Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 mars 2018, et un mémoire complémentaire enregistré le 8 août 2018, M.C..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 février 2018 du tribunal administratif de Besançon ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 26 septembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal administratif de Besançon a commis une erreur de droit et une erreur de fait dès lors que le requérant n'a pas présenté de demande de titre de séjour en qualité de salarié ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'erreur de droit dès lors qu'il était fondé à solliciter l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée de vice de procédure au regard de cet article dès lors que le préfet n'a pas saisi la commission du titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'erreur d'appréciation ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2018, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête ;
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. C...n'est fondé ;
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dhers,
- et les observations de MeB..., représentant M.C....
1. Considérant que M.C..., ressortissant marocain né le 1er janvier 1972, est entré en France irrégulièrement, selon ses déclarations, en 2002 ; qu'il a fait l'objet de deux mesures d'éloignement émanant du préfet de la Haute-Corse les 18 octobre 2007 et 24 janvier 2012, auxquelles il n'a pas déféré ; que le 9 février 2017, il a sollicité auprès du préfet du Doubs son admission exceptionnelle au séjour ; que par arrêté du 26 septembre 2017, le préfet lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans ; que M. C...relève appel du jugement du 6 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de ces décisions ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles " ; que l'article 9 du même texte prévoit que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord " ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ;
3. Considérant que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, traitant ainsi de ce point au sens de l'article 9 de cet accord, il fait obstacle à l'application des dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers lors de l'examen d'une demande d'admission au séjour présentée par un ressortissant marocain au titre d'une telle activité ; que cet examen ne peut être conduit qu'au regard des stipulations de l'accord, sans préjudice de la mise en oeuvre par le préfet du pouvoir discrétionnaire dont il dispose pour apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité de délivrer à titre de régularisation un titre de séjour à un étranger ne remplissant pas les conditions auxquelles cette délivrance est normalement subordonnée, pouvoir dont les stipulations de l'accord ne lui interdisent pas de faire usage à l'égard d'un ressortissant marocain ;
4. Considérant, d'une part, qu'il ne ressort pas des termes de la demande de régularisation présentée par M. C...par courrier du 26 janvier 2016 qu'il ait sollicité de manière spécifique la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié ; qu'il a au contraire demandé son admission au séjour à titre exceptionnel en se fondant sur une pluralité de motifs dont l'ancienneté de son séjour en France, la présence de membres de sa famille sur le territoire national, ainsi qu'une promesse d'embauche ; qu'il est dès lors fondé à se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'il permet également la délivrance d'un titre de séjour au regard de la vie privée et familiale ;
5. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas contesté, que M. C...réside habituellement en France à tout le moins depuis 2004, période à partir de laquelle il a notamment occupé de nombreux emplois en Haute-Corse, avant de venir s'établir dans le Doubs à partir de 2015, soit depuis plus de dix ans à la date d'édiction de la décision attaquée ; qu'il est constant que le préfet n'a pas soumis la demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par le requérant à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande, ce qui l'a privé d'une garantie ; que la décision portant refus de séjour est dès lors entachée d'un vice de procédure et doit par suite être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué ou les autres moyens soulevés, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande en annulation ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant qu'eu égard aux motifs de l'annulation des décisions litigieuses, il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet du Doubs de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions précitées, de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 1 000 euros à verser à M.C... ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1702114 du tribunal administratif de Besançon du 6 février 2018 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 26 septembre 2017 par lequel le préfet du Doubs a refusé à M. C... la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Doubs de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. C...une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 18NC00573