Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 février 2018, M. B... C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 septembre 2017 par lequel la préfète de la Haute-Saône a refusé son admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sous trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
2°) d'annuler cet arrêté du 5 septembre 2017 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Haute-Saône de réexaminer sa situation et de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de trente euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans les plus brefs délais une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 700 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la légalité de la décision lui refusant le séjour :
- lui et son épouse ne pourront pas bénéficier d'un traitement approprié à leur état de santé en cas de retour en Albanie ;
- sa durée de séjour, l'intensité des liens tissés en France et son intégration justifient la délivrance d'un titre de séjour.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
- le préfet a entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- il a commis une erreur manifeste d'appréciation eu égard aux conséquences de l'exécution de la décision sur sa vie personnelle.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- le préfet a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de l'interdiction de retour :
- le préfet aurait dû user de son pouvoir discrétionnaire et ne pas prononcer une telle mesure.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2018, la préfète de la Haute-Saône conclut au rejet de la requête.
Elle soutient les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 janvier 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lambing a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. C..., né en 1978 et de nationalité albanaise, serait entré irrégulièrement en France le 2 mars 2016 selon ses déclarations, accompagné de son épouse et de ses deux filles mineures ; qu'il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 juillet 2016 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 23 janvier 2017 ; que sa demande de réexamen auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a été jugée irrecevable le 26 juin 2017 ; que son recours à l'encontre de cette décision a été rejeté par la Cour nationale du droit d'asile le 16 janvier 2018 ; que par arrêté du 5 septembre 2017, la préfète de la Haute-Saône a refusé son admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sous trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ; que M. C... relève appel du jugement du 28 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 5 septembre 2017 ;
Sur la légalité de la décision lui refusant l'admission au séjour :
2. Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...) " ;
3. Considérant que M. C...soutient que son état de santé et celui de son épouse nécessitent un traitement psychiatrique dont ils ne pourraient pas bénéficier en Albanie ; que, toutefois, les pièces produites n'établissent pas que leur état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour eux des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni qu'ils ne pourraient pas bénéficier d'un traitement approprié à leur état de santé dans leur pays d'origine ; que par suite, et en tout état de cause, le moyen susmentionné ne peut qu'être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...est entré en France à l'âge de 38 ans et y séjournait depuis un an et demi à la date de la décision contestée ; que M. C... ne produit aucun document à l'appui de ses allégations justifiant qu'il serait présent en France depuis mars 2012 ; que des documents, qui sont en contradiction avec ses dires, ont été produits en première instance par l'intéressé, notamment une attestation du président du parti politique auquel appartient l'intéressé en Albanie justifiant la participation active de ce dernier à la campagne électorale de juin 2015 ; qu'en outre, M. C...avait déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement le 12 novembre 2011 qui avait fait l'objet d'une exécution forcée le 16 novembre 2011 ; que les circonstances que sa fille née en 2007 est scolarisée et que son autre fille née en 2004 est scolarisée en classe de 4ème dans le cadre d'un dispositif d'accueil des élèves allophones depuis la rentrée de septembre 2016 et est une excellente élève, ne suffisent pas à elle seule à établir la réalité et l'intensité des liens familiaux et personnels en France de M. C... ; qu'il n'est pas établi par ailleurs que ses filles ne pourraient poursuivre leur scolarité en Albanie ; que la seule production d'une promesse d'embauche, au demeurant postérieure à la décision attaquée, ne démontre pas l'intégration sociale de M.C... ; que l'épouse de M. C... a également fait l'objet d'une mesure d'éloignement ; que par conséquent, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, la décision portant refus d'admission au séjour, qui est suffisamment motivée, n'a pas porté au droit de M. C...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. Considérant en premier lieu qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que la préfète a procédé à un examen particulier de la situation personnelle et familiale de M. C... ; que le requérant ne justifie pas avoir porté à sa connaissance les éléments relatifs notamment à son implication dans le milieu associatif ; que le moyen doit être par suite écarté ;
7. Considérant en deuxième lieu qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " ;
8. Considérant en troisième lieu que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, M. C... n'apporte aucun élément justifiant que son état de santé et celui de son épouse nécessiteraient une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour eux des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni qu'ils ne pourraient pas bénéficier d'un traitement approprié à leur état de santé dans son pays d'origine ; que le moyen tiré des conséquences de l'exécution de la décision sur la situation personnelle de M. C...doit donc être écarté ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
9. Considérant en premier lieu qu'en précisant qu'elle a été prise après le rejet définitif de sa demande d'asile et de la demande de réexamen présentée par M. C...et en précisant que l'intéressé n'établissait pas qu'il était exposé à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Albanie, la décision fixant le pays de destination doit être regardée comme suffisamment motivée en fait et en droit, et comme répondant aux exigences énoncées aux articles L. 211-1 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
10. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
11. Considérant que M. C...soutient que la préfète ne démontre pas l'inexistence de risque pour sa famille en cas de retour en Albanie ; qu'en produisant des documents relatifs à des délits de droit commun, M. C...n'apporte aucun élément permettant d'établir le caractère réel, personnel et actuel des risques allégués en cas de retour en Albanie ; que le requérant est d'ailleurs retourné en Albanie en 2011 après l'exécution forcée d'une mesure d'éloignement sans qu'il ait été menacé ou qu'il ait été porté atteinte à sa vie ; que, d'ailleurs, sa demande d'asile et sa demande de réexamen ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
12. Considérant en dernier lieu que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, la décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de la décision d'interdiction de retour :
13. Considérant qu'aux termes des dispositions du III " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) " ;
14. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire français ; qu'il est présent en France depuis un an et demi à la date de la décision attaquée ; qu'ainsi qu'il a également été exposé au point 5, l'intéressé n'établit pas l'intensité des liens qu'il aurait noués en France ; qu'il a déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement exécutée le 16 novembre 2011 ; que dans ces conditions, la décision lui interdisant le retour en France pendant deux ans, ne méconnaît pas les dispositions du III de l'article L. 511-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et n'est pas entachée d'erreur d'appréciation de la situation personnelle du requérant ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète de la Haute-Saône.
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N° 18NC00517