Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 octobre 2018, MmeD..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
4°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au préfet de la Moselle de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur le jugement attaqué :
- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
Sur le refus de séjour :
- le préfet de la Moselle a méconnu les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le préfet de la Moselle s'est estimé être en situation de compétence liée en exigeant la production d'un visa de long séjour et d'un contrat de travail visé par l'administration du travail ;
- la décision contestée est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision contestée est contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- l'illégalité du refus de séjour prive de base légale l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision contestée est contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
Sur la décision lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours :
- le préfet de la Moselle s'est estimé à tort en situation de compétence liée ;
- le préfet de la Moselle devait lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, compte tenu de la scolarité en cours de ses enfants.
Par ordonnance du 10 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 24 janvier 2019 à 12 heures.
Un mémoire en défense, présenté par le préfet de la Moselle, a été enregistré le 24 janvier 2019 à 14 heures et 22 minutes, postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy du 27 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dhers,
- et les observations de MeB..., représentant MmeD....
Considérant ce qui suit :
1. MmeD..., ressortissante algérienne née le 22 mars 1978, est entrée en France le 19 août 2015 sous couvert d'un visa de court séjour avec ses deux enfants mineurs. Par un courrier du 7 décembre 2015, elle a demandé au préfet de la Moselle de lui délivrer un certificat de résidence. Par un arrêté du 12 janvier 2016, le préfet de la Moselle a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. Par un arrêt du 6 juillet 2017, la cour de céans a annulé cet arrêté au motif que le préfet de la Moselle n'avait pas examiné sa demande au regard des stipulations des articles 5 et 7-c de l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, qui avaient été implicitement invoquées par la requérante lors de sa demande de titre de séjour. Par un arrêté du 23 février 2018, le préfet de la Moselle a à nouveau refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. La requérante relève appel du jugement du 12 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur (...) ".
3. Dans sa requête de première instance, Mme D...a fait valoir que le préfet de la Moselle avait méconnu les dispositions précitées en édictant la décision portant refus de séjour. Il ressort des motifs du jugement que le tribunal n'a pas visé ce moyen et n'y a pas davantage répondu, alors que le moyen n'était pas inopérant. Dès lors, Mme D...est fondée à soutenir que le jugement est, pour ce motif, entaché d'irrégularité.
4. Il résulte de ce qui précède que le jugement est irrégulier et doit par suite être annulé. Il y a lieu en conséquence d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 5 de l'accord précité : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7et 7 bis. ". Aux termes de l'article 7 de cet accord : " Les dispositions du présent article et celles de l'article 7 bis fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau, ainsi qu'à ceux qui s'établissent en France après la signature du premier avenant à l'accord (...) c) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité (...) ". Aux termes de l'article 9 du même accord : " (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7 (...), les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. Ce visa de long séjour accompagné de pièces et documents justificatifs permet d'obtenir un certificat de résidence dont la durée de validité est fixée par les articles et titres mentionnés à l'alinéa précédent (...) ". Aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier du mémoire en défense de première instance du préfet de la Moselle, qu'à la suite de l'annulation de son arrêté du 12 janvier 2016 pour défaut d'examen de la demande de titre de séjour, présentée par Mme D... le 7 décembre 2015, au regard des stipulations de l'article 5 et de celles du c de l'article 7 de l'accord du 27 décembre 1968, le préfet a, par un courrier du 7 juillet 2017, demandé à la requérante de produire " tout document qu'elle jugerait utile au réexamen de sa demande : demande d'autorisation de travail pour un salarié étranger, fiches de salaires, diplômes, qualifications et expériences professionnelles, document de la chambre de commerce ". Pour refuser à nouveau de délivrer un certificat de résidence à Mme D...le 23 février 2018 sur le fondement des stipulations précitées, le préfet de la Moselle, qui était toujours saisi de la demande de titre de séjour formulée par la requérante le 7 décembre 2015, lui a notamment opposé la circonstance qu'elle " n'avait fourni aucun justificatif démontrant le passage du contrôle médical d'usage ". La production d'un tel document découle des stipulations de l'article 5 de l'accord du 27 décembre 1968 et il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier du courrier du 7 juillet 2017 précité, que le préfet de la Moselle ait invité la requérante à le produire préalablement à l'édiction de la décision contestée. Toutefois, dans la décision contestée, le préfet de la Moselle s'est aussi fondé sur la circonstance que MmeD..., qui souhaitait ouvrir un salon de coiffure ou travailler en qualité de coiffeuse salariée, ne démontrait pas qu'elle disposait d'une formation adéquate et qu'elle était inscrite au registre du commerce, au registre des métiers ou à un ordre professionnel et sa lettre du 7 juillet 2017 l'invitait à produire des justifications en ce sens. Il est constant qu'elle n'a pas donné suite à cette demande et il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Moselle aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que le second motif de sa décision. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la Moselle a méconnu l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.
7. En deuxième lieu, il ressort des mentions de l'arrêté contesté que, contrairement à ce que Mme D...soutient, le préfet de la Moselle a procédé au réexamen de sa demande de titre de séjour.
8. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle se serait cru tenu de rejeter la demande de titre de séjour de Mme D...au motif qu'elle n'était pas détentrice d'un visa de long séjour ou d'un contrat de travail visé par l'administration du travail.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Mme D...fait valoir qu'elle réside en France depuis le 19 août 2015 avec ses deux enfants, nés les 11 septembre 2008 et 26 juin 2013, que ses parents, de nationalité française, et ses frères et soeurs y vivent également. La requérante n'est cependant pas dépourvue d'attaches familiales en Algérie où vit son mari, dont elle n'allègue pas être séparée et qui est le père de ses deux enfants. Elle ne fait état d'aucune circonstance qui s'opposerait à ce que ces derniers poursuivent leur scolarité dans leur pays d'origine quand bien même ils n'y ont jamais été scolarisés. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté. Pour ces mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet de la Moselle aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme D...doit être écarté.
11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
12. Il ne ressort pas des pièces du dossier que des circonstances particulières s'opposeraient à ce que Mme D...retourne en Algérie avec ses deux enfants, âgés de neuf et de quatre ans à la date de l'arrêté contesté. Par suite, Mme D...n'est pas fondée à soutenir que ledit arrêté a méconnu les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier1990.
Sur la décision obligeant Mme D...à quitter le territoire français :
13. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant refus de titre de séjour ayant été écartés, le moyen tiré par la voie de l'exception de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté par voie de conséquence.
14. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 10 et 12. Pour ces mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet de la Moselle aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme D...doit être écarté.
Sur la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire :
15. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle se serait cru tenu de limiter à trente jours le délai de départ volontaire qu'il a accordé à Mme D....
16. En second lieu, la circonstance que la scolarité des enfants de MmeD..., âgés de neuf et de quatre ans, n'était pas terminée à la date de la décision litigieuse, ne suffit pas à faire estimer que le préfet de la Moselle a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante en ne lui accordant pas un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.
17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ne peuvent qu'être rejetées.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
18. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme D...sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de celles de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1802505 du tribunal administratif de Strasbourg du 12 juin 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Strasbourg et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D...née A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 18NC02739