Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 juin 2017, MmeC..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 mai 2017 du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 16 mars 2017 ;
3°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ;
4°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à tout le moins, une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée, en méconnaissance des dispositions de l'article 12 de la directive n°2008/115 du 16 décembre 2008 ;
- l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas conforme au regard des dispositions des articles 7 et 8 de la directive n°2008/115 du 16 décembre 2008 et le préfet n'a pas expliqué les raisons justifiant qu'il ne soit pas dérogé au délai de trente jours ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ; elle vit en France depuis 4 ans avec son enfant ; son compagnon réside régulièrement en France sous couvert d'un titre de séjour et bénéficie d'un contrat à durée indéterminée ;
- elle n'a pas pu présenter ses observations, en méconnaissance du principe général du droit de l'union d'Européenne, des articles 41-2 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet s'est cru lié dans l'examen de sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle risque d'être soumise à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2017, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme C...n'est fondé.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 26 juin 2017.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Didiot.
1. Considérant que MmeC..., ressortissante russe née le 27 juillet 1995, est entrée en France en octobre 2013 pour solliciter l'octroi du statut de réfugiée ; que sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 18 juin 2015, confirmée par décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 29 novembre 2016 ; que, par arrêté du 16 mars 2017, le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que la requérante relève appel du jugement du 11 mai 2017 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de ces décisions ;
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle et de sursis à statuer :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président " ; qu'aux termes de l'article 62 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " (...) L'admission provisoire peut être prononcée d'office si l'intéressé a formé une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été définitivement statué " ;
3. Considérant que Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 26 juin 2017 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nancy ; qu'il n'y a dès lors plus lieu de statuer sur les conclusions susvisées ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Considérant, en premier lieu, que la requérante reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte, de la non-conformité des dispositions de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avec les dispositions de l'article 7 de la directive 2008/115/CE et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision fixant à trente jours la durée du délai de départ volontaire ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus, à bon droit, par le tribunal administratif de Nancy dans son jugement du 16 mars 2017 ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions du paragraphe 1 de l'article 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 prévoient que : " Les décisions de retour et, le cas échéant, les décisions d'interdiction d'entrée ainsi que les décisions d'éloignement sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles (...) " ; que l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, qui transpose cette directive en droit français, dispose que : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) " ;
6. Considérant, d'une part, que la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus du titre de séjour ; que les dispositions précitées du 7ème alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient que la mesure portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne sont pas incompatibles avec les dispositions de la directive du 16 décembre 2008, et notamment avec les objectifs découlant du paragraphe introductif 6) et de son article 12 ;
7. Considérant, d'autre part, que l'arrêté attaqué ne comporte pas de décision de refus de titre de séjour mais prononce directement l'obligation de quitter le territoire français ; que toutefois, celle-ci comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que le moyen tiré du défaut de motivation de la mesure d'éloignement manque ainsi en fait et doit être écarté ;
8. Considérant, en troisième lieu, que si aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union ; qu'ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant ;
9. Considérant, toutefois, qu'il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union ; qu'il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré ; que ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts ; qu'il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause ;
10. Considérant que lorsqu'il sollicite le statut de réfugié, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré le statut de réfugié et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le rejet de la demande d'asile, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du rejet de sa demande d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu préalablement à toute décision qui affecte sensiblement et défavorablement les intérêts de son destinataire, qui constitue l'une des composantes du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne doit être écarté ;
11. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivée en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable " ; qu'il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ; que dès lors, l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français ;
12. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L.313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : la carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit à " l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;
13. Considérant que le séjour en France de l'intéressée est récent et qu'elle n'y justifie d'aucune attache familiale, nonobstant la naissance en France de son fils, alors qu'elle ne démontre pas avoir rompu tout lien avec son pays d'origine ; que l'intensité et l'ancienneté de sa relation avec son compagnon en situation régulière sur le territoire national, lequel n'est pas le père de son enfant, ne sont pas davantage démontrées ; que la requérante n'est dès lors pas fondée à se prévaloir de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
14. Considérant, en sixième lieu, que, pour les raisons mentionnées au point précédent, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation du préfet quant à la gravité des conséquences pour sa situation personnelle emportées par l'arrêté attaqué doit également être écarté ;
15. Considérant, en septième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que si Mme C...se prévaut de persécutions subies en Russie de la part du fils de son employeur également responsable de la police locale, il est constant que sa demande au titre de l'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, au motif que les faits relatés n'étaient pas établis ; que la requérante ne produit, dans le cadre de la présente instance, aucun élément probant de nature à infirmer cette appréciation et à corroborer la réalité de menaces personnelles et actuelles en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'ainsi le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés doit être écarté ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande en annulation ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
17. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
18. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
19. Considérant que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat de Mme C...une somme en application de ces dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions relatives à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle et au sursis à statuer présentées par MmeC....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par Mme C...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 17NC01336