Par jugements n° 1205837 du 5 novembre 2015 et n° 302929 du 10 mai 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
I) - Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2015, sous le n° 15NC02436, la SELARL Pharmacie du Centre, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 novembre 2015 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010 ainsi que des pénalités dont ces droits ont été assortis ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu à tous les moyens soulevés par sa requête initiale ;
- le service lui a demandé la production de fichiers non comptables, en violation des dispositions combinées des articles L. 13 et R. 13-1 du livre des procédures fiscales et 54 du code général des impôts ;
- l'administration a également méconnu les dispositions de l'article L. 47-A 2 du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle ne pouvait opérer des traitements informatiques sur des documents de pure gestion ;
- le contrôle inopiné exercé par l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 47 alinéa 4 du livre des procédures fiscales, dès lors que ce dernier, eu égard notamment à sa durée, ne s'est pas borné à de simples constatations matérielles mais a comporté l'examen critique de documents ;
- dès lors que le fichier de suppression de règlements " a-futil " ne concernait que la période du 5 août 2009 au 10 décembre 2010, les rehaussements effectués en dehors de cette période apparaissent exagérés et sans aucun fondement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2015, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SELARL Pharmacie du Centre ne sont pas fondés.
II) - Par une requête, enregistrée le 21 juin 2016, sous le n° 16NC01248, la SELARL Pharmacie du Centre, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 10 mai 2016 ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont elle est redevable au titre de la période du 2 janvier 2007 au 31 janvier 2011 ainsi que des pénalités dont ces rappels ont été assortis ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu à tous les moyens soulevés par sa requête initiale ;
- le service lui a demandé la production de fichiers non comptables, en violation des dispositions combinées des articles L. 13 et R. 13-1 du livre des procédures fiscales et 54 du code général des impôts ;
- l'administration a également méconnu les dispositions de l'article L. 47-A 2 du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle ne pouvait opérer des traitements informatiques sur des documents de pure gestion ;
- le contrôle inopiné exercé par l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 47 alinéa 4 du livre des procédures fiscales, dès lors que ce dernier, eu égard notamment à sa durée, ne s'est pas borné à de simples constatations matérielles mais a comporté l'examen critique de documents ;
- dès lors que le fichier de suppression de règlements " a-futil " ne concernait que la période du 5 août 2009 au 10 décembre 2010, les rehaussements effectués en dehors de cette période apparaissent exagérés et sans aucun fondement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SELARL Pharmacie du Centre ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Didiot,
- et les conclusions de Mme Peton-Philippot , rapporteur public.
1. Considérant que la SELARL Pharmacie du Centre, établie à Mutzig (67), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2007 au 31 mars 2010, étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 31 janvier 2011 ; qu'au terme de cette vérification, la comptabilité a été écartée comme non probante et les recettes de l'officine reconstituées ; que dans le cadre de la procédure contradictoire, le service lui a notifié par une proposition de rectification du 20 octobre 2011 des rehaussements de ses résultats imposables des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour l'ensemble de la période contrôlée ; que la société relève appel des jugements des
5 novembre 2015 et 10 mai 2016 par lesquels le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont elle est redevable au titre de la période du 2 janvier 2007 au 31 janvier 2011 ainsi que des pénalités dont ces droits ont été assortis ;
2. Considérant que les requêtes de la SELARL Pharmacie du Centre visées ci-dessus présentent à juger les mêmes questions; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Considérant qu'il résulte des pièces des dossiers que le tribunal administratif de Strasbourg, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a répondu à l'ensemble des moyens contenus dans les mémoires produits par la requérante ; que, par suite, la SELARL Pharmacie du Centre n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait, pour ce motif, entaché d'irrégularité ;
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne la procédure d'imposition :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements. (...) " ; que l'article R. 13-1 du même code prévoit que : " Les vérifications de comptabilité mentionnées à l'article L. 13 comportent notamment : a) La comparaison des déclarations souscrites par les contribuables avec les écritures comptables et avec les registres et documents de toute nature, notamment ceux dont la tenue est prévue par le code général des impôts et par le code de commerce ; b) L'examen de la régularité, de la sincérité et du caractère probant de la comptabilité à l'aide particulièrement des renseignements recueillis à l'occasion de l'exercice du droit de communication, et de contrôles matériels. " ; qu'enfin, l'article 54 du code général des impôts dispose que : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration (...) " ;
5. Considérant que la SELARL Pharmacie du Centre reproche au vérificateur d'avoir procédé au contrôle de plusieurs fichiers de son logiciel de gestion commerciale " Alliance Plus ", version Premium, qui ne pouvaient faire l'objet d'un tel examen dès lors qu'ils ne présentaient pas le caractère de documents comptables ;
6. Considérant qu'il résulte toutefois des dispositions précitées de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales que dans le cas, comme en l'espèce, de la vérification d'une comptabilité informatisée, l'examen de l'administration peut porter sur tout document concourant à la formation du résultat comptable ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport obtenu par l'administration dans le cadre de son droit de communication et établi par un expert informatique près la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, que le logiciel Alliance Plus utilisé par les pharmacies dispose d'une fonctionnalité altérant la fiabilité et l'exhaustivité des informations reprises dans les écritures comptables ; que le programme " outils administration " comporte, en effet, des fonctions appelées " traitement écritures règlements " et " traitement écritures factures " permettant la suppression d'une partie des opérations d'encaissement en espèces du fichier de facturation, à l'exclusion des opérations mettant en cause des tiers (paiements par chèques ou cartes bancaires, remboursement par tiers-payant) ; que le logiciel Alliance Plus produit des fichiers quotidiens de factures, de règlements, de mouvements de stocks, de bandes de caisse, transférés mensuellement vers les services de l'expert-comptable qui tient la comptabilité et rédige les déclarations fiscales obligatoires ; que ce logiciel fait donc office de logiciel de caisse et concourt à la formation des résultats comptables de la société ; que les fichiers en cause pouvaient ainsi faire l'objet, dans le cadre de la vérification de la comptabilité de la société Pharmacie du Centre, d'un contrôle sur le fondement de l'article L. 13 précité du livre des procédures fiscales ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " I.-Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable peut satisfaire à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux
articles 420-1 et suivants du plan comptable général. L'administration peut effectuer des tris, classements ainsi que tous calculs aux fins de s'assurer de la concordance entre la copie des enregistrements comptables et les déclarations fiscales du contribuable. L'administration restitue au contribuable, avant la mise en recouvrement, les copies des fichiers transmis et n'en conserve aucun double. II.-En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : (...) c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double. L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57 (...) " ;
8. Considérant, ainsi qu'il vient d'être dit, que les données du logiciel Alliance Plus ont concouru à la formation des résultats comptables de la société et pouvaient valablement être soumises au traitement prévu par les dispositions précitées de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ; que la SELARL Pharmacie du Centre a été informée par un courrier remis le 28 mars 2011 de la nature des traitements informatiques que l'administration voulait voir réaliser et a opté par courrier du 5 avril 2011 pour la mise à disposition de l'administration de copies de fichiers lui permettant de réaliser lesdits traitements ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil. " ;
10. Considérant que la SELARL Pharmacie du Centre soutient que la durée anormalement longue des opérations effectuées sur le logiciel Alliance Plus par le service dans le cadre d'un contrôle inopiné ayant précédé la vérification de comptabilité révèle nécessairement que l'administration s'est livrée à l'examen au fond des documents comptables et non à une simple constatation matérielle de l'existence et de l'état desdits documents, outrepassant les pouvoirs qu'elle détient en vertu de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;
11. Considérant qu'il résulte toutefois de l'instruction et notamment de la lecture de la proposition de rectification, qu'après avoir remis le 15 mars 2011 en mains propres à
Mme C...A..., gérante de la société requérante, un avis de vérification fixant la date de première intervention au 28 mars 2011, le service a procédé, ce même jour, de 9 heures 30 à
11 heures 10 à un contrôle inopiné, sur le fondement de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ; qu'il ressort des mentions de l'état contradictoire des constatations matérielles effectuées lors de ce contrôle inopiné, contresigné par MmeA..., que le vérificateur s'est borné à dresser une liste de fichiers informatiques se rapportant au logiciel Alliance Plus dont la désignation exacte a été jointe en annexe à ce procès-verbal et que le fichier intitulé " a_futil.d " a été ouvert à seule fin de noter les dates de première et de dernière intervention ; qu'aucune copie de ces fichiers n'a été réalisée ni emportée par le vérificateur ; que, par suite, contrairement à ce que soutient la société requérante, le vérificateur n'a pas procédé à l'examen au fond de ces documents comptables dès sa visite mais s'est borné à examiner l'existence et l'état des documents comptables ; que dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le contrôle inopiné dont elle a fait l'objet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;
En ce qui concerne le bien-fondé de l'impôt :
12. Considérant que pour regarder comme irrégulière et non probante la comptabilité de la SELARL Pharmacie du Centre au titre de la période vérifiée, le vérificateur a constaté que la comptabilité de la société comportait un nombre important de factures manquantes, des incohérences dans les quantités vendues et un nombre important de factures présentes dans le fichier " a_futil.d " qui conserve les suppressions de règlements ; qu'ainsi, l'administration, qui a relevé dans la proposition de rectification que la comptabilité de la société requérante ne retraçait pas l'intégralité des opérations effectuées par l'entreprise, dès lors qu'une partie importante des recettes n'avait pas été comptabilisée, doit être regardée comme apportant la preuve des graves irrégularités affectant la comptabilité ; que dès lors, c'est à bon droit, que le service a écarté la comptabilité de la société et a procédé à la reconstitution extracomptable de ses recettes ;
13. Considérant que pour procéder à cette reconstitution, le service a déterminé le nombre de lignes de recettes supprimées à partir des ruptures dans la séquence des opérations, recensées dans le fichier des règlements ; qu'il a ensuite multiplié le résultat obtenu par le montant moyen des règlements en espèces effectivement comptabilisés par exercice ;
14. Considérant que la société requérante soutient que le fichier " a_futil.d " ne concerne que la période du 5 août 2009 au 10 décembre 2010, de sorte que les rehaussements de chiffres d'affaires réalisés par le service sur l'ensemble de la période du 1er janvier 2007 au
31 décembre 2010 sont exagérés et sans fondement ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification, que le nombre de règlements supprimés figurant dans ce fichier par rapport à la période concernée est stable par rapport aux règlements manquants relevés par ailleurs sur l'ensemble de la période vérifiée ; qu'ainsi, la SELARL Pharmacie du Centre, qui ne démontre pas le caractère erroné de la méthode utilisée et ne propose par ailleurs aucune autre méthode d'évaluation plus précise de nature à apprécier le montant des recettes qu'il conviendrait de retenir, n'est pas fondée à soutenir que l'administration n'apporte pas la preuve du bien-fondé des reconstitutions opérées et, par suite, des impositions litigieuses ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SELARL Pharmacie du Centre n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administra-
tive :
16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes susvisées de la SELARL Pharmacie du Centre sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Pharmacie du Centre et au ministre de l'économie et des finances.
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N° 15NC02436 - 16NC01248