Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2016, M.A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) de décider d'une expertise afin de déterminer si son état de santé nécessite des soins dont l'absence pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et s'il pourrait bénéficier du traitement approprié au Niger ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 5000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ne lui a pas été communiqué par le tribunal et le préfet ;
- le tribunal aurait dû décider de recourir à une expertise médicale ;
- l'avis émis le 9 octobre 2015 par le médecin de l'agence régionale de santé de Champagne-Ardenne est en contradiction avec celui émis un an auparavant par le médecin de l'agence régionale de santé de Haute-Normandie ;
- son médecin traitant atteste que le défaut de prise en charge médicale de son état de santé pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
- le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
Une mise en demeure a été adressée le 20 octobre 2016 au préfet de la Marne.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 19 septembre 2016.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Etienvre.
1. Considérant que M.A..., ressortissant du Niger, entré irrégulièrement en France le 30 septembre 2014, a obtenu du préfet de l'Eure, après un avis favorable du médecin de l'agence régionale de santé, la délivrance d'une carte de séjour temporaire valable du 23 octobre 2014 au 22 octobre 2015 sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par arrêté du 4 février 2016, le préfet de la Marne a refusé de renouveler ce titre de séjour ; que M. A...relève appel du jugement du 15 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que le tribunal n'a entaché d'aucune irrégularité la procédure juridictionnelle d'une part, en ne communiquant pas à M. A...l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé Champagne-Ardenne le 9 octobre 2015 dès lors que cet avis ne figurait pas au dossier et, d'autre part, en ne décidant pas d'une expertise médicale qui n'avait pas été sollicitée par M.A... ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté préfectoral :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Éta. " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) " ;
4. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général, n'imposait au préfet de communiquer à l'intéressé l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;
5. Considérant que les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction en vigueur à la date de l'arrêté contesté, imposent seulement à l'administration de s'assurer de l'existence d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'étranger et non pas également de vérifier l'effectivité de l'accès aux soins dans ce pays ;
6. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ; qu'ainsi, la charge de la preuve de la disponibilité du traitement médical ne pèse pas sur l'administration, pas plus qu'elle ne pèse sur l'étranger, dès lors que s'applique en la matière le régime de la preuve objective ;
7. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour estimer qu'il existait au Niger un traitement approprié à l'état de santé de M.A..., le préfet de la Marne se prévaut de l'avis émis, le 9 octobre 2015, par le médecin de l'agence régionale de santé de Champagne-Ardenne ; qu'il appartient dès lors au requérant de produire au dossier des éléments justifiant du contraire ; qu'à cet effet, le certificat qu'il produit, établi le 27 février 2016 par le docteur Kack Kack, n'indique nullement que le traitement approprié à l'état de santé de M. A...ne serait pas disponible au Niger ; que la circonstance que, dans le cadre de l'instruction, par le préfet de l'Eure, de sa demande de titre de séjour, le médecin de l'agence régionale de santé de Haute-Normandie ait été, un an auparavant, d'un avis contraire est également insuffisante à cet égard ; que M. A...ne peut, enfin, utilement soutenir qu'il ne pourrait pas accéder effectivement au traitement que son état de santé requiert en raison de son coût ;
9. Considérant qu'aux termes de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
10. Considérant que si M. A...se prévaut de la présence en France de sa compagne, MmeC..., ressortissante néerlandaise, et soutient qu'il a eu avec celle-ci deux enfants nés respectivement en 2012 et 2015, il ne justifie ni de cette paternité ni de la réalité de la relation alléguée, depuis plusieurs années, avec MmeC... ; que, dans ces conditions et eu égard à l'entrée récente en France, en septembre 2014, de M. A..., le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et, sans qu'il soit besoin de décider de l'expertise médicale sollicitée, que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. A...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 16NC01518