Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 avril 2017, MmeC..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) de surseoir à statuer et de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne, à titre préjudiciel, les questions suivantes :
" Si, en vertu de l'article 7 § 2 du Règlement n° 604/2014, la détermination de l'Etat membre responsable se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un Etat membre, la responsabilité de cet Etat prend-elle fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière, comme prévu par l'article 13 § 1 du même règlement '
En cas de réponse positive, le demandeur d'asile peut-il, après expiration du délai de douze mois, introduire une nouvelle demande d'asile dans le deuxième pays et notamment sur la base des éléments objectifs faisant état de circonstances humanitaires '
En cas de réponse négative à cette deuxième question, le deuxième pays doit-il alors renvoyer directement le demandeur d'asile vers son pays d'origine, ou vers tout autre pays où il est légalement admissible, comme prévu par la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, dite " directive retour " '
Si tel est le cas, est-il conforme à la réglementation européenne le renvoi systématique par l'Etat français des demandeurs d'asile vers le pays de " transit ", à savoir le pays qui a relevé en premier les empreintes digitales du demandeur d'asile, alors que cet Etat n'est plus responsable de leur demandes d'asile en vertu de l'article 13 ' " ;
2°) d'annuler ce jugement du 15 décembre 2016 du tribunal administratif de Strasbourg ;
3°) d'annuler l'arrêté susvisé du préfet du Haut-Rhin du 7 octobre 2016 ;
4°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui permettre de déposer une demande d'asile en France et de lui délivrer, dans un délai de quinze jours, une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile jusqu'à notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;
5°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir et lui délivrer, pendant l'instruction de sa demande, une autorisation provisoire de séjour ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a omis de statuer sur les moyens soulevés oralement tirés de la méconnaissance des articles 9 et 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la décision attaquée méconnaît les dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, et de l'article R. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle n'a pas bénéficié de la remise des informations prévues et d'un entretien individuel dans une langue compréhensible par elle ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; sa demande d'asile devait être examinée par la France, dès lors que le père de son enfant y séjourne régulièrement en qualité de réfugié politique ;
- elle méconnaît l'article 13 du règlement précité, dans la mesure où la Belgique n'est plus l'Etat responsable de sa demande d'asile en application de ces dispositions ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 9 de ce règlement, compte tenu de la présence en France de son conjoint.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2017, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme C...n'est fondé ;
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 13 mars 2017.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Didiot.
1. Considérant que MmeC..., ressortissante érythréenne, est entrée en France irrégulièrement le 1er août 2016, selon ses déclarations, pour solliciter l'octroi du statut de réfugiée ; que la comparaison du relevé décadactylaire de ses empreintes avec le fichier Eurodac a fait apparaître qu'elle avait déjà déposé une demande d'asile en Belgique ; que le préfet du Haut-Rhin a alors saisi les autorités belges le 19 septembre 2016 d'une demande de reprise en charge de l'intéressée dans le cadre du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; que les autorités belges ont accepté la reprise en charge de la requérante le 26 septembre 2016 ; que, par une décision du 7 octobre 2016, le préfet du Haut-Rhin a en conséquence décidé sa remise aux autorités belges ; que la requérante relève appel du jugement du 15 décembre 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de cette décision ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, que la requérante n'établit pas avoir à l'audience soulevé de nouveaux moyens tirés de la méconnaissance des articles 9 et 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; qu'elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que le jugement attaqué, dont les mentions, et notamment ses silences, font foi sauf preuve contraire, serait irrégulier faute d'y avoir répondu ;
3. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des termes du jugement attaqué qu'il comporte l'ensemble des éléments relatifs à la vie privée et familiale de la requérante ; que le moyen selon lequel le magistrat désigné n'aurait pas tenu compte de ses déclarations relatives à sa situation personnelle manque ainsi en fait ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Considérant, en premier lieu, que la requérante reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et de l'article R. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus, à bon droit, par le tribunal administratif de Strasbourg dans son jugement du 15 décembre 2016 ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit " ;
6. Considérant qu'il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet a apprécié l'opportunité de faire bénéficier Mme C...de la clause dérogatoire prévue par les dispositions précitées de l'article 17 du règlement UE n°604/13 ; que si l'intéressée se prévaut de la présence en France du père de sa fille, résident régulier en qualité de réfugié, il résulte de ses propres déclarations qu'elle n'a jamais résidé avec lui et qu'il n'a pas reconnu leur enfant ; qu'il s'ensuit que la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article 17 précité du règlement UE n° 604/13 ;
7. Considérant, en troisième lieu, que Mme C...ne saurait utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article 13 du règlement précité UE n° 604/13, la décision attaquée ayant été prise sur le fondement de l'article 18 du même texte ; que le moyen en cause doit ainsi être écarté, sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 9 du règlement précité : " Si un membre de la famille du demandeur, que la famille ait été ou non préalablement formée dans le pays d'origine, a été admis à résider en tant que bénéficiaire d'une protection internationale dans un Etat membre, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit " ;
9. Considérant que Mme C...ne justifie pas en tout état de cause avoir exprimé par écrit un tel souhait ; qu'elle n'est donc pas fondée à revendiquer le bénéfice de ces dispositions ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en annulation ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
12. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
13. Considérant que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat de Mme C...une somme en application de ces dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 17NC00891