Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 juillet 2018, MmeB..., représentée par Me Burkatzki, demande à la cour :
1°) de prononcer son admission provisoire à l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler ce jugement du 28 juin 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;
3°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 21 février 2018 ;
4°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, et dans cette attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours à compter de cette même notification, le tout sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement n'est pas signé, ce qui méconnait l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le principe du contradictoire a été méconnu dès lors que le mémoire en défense du préfet, produit après la clôture de l'instruction, ne lui a été communiqué que dans le délai de trois jours francs avant l'audience, de sorte qu'il n'a pu le discuter ;
- le jugement est insuffisamment motivé dès lors qu'il n'a pas répondu à tous les moyens soulevés concernant le caractère irrégulier de la procédure d'émission de l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence ;
- il méconnaît les dispositions des articles L. 313-11 11°, R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne comporte pas le nom du médecin auteur du rapport médical, que le préfet n'établit pas que cet avis a été préalablement remis au collège, ni la qualité pour siéger des membres de ce collège et enfin ni que le médecin instructeur n'y a pas siégé ;
- il est entaché d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation au regard de son insertion en France, de la scolarisation de ses enfants et de son état de santé.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 23 août 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bauer.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., ressortissante géorgienne née le 19 avril 1985, est entrée en France irrégulièrement, selon ses déclarations, le 8 septembre 2016 avec ses deux enfants mineurs, pour solliciter l'octroi du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 février 2017, confirmée par décision du 24 juin 2017 de la Cour nationale du droit d'asile. Mme B... a sollicité le 19 décembre 2017 un titre de séjour au regard de son état de santé. Par arrêté du 21 février 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la présente requête, Mme B...demande l'annulation du jugement du 28 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ". L'article 62 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique dispose que : " (...) L'admission provisoire peut être prononcée d'office si l'intéressé a formé une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été définitivement statué ".
3. Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 23 août 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nancy. Il n'y a dès lors plus lieu de statuer sur les conclusions susvisées.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention 'vie privée et familiale' est délivrée de plein droit :(...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...) ". Aux termes de l'article 5 de cet arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport (...) ". Aux termes de l'article 6 de cet arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure (...) ".
5. Le préfet du Bas-Rhin qui pouvait, dans le respect du secret médical, obtenir auprès des services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration l'indication du nom du médecin, auteur du rapport médical sur l'état de santé de MmeB..., n'a apporté au cours de l'instruction de l'affaire aucun élément permettant d'identifier ce médecin et, par suite, d'établir que celui-ci n'a pas siégé au sein du collège des médecins qui a, le 30 janvier 2018, émis l'avis au vu duquel a été pris le refus de titre de séjour opposé à la requérante. Dans ces conditions, cette décision doit être regardée comme intervenue en méconnaissance des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce vice de procédure, soulevé pour la première fois en appel, ayant privé la requérante d'une garantie, Mme B...est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce refus. Il s'ensuit que la décision portant refus de titre de séjour doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué ni les autres moyens soulevés, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en annulation.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Il y a seulement lieu, au regard du motif d'annulation retenu par le présent arrêt, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de réexaminer la situation de Mme B...dans un délai de deux mois à compter de sa notification.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée
9. Il y a lieu, en application des dispositions précitées, de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 1 500 euros à verser à Me Burkatzki, avocat de MmeB..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le jugement n° 1802031 du tribunal administratif de Strasbourg du 28 juin 2018 est annulé.
Article 3 : L'arrêté du 21 février 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé à Mme B...la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, est annulé.
Article 4 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, sous réserve de changement de circonstances de fait et de droit.
Article 5 : L'Etat versera à Me Burkatzki, avocat de MmeB..., une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 18NC01976