeur législative et selon lequel " La loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif ", doit être écarté, dès lors que ces rappels résultent de l'application des dispositions de l'article 150 U du code général des impôts, au demeurant de valeur également législative, en vigueur à la date de la cession de leur bien.
7. En quatrième lieu, si M. et Mme A...ont entendu se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction administrative 8 M-1-09 publiée au bulletin officiel des impôts n° 71 du 31 mars 2010 qui énonce que " pour tenir compte de la situation actuelle du marché immobilier, il est admis, pour les cessions intervenues en 2009 ou en 2010, qu'un délai de vente de deux ans constitue, dans tous les cas, un délai normal, sous réserve bien entendu que le logement n'ait pas, pendant cette période, été donné en location ou occupé gratuitement par des membres de la famille du propriétaire ou des tiers ", un tel moyen ne peut qu'être écarté, dès lors que leur bien n'a pas été cédé en 2009 ou en 2010.
S'agissant du montant de la plus-value imposable :
8. Aux termes de l'article 150 V du code général des impôts : " La plus ou moins-value brute réalisée lors de la cession de biens ou droits mentionnés aux articles 150 U à 150 UC est égale à la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition par le cédant ". Aux termes de l'article 150 VB du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la cession : " II.-Le prix d'acquisition est, sur justificatifs, majoré : (...) 4° Des dépenses de construction, de reconstruction, d'agrandissement ou d'amélioration, supportées par le vendeur et réalisées par une entreprise depuis l'achèvement de l'immeuble ou son acquisition si elle est postérieure, lorsqu'elles n'ont pas été déjà prises en compte pour la détermination de l'impôt sur le revenu et qu'elles ne présentent pas le caractère de dépenses locatives. Lorsque le contribuable, qui cède un immeuble bâti plus de cinq ans après son acquisition, n'est pas en état d'apporter la justification de ces dépenses, une majoration égale à 15 % du prix d'acquisition est pratiquée (...) ". Aux termes de l'article 74 SI de l'annexe II à ce code : " Les pièces justifiant des frais ou charges mentionnés (...) au II de l'article 150 VB du code général des impôts sont fournies par le contribuable sur demande de l'administration (...) ".
9. A la suite des observations formulées par M. et Mme A...le 6 janvier 2015, l'administration a, dans sa réponse aux observations du contribuable du 13 janvier 2015, admis la déduction du prix d'acquisition de travaux payés par les requérants pour un montant total de 110 568 euros, ramenant ainsi la plus-value réalisée lors de la vente de leur bien à 96 708 euros. M. et Mme A...ont demandé la prise en compte de dépenses qui leur ont été facturées par la société anonyme (SA) Coopérative de Production d'HLM Le Coin du Feu et par son sous-traitant, l'entreprise Lo Russo, pour un total de 125 008,65 euros, dont 26 596 euros au titre de sous-traitant. L'administration leur a opposé la circonstance que ces dépenses n'étaient pas justifiées par la production de factures. M. et Mme A...produisent un témoignage de l'ancien directeur de la SA Coopérative de Production d'HLM Le Coin du Feu, qui atteste que des travaux ont été effectués par cette société en 1994 pour un total se situant entre 800 000 et 900 000 francs, des copies de talons de chèques et, pour la première fois en appel, des relevés bancaires desquels il ressort que les requérants ont payé par cinq chèques, dont les montants varient de 100 000 francs à 260 000 francs et qui ont été débités entre les mois d'août 1994 et de janvier 1995, la somme totale de 818 003 francs, soit 124 703,75 euros.
10. Ces documents ne permettent cependant pas à eux seuls d'établir que ces chèques correspondent à des dépenses de construction, de reconstruction, d'agrandissement ou d'amélioration, supportées par le vendeur au sens du 4° de l'article 150 V du code général des impôts. Si M. et Mme A...produisent également des " factures " adressées par l'entreprise Lo Russo à la SA Coopérative de Production d'HLM Le Coin du Feu et sollicitent à ce titre une déduction de 26 596 euros, ces factures ne comportent aucune mention sur la nature des travaux en cause. Au demeurant, il ne ressort pas davantage des documents qui y sont annexés, composés pour l'essentiel d'avenants, d'une notice descriptive et d'" états estimatifs des prix par entreprise " que le montant de ces dépenses puisse être fixé, comme le prétend la requête, à un total de 26 596 euros Dans ces conditions, M. et Mme A...ne peuvent être regardés comme apportant la preuve qu'ils ont effectivement supporté des travaux pour un montant total de 124 703,75 euros devant venir en déduction du prix d'acquisition du bien immobilier qu'ils ont cédé le 9 juillet 2012.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande de décharge des rappels d'impôt litigieux. Il s'ensuit que leurs conclusions à fin de décharge ou de réduction des impositions et majorations litigieuses ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 17NC02194