Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 octobre 2018, M. B... A..., représenté par Me Perez, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 novembre 2017 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
2°) d'annuler cet arrêté du 2 novembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou à défaut de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour le temps de l'instruction, et ce dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur le refus de séjour :
- il n'est pas démontré que le médecin instructeur ayant établi le rapport médical n'a pas siège au sein du collège de médecins de l'OFII ;
- le seul avis du collège de médecins de l'OFII ne permettant pas d'apprécier l'absence de risque en cas de défaut de prise en charge médicale, il y a lieu d'ordonner un supplément d'instruction ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- l'illégalité de la décision lui refusant le séjour entraîne l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
- la décision méconnait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français entraîne l'annulation de la décision fixant le pays de destination ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 septembre 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lambing a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né en 1984 de nationalité mauritanienne, serait entré irrégulièrement en France le 15 mai 2014 selon ses déclarations. Il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 7 novembre 2014 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 6 mai 2015. Le 26 août 2015, M. A... a déposé une demande de titre de séjour pour raisons de santé. Il obtenu une autorisation provisoire de séjour du 7 février au 9 mai 2017, dont il a demandé le renouvellement le 31 mars 2017. Par arrêté du 2 novembre 2017, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 7 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 2 novembre 2017.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention 'vie privée et familiale' est délivrée de plein droit :(...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...) ". Aux termes de l'article 5 de cet arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport (...) ". Aux termes de l'article 6 de cet arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure (...) ".
3. M. A... soutient pour la première fois en appel qu'il n'est pas démontré que le médecin instructeur ayant établi le rapport médical n'a pas siège au sein du collège de médecins de l'OFII qui a rendu l'avis le concernant. Le préfet du Bas-Rhin qui pouvait, dans le respect du secret médical, obtenir auprès des services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration l'indication du nom du médecin, auteur du rapport médical sur l'état de santé de M. A..., n'apporte aucun élément permettant d'identifier ce médecin et, par suite, d'établir que celui-ci n'a pas siégé au sein du collège des médecins qui a émis l'avis au vu duquel a été pris le refus de séjour opposé à M. A.... Dans ces conditions, cette décision doit être regardée comme intervenue en méconnaissance des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce vice de procédure a privé l'intéressé d'une garantie, La décision lui refusant le séjour doit être annulée, ainsi que par voie de conséquence celles l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête et sur la demande de supplément d'instruction, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 février 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif qui la fonde, l'annulation prononcée n'implique pas que le préfet du Bas-Rhin délivre un titre de séjour à M. A... mais seulement qu'il procède au réexamen de sa demande, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions présentées au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Perez, avocat de M. A..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 7 février 2018 est annulé.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de réexaminer la demande de titre de séjour de M. A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Perez, avocat de M.A..., la somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 18NC02806