Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 septembre 2018, M.B..., représenté par Me Sabatakakis, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au préfet du Bas-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur le refus de séjour :
- il n'est pas établi que le médecin ayant rédigé le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration ;
- le préfet du Bas-Rhin a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- l'illégalité du refus de titre de séjour prive de base légale l'obligation de quitter le territoire français ;
- le préfet du Bas-Rhin a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la fixation du pays de renvoi :
- l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour prive de base légale la décision fixant le pays de destination.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy du 23 août 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Dhers a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant kosovar né le 26 octobre 1987, a déclaré être entré en France le 5 octobre 2015. Il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 août 2016 et par la Cour nationale du droit d'asile le 5 avril 2017. Le 3 janvier 2018, le requérant a demandé au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour pour raisons de santé. Par un arrêté du 2 mars 2018, le préfet du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un tel titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. Le requérant relève appel du jugement du 6 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22 (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure (...) ".
3. M. B...soutient qu'il n'est pas établi que le médecin ayant rédigé le rapport médical prévu par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas siégé au sein du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration qui a rendu un avis le 30 janvier 2018 sur sa demande de titre de séjour. Si le préfet du Bas-Rhin a produit cet avis en première instance, il n'apporte aucun élément permettant d'identifier le médecin qui est l'auteur du rapport médical et, par suite, d'établir que celui-ci n'a pas siégé au sein du collège des médecins qui a émis l'avis du 30 janvier 2018. Dans ces conditions, la décision contestée doit être regardée comme intervenue en méconnaissance des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce vice de procédure ayant privé l'intéressé d'une garantie, M. B...est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce refus.
4. Les décisions du 2 mars 2018 obligeant M. B...à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de la décision refusant de lui accorder un titre de séjour.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 2 mars 2018 lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique que la demande de M.B... soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
8. M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Sabatakakis, avocate de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Sabatakakis de la somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1803012 du 6 juillet 2018 du tribunal administratif de Strasbourg et l'arrêté du 2 mars 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. B...et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de procéder à un réexamen de la situation de M. B...dans un délai deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Sabatakakis, avocate de M.B..., une somme de 1 500 euros au titre des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 18NC02564