Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 1er décembre 2017 et 14 août 2018, M. B...et MmeD..., représentés par MeE..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011 ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'administration ne démontre pas que M. B...a appréhendé des revenus de la SARL Mobiles France ; la seule circonstance qu'il a dû utiliser, sur une durée très limitée, son compte personnel pour le compte de la société est insuffisante ;
- la reconstitution du chiffre d'affaires soumis à la taxe sur la valeur ajoutée est erronée ;
- la majoration de 25% de l'assiette des revenus de capitaux mobiliers ne peut être appliquée à l'imposition aux prélèvements sociaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B...et Mme D...ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 janvier 2018.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 19 juin 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lambing,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Mobiles France, dont M. B...était le gérant et l'associé majoritaire et qui avait pour activité la vente de matériel téléphonique et informatique à l'étranger, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité. Par proposition de rectification du 21 novembre 2013, dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire, l'administration a notifié à M. B...et à Mme D...les redressements relatifs aux revenus distribués découlant du contrôle de la SARL Mobiles France au titre des années 2010 et 2011. M. B...et Mme D...relèvent appel du jugement du 3 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 5 juin 2018, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration fiscale a prononcé en faveur de M. B...et Mme D...un dégrèvement des contributions sociales au titre des années 2010 et 2011 pour un montant de 7 714 euros en droits et en pénalités. Les conclusions de la requête de M. B...et Mme D... tendant à la décharge de ces droits et pénalités sont dès lors, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur le surplus des conclusions de la requête :
En ce qui concerne l'appréhension des revenus distribués :
3. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ". Le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.
4. Dans le cadre de la vérification de comptabilité de la SARL Mobiles France, l'administration a écarté la comptabilité de la société comme irrégulière et non probante. L'administration a considéré que les sommes encaissées sur un compte courant personnel de M. B... devaient être qualifiées de revenus distribués au sens du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts. Elle a regardé ces sommes comme ayant été appréhendées par M. B...en sa qualité de maître de l'affaire.
5. D'une part, il résulte de l'instruction que M. B...était le gérant de la SARL Mobiles France au cours des années 2010 et 2011 et détenait 760 parts sur un total de 800. Il n'est pas contesté qu'il représentait seul la société. Il disposait par ailleurs de la signature de la société. Ces éléments démontrent que M. B...était en mesure de disposer sans contrôle des biens de la société comme de biens qui lui sont propres. Disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de l'entreprise, il doit être regardé comme le seul maître de l'affaire et doit par suite être présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.
6. D'autre part, l'administration a réintégré dans le revenu imposable de M. B...et Mme D...la somme de 63 199 euros au titre de l'année 2010 et de 96 213 euros au titre de l'année 2011, ces montants correspondant aux chiffres d'affaires de la SARL Mobiles France des années en litige reconstitués à partir de la taxe sur la valeur ajoutée collectée et de la taxe déductible. M. B...et Mme D...soutiennent que les mouvements opérés sur le compte bancaire personnel de ce dernier ont fait l'objet d'inscriptions dans la comptabilité de la société et que l'utilisation mixte de ce compte a été limitée à quelques mois.
7. Il résulte de l'instruction que la SARL Mobiles France n'a plus disposé de compte bancaire pour son activité professionnelle auprès de la Banque populaire à compter du 15 février 2011. Elle a pu ouvrir un compte bancaire auprès de La Poste à compter du 30 janvier 2012. Il ressort cependant des pièces produites en appel par les requérants que la SARL Mobiles France a disposé d'un compte bancaire domicilié....au Crédit mutuel, désigné comme étant un compte bancaire de base professionnelle, au moins à compter de juin 2011 Ce compte bancaire apparaît également dans la comptabilité de la société, au grand livre général au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2011. Dès lors, la société a disposé au moins d'un compte bancaire professionnel au cours des années 2010 et 2011. Il s'ensuit que M. B... et Mme D... ne sont pas fondés à se prévaloir de ce que la SARL Mobiles France aurait été privée de compte bancaire, justifiant selon eux l'usage mixte du compte personnel de M. B....au Crédit mutuel, désigné comme étant un compte bancaire de base professionnelle, au moins à compter de juin 2011 En outre, l'inscription comptable des sommes en litige au compte courant d'associé détenu par M. B...au sein de la SARL Mobiles France ne suffit pas à démontrer que l'intéressé a pris en charge des dépenses liées à l'activité de la société. Le grand livre général au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2011 détaille les soldes mensuels du compte " BPL Compte au nom de M.B... ". Ces soldes correspondent aux soldes apparaissant sur les relevés bancaires du compte personnel de M. B... détenu auprès de la Banque populaire de Lorraine. La comptabilité de la SARL Mobiles France, qui comme il a été dit plus haut, a été rejetée comme irrégulière et non probante, n'a donc pas distingué les opérations réalisées au profit de l'activité de la société de celles réalisées à titre personnel par M. B... et Mme D..., créant ainsi une confusion des patrimoines de la société et de son gérant. Dès lors, les requérants n'apportent pas d'éléments de nature à renverser la présomption d'appréhension des sommes en litige et à établir qu'ils n'en n'ont pas eu la disposition. Compte tenu de la nature des rectifications, les sommes en cause doivent en conséquence être regardées comme ayant généré des revenus réputés distribués en application des dispositions précitées des articles 109-1-1° du code général des impôts.
En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires de la société au titre de l'exercice clos en 2010 :
8. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ". Il résulte de l'instruction que M. B...et Mme D...n'ont pas présenté d'observations sur les rectifications ayant donné lieu aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les revenus en réponse à la proposition de rectification du 21 novembre 2013. Dès lors, les requérants supportent la charge d'établir le caractère exagéré des impositions en litige.
9. M. B... et Mme D...contestent le montant du chiffre d'affaires de la SARL Mobiles France reconstitué au titre de l'exercice clos en 2010 en produisant des factures qui auraient été comptabilisées dans la comptabilité de la SARL Mobiles France. Il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification notifiée à la SARL Mobiles France du 21 novembre 2013 que l'administration a reconstitué les recettes de la société à partir des éléments obtenus dans le cadre de l'exercice d'un droit de communication auprès de son fournisseur belge, la société Zone impact. L'administration a constaté que l'ensemble des achats destinés à être revendus par la SARL Mobiles France n'ont pas été comptabilisés en charges dans la comptabilité de la société. Il n'est pas justifié par les requérants que les factures qu'ils produisent, correspondant à la fois aux opérations de revente effectuées par la SARL Mobiles France et d'achat de matériel réalisés auprès de son fournisseur, la société Zone impact, ont été comptabilisées dans la comptabilité de la société. En outre, les factures relatives aux opérations de revente comportent une numérotation sans séquence chronologique continue, ne permettant pas de justifier que l'ensemble des factures relatives aux opérations de vente a été produit en appel par les requérants. Dans ces conditions, M. B... et Mme D..., qui supportent la charge de la preuve, ne démontrent pas le caractère exagéré des impositions mises à leur charge au titre de l'année 2010.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la décharge des droits et pénalités dont l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement le 5 juin 2018 en matière de contributions sociales.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...et Mme D...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et Mme C...D...et au ministre de l'action et des comptes publics.
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N° 17NC02901